A l'exception de Paris, la France voit se multiplier les déserts médicaux, faute de médecin. A Montargis, aucun généraliste n'accepte de nouveaux patients, et le suivi médical périclite.
"Attendre deux ans pour voir un cardiologue ce n'est pas acceptable. On sera mort avant!" Dans la salle municipale de Montargis, la femme en rose est chaudement applaudie. Pour ce premier échange dans le cadre du grand débat national, elle réclame la "justice médicale".Avec 76 généralistes pour 100 000 habitants, la région toute entière est bonne dernière au classement métropolitain : elle présente tout simplement la plus faible densité médicale de France.
A Montargis, ville de 15 000 habitants, aucun généraliste n'accepte de nouveaux patients. Un thème qui sous-tend ici la mobilisation très suivie des gilets jaunes. Sur les forums en ligne, le désert médical est abondamment commenté. "Si vous cherchez un dentiste, accrochez vous! ça fait 5 ans que j'en cherche un" écrit "Nelly".
Les études de médecine pointées du doigt
"On vit une fracture territoriale", constate Jean-Pierre Door, député LR de la ville et cardiologue. "Les métropoles ont siphonné les territoires ruraux".
Des médecins qui vieillissent et prennent leur retraite sans être remplacés faute de relève, c'est l'héritage d'une politique qui a consisté depuis 40 ans à faire de la première année de médecine un goulot d'étranglement, qui élimine 80% des étudiants.
Aux logiques de la démographie médicale s'ajoute un changements des attentes face au travail. "Plus personne ne veut vivre comme ces médecins d'autrefois qui travaillaient 20 heures par jour, sept jours sur sept", relève Jean-Pierre Door.
Pas de suivi pour les malades
Conséquence, l'hôpital, seul établissement pour un bassin potentiel de 150 000 habitants, voit ses urgences submergées malgré ses 130 médecins: "Il y a 15 ans, elles recevaient 15 000 patients par an, aujourd'hui c'est 60 000 avec 5 à 6 heures d'attente" note l'élu. Selon lui, plus de 60% de ces passages aux urgences ne sont pas nécessaires, et concernent parfois une simple otite, ou même un renouvellement d'ordonnance.
Avec un dispositif ainsi fragilisé, les patients sont moins bien suivis, voire pas. Installé depuis quelques mois à Montargis, le jeune cancérologue François Camus ne cache pas sa surprise: "Je vois ici des cancers à des stades avancés, avec des atteintes périphériques. Faute de médecins traitants, le diagnostic a été trop tardif."
Il prend comme exemple l'absence de gynécologue en ville: "Les femmes n'ont pas consulté depuis plus de 20 ans parfois et arrivent avec des tumeurs énormes". Une fois le traitement lancé, ou achevé, le Dr Camus ne sait plus à quel médecin référer ses patients pour le suivi.
Quelles solutions ?
Face à l'urgence, Emmanuel Macron a annoncé une réforme des études. Mais former un médecin, cela prend douze ans. Et la ville de Montargis doute des effets bénéfiques de la coercition : forcer des médecins à venir exercer, même temporairement, cela marcherait-il vraiment ?
A la place, la ville a favorisé depuis deux ans l'installation de maisons de santé : sur un site dont le loyer est offert par la collectivité locale, elles regroupent des médecins généralistes et spécialistes, des infirmières, des kinés.
S'inspirant des situations vues au Québec ou en Suède, dans des régions difficiles d'accès, le député Door a défendu l'ouverture de consultations de télé-médecine, en présence d'une infirmière qui relève les constantes du patient (tension, poids, température...) et dialogue à ses côtés avec un praticien via Skype.
La région est ainsi devenue pionnière en la matière.