Le RPR de Jacques Chirac, ressuscité par le Rassemblement national : la "coquille vide" qui espère conquérir Orléans

Le RPR, ramené à la vie par un député Rassemblement national 22 ans après sa dissolution dans l'UMP, inaugure sa fédération du Loiret ce lundi 9 décembre. S'autoproclamant organe de rassemblement de la droite, le parti s'applique un vernis gaulliste pour tenter d'emmener les électeurs qui ont peur du RN.

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Oui, vous lisez bien : le RPR vient de créer sa fédération loirétaine. Et se met en ordre de bataille pour les municipales d'Orléans. Non, nous ne sommes pas en 1980, mais bien en 2024. Le RPR historique, créé sur des fondations gaullistes en 1976 par Jacques Chirac à ses débuts, a pourtant disparu. C'était en 2002, lorsqu'il est absorbé par le flambant neuf UMP, créé autour du même Jacques Chirac.

L'UMP étant depuis devenu Les Républicains, le RPR semblait destiné à baigner dans le formol pour les décennies à venir. C'était sans compter sur un concours de circonstances, ayant amené des proches de Marine Le Pen à mettre la main sur le nom et le logo du défunt parti (Rassemblement pour la République, de son nom complet). Pour aboutir, en 2022, à une "refondation" du RPR, comme s'en félicite Franck Allisio.

Ce RPR-là ressemble avant tout à une machine à rassurer les électeurs de la droite traditionnelle, et qui craignent le RN. Des électeurs qui pourraient basculer sur un coup de tête, ou sur un coup de com'. Car le nouveau RPR, c'est avant tout une rampe de lancement pour le RN, avec un vernis gaulliste (le nom recyclé aidant) qui a du mal à prendre sur l'ancien parti de Jean-Marie Le Pen.

"Autorité, patriotisme et méritocratie"

Député Rassemblement national des Bouches-du-Rhône, président du RPR nouvelle mouture, Franck Allisio était présent ce lundi 9 décembre à Orléans pour inaugurer la fédération 45 de son parti. En compagnie de la tête de gondole RN d'Orléans, Hubert de Meuse. Dans un café proche de la cathédrale, quelques sympathisants (moins d'une dizaine) sont rassemblés pour écouter l'acte fondateur du RPR loirétain.

"Nous voulons créer une maison commune pour tous ceux qui croient en la France, veulent tourner la page du macronisme et faire barrage à l'extrême gauche", assure Franck Allisio. Fier, il se souvient de sa première carte politique, "prise au RPR en 2001, j'avais 20 ans".

Pourtant, ce n'est pas ce RPR-là qu'il veut recréer. Mais "le vrai", celui de 1976, celui de Jacques Chirac (qui avait qualifié le FN de parti "de nature raciste et xénophobe" en 1998). Un RPR "gaulliste, autour de trois valeurs : l'autorité, le patriotisme et la méritocratie", comme celui créé à l'époque "en réaction à la dérive techno de Valéry Giscard-d'Estaing". Avant d'être "dévoyé" par ses "dirigeants successifs", estime le député.

La revendication gaulliste de ce nouveau RPR fait écho à celles de Marine Le Pen qui, depuis quelques années, se dit gaulliste, elle aussi. Et ce malgré l'héritage de son parti, fondé notamment par d'anciens Waffen-SS et entretenu pendant des décennies par des nostalgiques de l'Algérie française. Autant de personnages qui voyaient en de Gaulle leur ennemi numéro 1.

Franck Allisio, lui, reconnaît volontiers un héritage de l'aile droite du RPR. "Je suis plus proche de Charles Pasqua et Philippe Séguin." Philippe Séguin, président du parti à la fin des années 90, qui disait en 1998 que toute alliance avec le FN était "une impasse". Il évoquait des "mots terribles qui nous rappellent l'antisémitisme, le racisme et la xénophobie", et estimait n'avoir "rien en commun en termes de propositions avec le Front national".

