Le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) en Centre-Val de Loire connait un bilan 2024 mitigé et un début d’année 2025 très compliqué. L’absence de vote du budget national et les incertitudes liées aux aides publiques mettent en péril des milliers d’emplois et freinent les projets de construction.
L’attentisme, c’est le terme qui revient lorsqu’on interroge les acteurs de la filière du BTP (Bâtiment et Travaux publics) sur leur situation économique.
En l’absence de vote du budget national, le secteur est plongé dans une incertitude financière et opérationnelle.
L’année 2025 commence donc très mal pour cette branche, souvent considérée comme un baromètre de la conjoncture économique générale du pays.
“Le climat conjoncturel est défavorable dans l’ensemble de la construction. Si l’on observe les indicateurs, ils sont négatifs, et cela était déjà le cas fin 2023”, déplore Florent Sautereau, directeur de l’Observation régionale de la filière Construction.
Bâtiment : en péril en l’absence d’aides
Sans les aides pour les particuliers, le secteur du bâtiment traverse une crise économique majeure.
Anthony Laudat, président de la Fédération française du bâtiment Centre-Val de Loire, décrit une situation alarmante :
Les perspectives sont très mauvaises, voire catatoniques, car il n'y a pas de loi de finances. Toutes les aides qui soutenaient la filière du bâtiment sont à l'arrêt.
Anthony Laudat, président de la Fédération française du bâtiment Centre-Val de Loire
Le président de la Fédération française du bâtiment Centre-Val de Loire fait notamment référence au PTZ (Prêt à Taux Zéro). Ce dispositif permet aux ménages d’accéder à la propriété, sans frais de dossier, avec des intérêts qui sont à la charge de l'État.
Selon Anthony Laudat, cette aide solvabilise une partie de la population et soutient la filière du bâtiment. Elle avait été rétablie suite au projet de loi de finances de Michel Barnier, censuré depuis.
Le dispositif Pinel, permettant une réduction d’impôts pour l’acquisition de logements neufs destinés à la location, est également en suspens. "Les opérations en cours ne peuvent être terminées faute de projet de loi de finances", ajoute Anthony Laudat.
La situation est similaire pour le dispositif MaPrimeRénov’, destiné à la rénovation énergétique des logements. "Sans garanties de l’État, les travaux sont bloqués, car il n’est pas possible de remettre en place ce système sans projet de loi de finances", déplore-t-il.
Nous avions besoin de ces aides pour limiter la dégringolade. L’activité a baissé, mais ces soutiens permettaient de la maintenir à flot. Aujourd’hui, sans ces aides, nous sommes dans un scénario catastrophe
Anthony Laudat, président de la Fédération française du bâtiment Centre-Val de Loire
Il estime que 700 emplois ont été perdus en 2024 dans la région Centre-Val de Loire et prévient que ce chiffre pourrait atteindre 1500 en 2025 si rien n’est fait. Le secteur du bâtiment compte 42 000 emplois dans la région.
La construction de logements en baisse et des suppressions d'emplois
Florent Sautereau, directeur de l’Observation régional de la filière Construction, confirme cette tendance :
La construction de logements a chuté de 12 % fin novembre 2024 par rapport à l’année précédente. Le secteur non résidentiel n’est pas en reste avec une baisse de 27 % des surfaces construites.
Florent Sautereau, directeur de l’Observation régional de la filière Construction
Les indicateurs sont tout aussi défavorables pour les autorisations de construction, en baisse de 20 % à 35 % sur les deux dernières années.
Le carnet de commandes des entreprises de bâtiment ne leur offre que cinq mois de visibilité, aggravé par l’incertitude des particuliers face à l’absence d’aides de l’État.
L'emploi est aussi affecté en raison des baisses de construction de logements : environ 270 postes perdus au deuxième trimestre de 2024 dans la région Centre-Val de Loire, selon l’URSSAF.
Si la situation ne s’améliore pas, ce chiffre pourrait encore augmenter.
Anthony Laudat souligne l’urgence d’une action gouvernementale pour éviter une catastrophe en 2025 : "Nous demandons que le budget soit voté et une loi de finances adoptée pour permettre à la filière de redémarrer correctement."
Travaux publics : une stabilité menacée par l’incertitude budgétaire
Olivier Lachaize, délégué syndical des travaux publics en Centre-Val de Loire, souligne une stabilité dans le volume d’activité en 2024, avec une légère hausse du chiffre d’affaires de 3 à 4 %, due principalement aux effets de l’inflation.
Toutefois, Christian Bodin, président de la Fédération Nationale des travaux publics, tire la sonnette d’alarme :
Sans vote du budget, la filière des travaux publics ne peut pas fonctionner. Nous dépendons à 70 % des marchés publics et du financement des collectivités.
Christian Bodin, président de la Fédération Nationale des Travaux Publics
Actuellement, le secteur des travaux publics fonctionne grâce aux chantiers déjà commandés, mais l’avenir reste incertain.
"Nous avons seulement 4 à 5 mois de visibilité, et nous attendons que les collectivités puissent établir leur budget avec des financements croisés de la région et de l’État", explique Christian Bodin.
L’attentisme lié à l’actualité politique complique la situation.
Christian Delhomme, président de la Banque de France Centre-Val de Loire, confirme que les commandes publiques, sont en berne depuis l’été en raison des contraintes budgétaires. "Normalement, période pré-électorale, nous constatons une augmentation significative des carnets de commandes, mais là, on est à un an et demi des prochaines élections municipales et il y a un ralentissement significatif des travaux publics."
L’absence d’une politique budgétaire stable freine la conclusion de nouveaux projets.
Christian Delhomme, président de la Banque de France Centre-Val de Loire
Pour 2025, une baisse d’activité est à prévoir, due à l’incertitude politique, budgétaire et fiscale. "Les investisseurs, les acteurs de la construction, du logement, et même les particuliers hésitent à prendre des décisions", note Christian Delhomme.
Florent Sautereau, directeur régional de la filière Construction, insiste sur la nécessité de la stabilité politique pour maintenir la filière en bonne santé économique. "Sans un carnet de commandes rempli sur 12 mois, les travaux publics auront du mal à se conformer aux nouvelles normes, ce qui est crucial pour leur bien-être économique."
Des emplois en grande difficulté
Au niveau de l’emploi, il y a une baisse à 1,6% des emplois salariés apprentis avec une suppression de 150 salariés prévus d'ici à 2025.
D'un autre côté, il y a une augmentation de 1,8% d’intérimaires selon les chiffres de Florent Sautereau, directeur de l’Observation Régional de la filière Construction.
La filière du BTP reste donc très fragile.
Selon l’URSAFF en 2024, les effectifs de la construction subissent un recul de 0,4 % depuis désormais six trimestres. Sur un an, ils diminuent de 2 %, soit une suppression de 1 190 postes.
Sur une base de 100, l'emploi salarié dans le secteur de la construction (Bâtiment et Travaux publics) au 4ᵉ trimestre de 2022 a augmenté de 9,4% depuis 2017. Toutefois, depuis son pic en 2022, le taux a baissé de 2,4% au 1ᵉʳ trimestre de 2024.
L'emploi salarié dans le secteur de la construction (BTP) est donc en diminution notamment depuis 2023.