Recul du trait de côte, submersion, inondations, les trois chambres régionales des comptes du littoral méditerranéen, