Nouvel épisode dans le feuilleton de la guerre que se livrent les compagnies maritimes. La SNCM réagit au nouveau recours en justice de Corsica Ferries France. Pierre André Giovannini, directeur de la SNCM, proteste contre les mises en cause du dirigeant de la Corsica Ferries France, Pierre Matteï.
Après le nouveau recours de la Corsica Ferries France contre la DSP de la SNCM/Méridionale et les déclarations faites à la presse par Pierre Matteï le 25 novembre, Pierre-André Giovannini, directeur pour la Corse de la SNCM, réagit.
Il proteste contre les mises en cause du dirigeant de la Corsica Ferries France. Pierre André Giovannini accuse également son partenaire, La Meridionale, d'être de connivence avec la Corsica Ferries France, l'une des sociétés françaises du holding Lozali, basé à Genève.
Liaisons Corse-continent: la SNCM dénonce "le jeu trouble de ses concurrents"
La Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) accuse ainsi ce mercredi 27 novembre les deux autres compagnies, Corsica Ferries et la Méridionale, assurant les liaisons maritimes Corse-continent, de "connivences" et de "jeu trouble" visant à couler l'opérateur historique.
"Nous en avons assez d'être dénoncés comme des gens vivant sous perfusion. Nous avons un contrat de service public qui est justement rémunéré par rapport à une prestation qui est mise en ligne par la SNCM et la Méridionale", a déclaré le directeur pour la Corse de la SNCM, Pierre-André Giovannini, à la radio Alta Frequenza.
Corsica Ferries avait annoncé mardi avoir déposé un recours en justice contre l'attribution pour dix ans (2014-23) par la Collectivité territoriale de Corse
(CTC) de la délégation de service public (DSP) au consortium SNCM/Méridionale.
La candidature de cette compagnie privée, dont les navires battent pavillon italien et les équipages sont multinationaux, n'avait pas été retenue par l'Assemblée de Corse.
Harcèlement juridique contre la Corse
"Cet énième recours de Corsica Ferries à l'encontre de la DSP est à comprendre comme une remise en question du choix de l'Assemblée", a souligné M. Giovannini. Il a ajouté que "le harcèlement juridique auquel nous étions habitués est maintenant tourné contre la Corse".
Il a en outre accusé Corsica Ferries de "faire croire que la SNCM touchait 96 millions d'euros de subventions, alors que c'est une rémunération en échange d'une prestation".
Cette somme allouée par la CTC concerne la SNCM pour 57,5 millions, mais aussi la Méridionale avec 38,5 millions, a-t-il précisé, ajoutant que cette compagnie, "présentée comme le bon élève de la classe, a perdu en 2012 1,8 million et terminera vraisemblablement l'exercice 2013" avec des pertes situées "entre 8 et 9 millions".
Jeu trouble
Le partenariat avec la Méridionale se déroule bien "au niveau des ventes" de billets.Toutefois "des gens jouent un jeu très trouble en pensant que la SNCM pourrait trébucher", a estimé le dirigeant, assurant qu'"un dépôt de bilan n'est pas à l'ordre du jour".
Dénonçant "des connivences et des amitiés concrètes" entre la Méridionale et la Corsica Ferries, il a ajouté que "si l'on veut parler de subventions et d'argent public, on peut aussi parler de l'aide sociale parce que la Corsica Ferries a touché à ce titre plus de 160 millions d'euros depuis une dizaine d'années" versés par la CTC.
No comment pour La Méridionale
Dans un communiqué, la direction de la Méridionale "s'étonne" de ces déclarations."Elle ne s'est jamais permis la moindre observation sur la situation économique de son partenaire sur la desserte de la Corse", affirme la compagnie, qui "veillera en permanence à se tenir à cette ligne de conduite" et "ne commentera donc pas les propos formulés publiquement à son sujet dans la
matinée".
La Méridionale "n'a pas de temps à perdre à commenter des allégations fantaisistes et des insinuations malveillantes", ajoute-t-elle.
Mennucci et Gaudin réagissent
Le candidat socialiste à la mairie de Marseille, Patrick Mennucci a par ailleurs dénoncé "des rumeurs insistantes laissent supposer depuis que (la SNCM) pourraitêtre vendue à la découpe avant Noël, avec le maintien des seules liaisons maritimes avec la Corse dans le cadre de la continuité territoriale".
Le député demande que soit désigné "par le Premier ministre, un seul et unique pilote dans ce dossier", en raison de "la multiplicité des acteurs publics et privés", qui conduisent "à une pluralité d'expressions et de solutions, souvent concurrentes voire divergentes, qui sont sources de troubles et de confusion".
L'actuel maire (UMP) de Marseille Jean-Claude Gaudin, candidat à sa propre succession, a lui dénoncé dans un communiqué l'inaction du gouvernement de Jean-Marce Ayrault, "muet et inerte", et annonce qu'il prendra "très prochainement des initiatives pour placer le gouvernement et ses représentants locaux devant leurs responsabilités" dans ce dossier.
Marc Dufour: "Il y a une forme de "SNCM bashing" très rentable
Le président du directoire de la SNCM, Marc Dufour, a pour sa part dénoncé lundi 25 novembre une campagne "très rentable" de dénigrement de la SNCM, après le doublement des amendes réclamées par Bruxelles, à un montant de 440 millions d'euros."Il y a une forme de "SNCM bashing" très rentable. Et je dis rentable, car beaucoup de ceux qui s'échinent à nous abattre lorgnent surtout sur la proie avec la gourmandise du boucher qui sait d'un coup d'oeil que la découpe multipliera le prix d'une viande qu'il voit sur pied et qu'il sait belle même si le poil de la bête ne brille pas", a protesté Marc Dufour dans un entretien au quotidien Les Echos.
Condamnée à rembourser 440 millions d'aides publiques indûment versées selon la Commission européenne, la SNCM doit être fixée sur son sort avant Noël. Le comité de pilotage des actionnaires, créé dans l'urgence après la nouvelle sanction, a fixé la date du 20 décembre pour choisir : reverser les aides ou liquider la compagnie.
"Je m'oppose avec la plus grande énergie à tous ceux qui pensent que pour pour éliminer le problème européen, il faut éliminer la SNCM. (...) Nous ne sommes pas" l'enfant malade" dont parle cruellement Henri Emmanuelli", le président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts (CDC), a
repris Marc Dufour.
Cette mise en cause d'un actionnaire témoigne de la tension engendrée par la décision Bruxelles, qui a choisi le "choc frontal", selon le patron de la SNCM.
Le capital de la compagnie est détenu à 66% par Transdev, coentreprise de transport entre le géant de l'eau et des déchets Veolia et la CDC, à 25% par l'Etat et à 9% par les personnels.
Veolia et la CDC auraient dû sceller au 31 octobre un accord prévoyant le transfert à Veolia des 66% détenus par Transdev. Mais Veolia refuse de régler les dettes de la compagnie.
"La SNCM a seulement besoin d'un actionnariat stabilisé pour réussir avec lui sa mutation", a plaidé Marc Dufour.