Selon un récent sondage, les habitants du Centre-Val de Loire sont les moins attachés à leur région, parmi toutes les régions de France hexagonale. En cause : un manque d'appartenance historique, un territoire "façon puzzle" mal connu des habitants eux-mêmes, et une proximité avec Paris.
Il fait froid sur le marché de Montargis, ce mercredi matin. Les habitants sont emmitouflés dans des couches de tissus, nécessaires pour sortir faire les courses. Intrigué par les résultats d'un récent sondage Elabe - Institut Montaigne - SNCF, France 3 est allé leur demander quelle était leur région. "Le Loiret", assure un visiteur matinal. Mais la région, n'a-t-elle pas un autre nom ? "Le Gâtinais !"
"C'est le Loiret, je suis née à Montargis", souffle une dame. "Il y a peut-être un autre nom, mais je ne le connais pas... La région de la Loire ?" Bref, les Montargois ne connaissent pas vraiment leur région administrative, le Centre-Val de Loire, dont la capitale, Orléans, se trouve pourtant dans le même département. "Ah mais oui ! Dans ma voiture, il y a un petit papier avec le nom des villes, que je consulte pour des choses administratives. Vous voyez, ça n'a pas beaucoup d'effet, je ne me souviens de rien... Je n'y attache pas une importance démesurée."
Montargis, Châteauroux et Dreux, une seule région
Comme cette habitante de Châlette-sur-Loing, près d'un habitant de la région sur deux ne se préoccupe guère du Centre-Val de Loire. Selon le Baromètre des Territoires 2025 de l'institut de sondage Elabe, seuls 57% des Centraises et des Centrais se disent attachés à la région. Soit le pire score de tout l'Hexagone, derrière l'Île-de-France (59%) et l'Occitanie (70%). Les plus fiers du pays sont les Bretons (85%) et les habitants de la région PACA (77%).
Un manque de fierté et d'attachement régional qui semble s'expliquer par une méconnaissance de ladite région par ses habitants. Quand on demande à la même dame de donner quelques exemples de villes du Centre-Val de Loire, elle cite "Orléans, bien sûr, et Gien". Deux villes du Loiret. En revanche, "on ne va pas mettre la Touraine là-dedans, ça n'a rien à voir". Et pourtant si.
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— ELABE (@elabe_fr) January 14, 2025
Voici les résultats de la 3ème édition du #BaromètreDesTerritoires
Réalisée auprès de 10 000 personnes, cette étude cherche à mieux comprendre comment les Français vivent et s’adaptent à l’empilement des crises sociale, écologique et politique pic.twitter.com/CJUZkkhfaF
Une rare Montargoise à avoir donné du premier coup le nom "Centre-Val de Loire" s'essaie aussi au jeu des villes. "Orléans, Chartres, Pithiviers, Montargis, Gien... Voilà. Tours est dedans ?" La réponse est oui, comme pour Bourges, et Châteauroux. "Ça, Châteauroux, c'est le genre de ville que je ne situe pas. Peut-être comme les gens de Châteauroux pour Montargis d'ailleurs."
Plusieurs habitants de Montargis et de son agglomération rencontrés ce matin-là se disent même plus en relation avec Paris, situé à une heure de train, qu'avec Orléans. "Il faut prendre le bus, c'est pas facile. On ne fait pas beaucoup de tourisme dans la région non plus." Pourtant, il y a les châteaux de la Loire, celui de Chambord, le deuxième château le plus visité de France après Versailles. Il y a les fromages de chèvre, les vignobles mondialement connus. "Et Guédelon." Perdu. C'est proche de Montargis, mais c'est en Bourgogne. Ou plutôt, en Bourgogne-France-Comté, le territoire ayant trouvé un nouveau nom lors de la fusion des régions en 2015.
La Loire, seul point de repère commun
Le Centre-Val de Loire aussi, à l'époque, avait changé de nom. Le seul changement de nom de France sans que la région n'ait changé de forme. Le Centre s'était alors adjugé la mention "Val de Loire", tentant de capitaliser sur le fleuve royal pour construire une identité régionale commune.
Et si, manifestement, l'entreprise a échoué, la Loire reste un incontournable et une fierté régionale. Même à Montargis, pourtant situé à une trentaine de kilomètres de la vallée de la Loire. "Notre seul sentiment d'appartenance, c'est la Loire oui, c'est notre point de ralliement", confie une habitante. Mais ça ne va pas plus loin :
Je n'ai pas grandi ici. Dire que j'appartiens à la région Centre, ça n'a pas de sens pour moi. J'essaie de défendre le Gâtinais, je me sens du coin, avec le Loing, la Venise du Gâtinais, la forêt d'Orléans pas loin... Voilà.
Une habitante de Montargis
D'autant que, selon le sondage Elabe, les habitants de la région se démarquent plutôt par des avis négatifs sur la région. Le Centre-Val de Loire se classe numéro 1 des régions où "les services publics disparaissent", où les quartiers et villes ne sont "pas dynamiques, il ne s'y passe rien". Et aussi, bien entendu, numéro 1 des déserts médicaux. 54% des sondés de la région disent ainsi rencontrer des difficultés à se soigner par manque de soignants.
Restent quelques avantages. "L'immobilier n'est vraiment pas cher. Vous voulez vivre à une heure de Paris aujourd'hui. Soit vous êtes vraiment à la campagne, soit vous avez un immobilier qui n'est pas accessible."
Plusieurs habitants ont pourtant confié au micro de France 3 avoir déjà pensé à quitter la région. À partir pour la Bretagne ou le Sud. "Mais on est central là, on s'éloignerait de nos enfants. On préfère y aller en vacances." Pour l'instant, même sans le savoir ou le revendiquer, ils restent des habitants du Centre-Val de Loire, après tout.