Saisi par une plainte en octobre 2012 du président du Conseil Exécutif de l'Assemblée de Corse, concernant le non paiement de la taxe des transports par certaines compagnies, le procureur de la République d'Ajaccio a finalement classé l'affaire, a-t-on appris jeudi 6 juin.
Le procureur de la République d'Ajaccio, Xavier Bonhomme, indique avoir classé l'affaire le 6 mai dernier et en avoir averti le président du Conseil Exécutif. Dans une interview, Paul Giacobbi déclare ne pas avoir reçu de courrier et indique que pour lui la procédure se poursuit.
Rappels des faits
Depuis sa création, par un vote de l’assemblée de Corse en 1991 la taxe des transports ne fait pas recette. En septembre 2012, le président du Conseil Exécutif de l’Assemblée de Corse, Paul Giacobbi, annonce que l'Inspection Générale des Finances est en train d’enquêter sur le non paiement d’une partie de cette taxe par "certaines compagnies". En octobre, le parquet d’Ajaccio est saisi pour une enquête pénale.Le 6 Juin 2013, Paul Giacobbi s’exprime sur le non paiement de la taxe des transports devant l’Assemblée de Corse, comme si l’enquête pénale se poursuivait, alors que le procureur de la République affirme le contraire sur le site bakchich, le même jour.
Ce cafouillage se produit la veille du débat sur la Délégation de Service Public devant l'Assemblée de Corse, le vendredi 7 Juin.
Du fiscal au pénal
Fin Septembre le rapport circule et est présenté à la presse (sans ses annexes, couvertes par le secret fiscal). En octobre, le président du Conseil Exécutif saisi le procureur de la République d’Ajaccio, Xavier Bonhomme. Le procureur saisi la police judiciaire pour une enquête préliminaire. La police recherche d’éventuels délits qui pourraient déclencher des poursuites pénales.Le 22 Octobre 2012, le site bakchich.fr publie le rapport de l’Inspection Général des Finances. Le contenu du rapport est décevant. France 3 Corse titre alors "Un rapport incomplet". A la lecture du rapport de vingt pages, on reste sur sa faim.
L’inspecteur des finances -Christophe BAULINET- écrit : "les données qui suivent constituent les données de synthèse uniquement. En effet, les données détaillées par compagnie sont soumises au secret fiscal" (P13). Ainsi un inspecteur des finances n’aurait pas accès au secret fiscal. On se demande à quoi sert une "enquête" dans ces conditions.
Période limitée, enquête limitée
Le rapport de l’IGF porte sur une période limitée, de 2008 à 2011. Pourquoi une si courte période alors que la mauvaise perception de la taxe date de sa mise en place, fin 1991 ? Parce que en matière fiscale les faits sont amnistiés au bout de quatre ans. L’enquête pénale ne porte donc que sur la période du rapport, alors même que ce dernier ne contient pas beaucoup d’éléments.Pour la période prescrite, il y aurait pu avoir une enquête pénale. Cependant, au moment où l’affaire est abordée une autre prescription court, c’est la prescription pénale. Elle est encore plus courte, "trois ans" indique le Procureur de la République d’Ajaccio. Quand à l’enquête pénale, elle est derrière nous.
La fin des poursuites et la polémique
Nous apprenons le classement de l’enquête pénale, information révélée par le site bakchich dans un article du 6 Juin 2013. Contacté, Xavier Bonhomme confirme le "classement sans suite" pour "manque d’éléments, il n’y a pas d’infraction pénale". Pourtant, ce même jour, Paul Giacobbi, président du Conseil Exécutif de l’Assemblée de Corse estime que "l’enquête continue"."On nous vole encore"
Le jeudi 6 juin, dans la matinée, Paul Giacobbi s’exprime sur le Compte d’administratif de l’exercice 2012 de l’Assemblée de Corse. Le président de l’Exécutif aborde le non paiement de la taxe des transports : "On nous a volé et on nous vole encore". Pas un mot sur l’arrêt des poursuites par le parquet.Dans l’après-midi du même jour, Paul Giacobbi revient le sur sujet. Sur les redressements : "(…) 5 millions d’euros ont été recouvrés par l’Inspection Générale". A propos de l’enquête du Pparquet, le président fait comme si elle se poursuivait : "(…) les contrevenants ne seront pas déçus du voyage". Alors, quid de l’arrêt des poursuites par le Parquet ? "Je ne suis pas informé" répond le président de l'Exécutif.
Confirmation de l’arrêt des poursuites
Recontacté, le Procureur de la République d’Ajaccio réaffirme que "l’affaire est classée". Depuis quand ? "Le président Giacobbi a été informé par courrier, le 6 mai", soit un mois avant la séance de l’Assemblée de Corse. Là aussi Paul Giacobbi maintient "ne pas avoir reçu ce courrier".Dans un entretien accordé à France 3 Corse ViaStella, Paul Giacobbi se dit surpris par le classement pénal, confirme qu'il n'a pas été informé et nous précise qu’il est prêt à faire appel de cette décision.
Existe-t-il une possibilité d’appel ? Oui, Paul Giacobbi peu saisir le Procureur Général de Bastia, il n’y a pas de délais.
Ce débat, apparemment, confus sur la taxe des transports peu en cacher un autre. Le vendredi 7 juin, l’Assemblée se prononce sur le rapport du Conseil Exécutif. Il faut renégocier avec les compagnies candidates à l’appel d’offres Marseille-Corse.
Corsica Ferries France pourrait être écartée de la nouvelle négociation pour cause de "manque de bateaux". Le groupement CMN-SNCM doit demander moins de subvention car "il n’y a plus d’argent" dans les caisses de l’OTC.
Des recommandations discrètes
L’OTC a présenté un budget en déséquilibre, fin mars 2013. Le Préfet de Corse a saisi la Chambre Régionale des Comptes (CRC) de Bastia pour qu’elle fasse des "recommandations" à l’OTC. En effet, une collectivité locale ne peut pas présenter un budget en déficit.Le 29 mai 2013, le président de l’OTC, Paul-Marie Bartoli a été informé, par courrier des "recommandations" proposées par la CRC pour équilibrer le budget de l’Office des Transports de la Corse.
Le 7 Juin, au matin, le détail de ces "recommandations" n’était pas encore connu.
Une CTC spoliée, une concurrence faussée
In fine, l’État n’a plus abondé l’enveloppe des subventions (continuité territoriale) depuis plusieurs années. A ce manque, il faut ajouter le montant de la taxe des transports que "certaines compagnies" n’ont pas versée et la hausse des coûts, notamment des carburants. La somme de tous ces éléments expliquent le déficit.Du coup, la CTC s’appuie sur ces arguments pour justifier la baisse des subventions maritimes. Le prix des carburants ne baissera pas, il n’est pas sur que l’État paye demain, ce qu’il a refusé hier. Enfin sur la taxe des transports non perçue, c’était à l’État de contrôler la perception des montants.
Dès le 29 octobre 2012 nous écrivions à propos de l’État : "(…) peut-il enquêter, en partie, sur lui-même ? Décidément, ce n’est pas gagné".
L’actualité semble nous donner raison. Apparemment, vue les conclusions de l’enquête pénale, une partie de cet argent est perdue pour les finances de la Collectivité Territoriale de Corse.