Les clubs de football et de rugby d'Orléans vont se partager le stade de La Source la saison prochaine. Loin d'être inédite, cette situation existe déjà à Grenoble et à Rouen depuis plusieurs années. Dialogue et concession sont les mots d'ordre pour assurer une bonne cohabitation.
Samedi 14 octobre 2017, 19 heures 30, un coup de sifflet annonce la fin d'un match de football sur le terrain de la commune de Trélissac (Nouvelle-Aquitaine). Une demi-heure plus tard, un autre sifflement retentit. Trente rugbymen sont sur le terrain, prêts à en découdre. Entre-temps, quatre personnes se sont attelées à métamorphoser le rectangle vert pour passer d'un sport à l'autre en un rien de temps.
Doit-on s'attendre à voir le même spectacle sur la pelouse du stade de la Source ? Sûrement pas avec autant de précipitation. Mais, la saison prochaine (2025-2026), l'Union sportive Orléans Loiret football (USO) va effectivement partager son enceinte avec le Rugby Club d'Orléans (RCO), dont le stade actuel est en état de vétusté critique.
Cette future cohabitation est en grande partie rendue possible grâce à la pose d'un nouveau terrain hybride, à la Source, cet été. Il s'agit d'un mélange entre gazon naturel et microfibres synthétiques qui ralentissent la dégradation de la pelouse. Concrètement, les quelque 40 000 brins d'herbes artificiels qui la composent solidifient le terrain.
Les pelouses synthétiques permettent ainsi de programmer plus de matches dans une même enceinte, même s'il s'agit de sports différents comme le football et le rugby. C'est le cas dans plusieurs villes en France, dont à Grenoble et Rouen.
Savoir dialoguer
L'heure était encore au bilan au Rouen Normandie Rugby (RNR), ce mardi 4 février. Vendredi dernier, le club affrontait Albi. C'était un gros match, considéré comme le choc pour la montée en Pro D2. La tension était palpable sur le terrain, mais elle l'était d'autant plus ressentie par les organisateurs depuis quelques jours.
Plus de 5 600 spectateurs et un bataillon de partenaires étaient présents. Tout devait être parfait. Le club a dû s'assurer que le club de foot ayant précédemment utilisé le stade avait laissé les espaces de l’infrastructure "libres" ."Surtout les espaces réceptifs", précise Léo Penitzka, responsable Billetterie et Merchandising au RNR.
Le club de rugby rouennais partage le stade Robert-Diochon avec deux clubs : le FC Rouen et le Quevilly Rouen Métropole. "C'est une sacrée organisation, mais tout est question de dialogue", résume Léo Penitzka.
Les personnes en place dans les clubs sont garants du bon fonctionnement d'une cohabitation
Augustin DouilletDirecteur des opérations
Augustin Douillet, directeur des opérations au Grenoble Foot 38 (GF38), est du même avis. Le club de foot partage le stade des Alpes, pourtant construit pour lui en 2008, avec les rugbymen du Football Club de Grenoble rugby (FCG) depuis dix ans.
Une cohabitation de longue date qui a connu des hauts et des bas. Encouragés par la métropole, les deux clubs ont alors créé une société. Cela pour fluidifier leurs échanges et la transformation du stade d'un match à l'autre.
Il s'agit de Grenoble Alpes Sport (GAS). Cela permet aux clubs de ne pas s'occuper du nettoyage et du rangement global. "On récupère une coquille vide à l'effigie du GF 38 et on n'a plus qu'à réaménager les salons VIP et les loges", précise Augustin Douillet.
C'est Jean Mouton qui est derrière tout le processus de métamorphose. Au sein de GAS, il est directeur du Stade des Alpes. "On prouve depuis plusieurs années que la cohabitation est possible", estime-t-il.
Difficile appropriation du stade
Quand on entre au stade des Alpes et que notre ticket indique la tribune Ouest, les escaliers de l'enceinte conduisent jusqu'à une grande fresque signée par les Red Kaos, un des groupes de supporters du club de foot.
La création de cette peinture a pu être permise qu'à l'issue de nombreuses discussions entre le GF38, ses supporters et le club de rugby. "C'est un des inconvénients du partage. Les clubs peuvent difficilement s'approprier l'enceinte", admet Jean Mouton. À la fin de chaque match, qu'il s'agisse de foot ou de rugby, il demande d'ailleurs à ses équipes de retirer tout élément rappelant le GF ou le FCG.
Pour tenter de donner un semblant d'identité au stade, les deux clubs se sont retrouvés sur la couleur bleue qu'on retrouve sur leur blason respectif. Une solution qui pourrait être envisagée à Orléans puisque l'USO et le RCO partagent le jaune et le rouge.
Partager un stade c'est comme un couple, tout est une question de concession
Jean MoutonDirecteur du stade des Alpes (Grenoble)
Jean Mouton était lui-même sceptique sur la possibilité d'accueillir football et rugby dans un même stade. Il était inquiet au sujet de la programmation des matchs. Pour éviter un chevauchement, les clubs doivent aussi faire discuter leurs ligues entre elles pour éviter de programmer un match la même journée.
"Il m'est arrivé de ranger et métamorphoser le stade en moins de 24 heures parce que les matches se sont enchaînés d'un jour à l'autre", note le directeur du stade des Alpes. Un phénomène qui arrive deux à trois fois par saison.
"C'est toujours difficile de faire s'embrasser rugbymen et footballeurs sur la bouche", souligne Jean Mouton qui, malgré certaines difficultés, se place désormais en défenseur du partage de stade. Pour lui, c'est comme une relation de couple : "Chacun doit savoir mettre de l'eau dans son vin".