Emmanuel Vasseneix dirige le groupe familial LSDH, spécialisé dans la production et le conditionnement de liquides alimentaires. À la tête de 2 200 collaborateurs, il se montre particulièrement critique et intransigeant sur le manque de vision de la politique économique française à l'égard des PME et ETI.
Trois mille deux cent trente milliards d'euros... le déficit de la France est assez vertigineux. Ramener le déficit de la France sous la barre des 5% du produit intérieur brut, c'est l'objectif du premier ministre Michel Barnier qui a entamé la grande bataille budgétaire à l’Assemblée nationale où le débat sur la partie recettes du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 a débuté lundi 21 octobre au soir.
Emmanuel Vasseneix fait partie de ces chefs d'entreprises, inquiets de cette situation économique et politique en France. France 3 l'a rencontré.
Son entreprise, fondée en 1909, est située à Saint-Denis de l’Hôtel dans le Loiret. LSDH, qui possède 11 sites, emploie 2 200 collaborateurs pour un chiffre d’affaires 1,2 milliard d’euros.
"La politique française ? On travaille avec les gens qui sont élus, on essaie de faire au mieux, estime Emmanuel Vasseneix. Mais on a perdu beaucoup de sens, c’est ce que les gens reprochent : oui, les transitions, oui, les grands projets, mais, en tout état de cause, il faut faire très attention au quotidien des personnes, et c’est un petit peu ce que l’on a oublié à Paris ou à Bruxelles.
Et de renchérir : "il y a des gens en Sologne, un peu partout, pour qui c’est compliqué d’arriver à vivre économiquement dans ces régions-là. Heureusement qu’on gère nos entreprises mieux qu’est géré l’État, sans cela, il y a belle lurette qu’on serait au tribunal de commerce."
"Quand on me parle de souveraineté alimentaire, énergétique, cela me fait rigoler"
Pour Emmanuel Vasseneix, "La situation est quand même grave". "On nous dit que 50 % de nos fruits et légumes ne viennent plus de France, on ne va peut-être plus être autosuffisant au niveau de notre lait, quand on a du poulet qui vient du Brésil ou bien d’Ukraine, quand on n'a plus assez de viande de bœuf etc... C’est un enjeu qui est colossal, l’enjeu des territoires, de la diversité et de la biodiversité, l’enjeu de ces producteurs qui sont au quotidien dans leur exploitation pour nourrir la population et on s’en est désintéressé. Et aujourd’hui, quand on me parle de souveraineté alimentaire, énergétique, cela me fait rigoler parce qu’on ne prépare absolument pas notre pays à cette souveraineté.
Et puis, un jour, on découvrira qu’on n’a plus assez à manger pour tout le monde et là, on redeviendra des gens importants. Alors que l’on a tout, la France est un pays dans lequel il y a de l’eau, de la place, des compétences, des gens qui ont envie de se donner, on l’a vu avec les jeux olympiques et paralympiques, on a plein de bonnes choses, mais il nous manque ces catalyseurs, cette vision, ce cap qu’on n’a pas. Et heureusement qu’on gère nos entreprises mieux qu’est géré l’État, sans cela, il y a belle lurette qu’on serait au tribunal de commerce," lâche-t-il agacé.
"Ce qu’on demande aux politiques, c’est d’avoir une vision"
"Quand on parle de vision aujourd’hui, c’est vraiment ce qui manque. Tout le monde n’est plus au bon endroit", explique Emmanuel Vasseneix. "Ce qu’on demande aux politiques, c’est d’avoir une vision. On l’a connu, avec le plan Marshall quand il a fallu nourrir la population, quand il a fallu donner des grands axes, ça a été le cas avec le Général De Gaulle, construire des centrales nucléaires, le concorde etc. C’étaient des grands projets que menait la France et qui donnait cette fierté au pays. "Aujourd’hui, quelle est cette vision ? On ne l’a pas," affirme le chef d'entreprise. "La vision, c'est d’essayer de limiter la casse, on a des gens qui ne s’entendent pas."
Aujourd’hui, les projections que l’on a et cette instabilité politique que l’on vit, elle est financière, juridique, sur le plan fiscal. On dit : on va taxer les entreprises, mais elles sont déjà dans des situations extrêmement difficiles et on va encore plus les taxer, mais jamais on ne parle d’économie, de recentrer, de mettre l’argent là où il faut au bon endroit. Donc, on a un vrai sujet, on n’écoute pas assez les chefs d’entreprise, notamment ceux qui sont sur les territoires qui créent ce tissu économique, ce ne sont pas les grands groupes qui sont à l’international pour qui la France est un pays parmi d’autres. Ce sont nous, les terriens, ceux qui sont là avec nos collaborateurs, qui travaillons à l’évolution de nos territoires, mais on ne nous demande pas notre avis. C’est dommage," conclut-il.