Se sentir “à la maison”, avoir son “chez soi” même lorsque l’on est atteint de trisomie 21 : c’est le projet de l’association tourangelle Main de Joseph. L’idée : créer un habitat inclusif pour cinq adultes trisomiques. Si le projet n’en est qu’à ses prémices, la motivation de l’association et de son président est débordante.
C'est un projet ambitieux, social et humain : transformer une maison laissée à l'abandon en un havre de paix pour cinq adultes trisomiques. La demeure, une vieille bâtisse datant du XVIIIe siècle, se situe à l'Ile-Bouchard, un petit village de 1500 habitants niché à l'extrême sud de l'Indre-et-Loire, tout proche du département de la Vienne.
Aujourd'hui, la maison est dans son jus, presque à l'abandon, mais Cyrille Duvivier, le porteur du projet, est convaincu qu'il pourra lui redonner une âme d'ici son ouverture, prévue en septembre 2026. "C'est formidable, il y a tant à faire" se réjouit-il lors de la visite de la maison avec son architecte. Cette idée d'habitat inclusif pour adultes trisomiques, Cyrille Duvivier l'a eue en discutant avec l'un de ses sept enfants, Foucauld, porteur de trisomie 21 et aujourd'hui âgé de 21 ans.
Chacun sa chambre et sa salle de bain
Lui aussi présent lors de la visite, Foucauld ose rêver d'un futur dans cette maison. Il se projette déjà dans l'une des chambres située au premier étage. "Un lit, un bureau, une table de nuit, une armoire" énumère le jeune adulte en scrutant les murs défraîchis de la pièce.
Chaque résident possédera son coin d'intimité avec une chambre et une salle de bain privative. Mais dans les combles, la grande hauteur sous plafond enchante Cyrille Duvivier. "Ici, il y aura un espace de loisirs commun" se réjouit le porteur de projet. Le lieu aura également une autre visée : celle de créer du lien avec les personnes isolées de l'Ile-Bouchard. “Ces personnes extraordinaires [les personnes trisomiques NDLR], elles ont un don de la relation incroyable. Elles ne sont pas dans le jugement donc les personnes seules. Elles seront heureuses de venir ici, elles se sentiront accueillies, pas jugées et je pense que ça aura beaucoup de succès”, analyse le père de famille.
Si cette colocation est à destination de cinq adultes trisomiques, leur degré d'autonomie sera déterminant pour pouvoir intégrer la demeure. Cependant, des personnes extérieures seront présentes en permanence en cas de besoin. La journée, un maître de maison les épaulera dans leur quotidien et au fond du jardin, dans les dépendances, deux appartements et un studio accueilleront des couples ou jeunes retraités. "Ils [les adultes trisomiques NDLR] auront au moins une présence rassurante de personnes ordinaires qui seront capables d'interagir s'il y a un problème, une fuite, un dégât des eaux, quelque chose..." explique le président de "Main de Joseph".
Un projet qui nécessite des fonds, beaucoup de fonds
À l’heure actuelle, le coût total du projet avoisine les 700 000 €. “Aujourd'hui, on a atteint un niveau de dons de 65 000 €. On espère à partir de 200 000, pouvoir se dire “On y va”. On rêve même de tout financer par les dons” détaille le trésorier de l'association, François-Xavier Joulie.
Pour glaner d'autres précieux euros, la recherche de partenaires est un passage obligé. “Chaque rendez-vous est une étape importante. Je ne me mets pas de pression. Honnêtement, j’ai le sentiment que le budget, si je le réalise, je vais perdre pied, donc un pas après l’autre" développe-t-il avant une réunion avec le Rotary Club.
C’est plus qu’un chèque, c’est aussi une rencontre de personnes.
Dominique Valadon, Directeur opérationnel du Groupe Artus
Sous le charme du projet, Pascale Goguet, présidente du Rotary Tours Val de Loire, tient à apporter sa pierre à l'édifice. Via un atelier interactif en janvier et une soirée-débat en mars, elle espère récolter 1700 € qui financeront l'achat de matériel de jardinage. “Si demain, on arrive à avoir tous les dons, on aura gagné! On aura rendu des gens heureux”, s'émeut la présidente.
Comme elle, le monde professionnel se retrousse également les manches. Le Groupe Artus à Tours, a lui déjà versé plusieurs milliers d'euros à l'association. “C’est plus qu’un chèque, c’est aussi une rencontre de personnes. Ce projet m’a parlé, Cyrille m’a emmené dans son doux rêve et ça m’a donné envie d’y participer” raconte Dominique Valadon, le directeur opérationnel du Groupe Artus.
Des rendez-vous cruciaux, Cyrille Duvivier en a régulièrement pour faire grandir le projet. “En fait, on y croit tellement à ce projet, qu’on se dit “est-ce que les autres vont y croire?” et toutes les rencontres que j’ai faites aujourd'hui viennent me confirmer que ce projet a plein de sens”, conclut-il.
Une quête d'autonomie
Un projet qui fait sens pour ce père de famille de sept enfants. La trisomie 21, cette anomalie chromosomique, s'invite dans sa vie et celle de sa famille à la naissance de son cinquième enfant, Foucauld. Native de la Touraine, aujourd'hui la famille Duvivier réside en région parisienne mais garde de profondes attaches avec leur département d'origine.
A Versailles désormais, Foucauld occupe une grande partie de son temps au sein de la structure "Les amis de la Ruche". Là-bas, il bricole ou cuisine, toujours sous l'oeil bienveillant d'encadrants bénévoles. Le soir, il rentre chez lui. Mais cette routine, un jour, Foucauld se la rêve dans une vie d'adulte. Une vie de responsabilités, d'autonomie, d'indépendance. Désir formulé, c'est ainsi que Cyrille Duvivier se lance dans cette aventure.
“Dans ma future maison, je serai très heureux de faire plein de choses intéressantes. Comme créer ma chambre, faire de la soupe, faire aussi le potager”.
Foucauld Duvivier
D'autant qu'avec les avancées de la médecine et de la prise en charge, l'espérance de vie pour les personnes porteuses de trisomie n'est plus la même. Si hier, elle tournait autour de 25 ans, désormais elle a plus que doublé, leur permettant le plus souvent de survivre à leurs parents. Une éventualité à prendre en compte pour les parents de Foucauld : "si jamais on ne s’était pas occupé de ça de notre vivant, ça tomberait mécaniquement sur les épaules des frères et sœurs. C’est pas pour autant qu’ils ne s’en seraient pas occupés, mais nous on partira serein", résume le père de famille.
Foucauld, juste à côté de lui, acquiesce. Cette maison réprésenterait une sécurité, mais surtout la liberté de choisir enfin pour soi : “Dans ma future maison, je serai très heureux de faire plein de choses intéressantes. Comme créer ma chambre, faire de la soupe, faire aussi le potager”. Des plaisirs simples synonymes de grande indépendance… Foucauld imagine déjà son monde de demain.
Retrouver les épisodes de cette série sur Youtube : épisode 1, épisode 2 et épisode 3.
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