Plus gaulliste que les gaullistes

"C'était il y a 20 ans", balaie Franck Allisio. Le député d'extrême droite assure que "nous-mêmes avons à redire sur ce qu'a pu être le FN en 1998", actant l'existence d'une "rupture sur le fond" entre le RN de 2024 et le FN de Jean-Marie Le Pen. De quoi renverser complètement l'histoire du parti ? Parti dont certaines têtes d'affiche (le député du Loiret Thomas Ménagé, 32 ans, ou le président du RN Jordan Bardella, 29 ans) n'avaient même pas 10 ans lors de la déclaration de Philippe Séguin.

Pierre Allorant, politologue et doyen de la faculté de droit de l'université d'Orléans, concède que "cette génération vient de l'entourage de de Villiers ou de Dupont-Aignan, et n'est plus dans l'héritage historique du FN". Mais, "de là à se revendiquer de Séguin, qui est quand même l'incarnation du gaullisme social, on est très loin de l'héritage du RN". Et reste "autour de Marine Le Pen un noyau d'idéologues" qui, lui, est bien ancré dans l'héritage du parti.

L'ancien FN a toujours été hostile au gaullisme. Entre les nostalgiques de Vichy et l'Algérie française... Historiquement, c'est très gonflé de se présenter comme héritiers du gaullisme.

Pierre Allorant, doyen de la faculté de droit d'Orléans

À la limite, le politologue distingue-t-il "un point d'accord" entre RPR 1976 et RN 2024 : "un aspect très eurosceptique". "Quand Chirac crée le RPR, c'est une arme de guerre contre Giscard, qui avait confiance en l'Europe communautaire."

Pourtant, les représentants du nouveau RPR entendent bien utiliser à fond cette nouvelle étiquette. "Elle est destinée à des gens qui sont des patriotes mais qui ne veulent pas franchir le pas de prendre une carte RN", explique Hubert de Meuse. Une manière très explicite de "poursuivre la dédiabolisation, de rassurer l'opinion", analyse Pierre Allorant. Car le RPR c'est le RN, avec un autre nom et un autre logo (presque le même que le vieux parti, avec la croix de Lorraine). "On peut être au RPR et avoir sa carte RN", se félicite Franck Allisio. Pratique.

Le tout avec les étendards de la droite traditionnelle, celle de Chirac et Juppé. Mais "est-ce que le RPR parle encore ? Peut-être que ça va rassurer les retraités, mais à part ça", s'interroge le politologue.

La mairie d'Orléans en ligne de mire

Mais rassurer les retraités, tranche de la population réfractaire au vote RN ces dernières années, c'est déjà un bon point pour le RPR. Qui compte bien contribuer à des victoires électorales, peu importe l'échelon. À Orléans, la machine est en marche. "Il y aura une liste à Orléans", promet Hubert de Meuse, lui-même "candidat à l'investiture" en tant que tête de liste RPR.

Fin novembre, le référent RN du Loiret, Anthony Zeller, assurait à La République du Centre que le parti avait déjà son candidat pour la mairie d'Orléans, dans l'attente d'une validation par la commission d'investiture du RN au niveau national. "C'est bien moi", confirme Hubert de Meuse. Contacté, Anthony Zeller n'a pas répondu aux sollicitations de France 3.

Reste à savoir si le RPR, du moins sa cuvée 2024 compatible avec l'extrême droite, sera assez solide pour permettre au RN d'élargir sa base, et dépassera son statut de "coquille vide", comme le qualifiait Le Point en mars 2022. "Nous ne sommes pas un coup de com', s'indigne Franck Allisio. La preuve, on est encore là un an et demi plus tard, et l'engouement sur le terrain est grand." Le nombre de fondations créées en France (moins de dix) ne vient pas vraiment appuyer cette déclaration. "On manque de temps", justifie le président du parti.

Et il en faudra, de l'engouement, pour que l'alliance RN-RPR (le RN restant "le soleil avec des planètes autour", dixit Franck Alliosi) s'empare de la mairie d'Orléans. En 2014, la liste FN n'avait empoché que 10% des voix aux municipales dans la capitale du Loiret.

Aux législatives de 2024, bien que qualifiés pour le second tour dans les trois circonscriptions sur lesquelles la commune est éclatée, les candidats RN n'avaient pas fait mieux que troisième à Orléans même, derrière les candidats de gauche et de la macronie. Ensemble, ils avaient réuni dans la ville 21,3% des voix au premier tour, et 27,7% au deuxième.

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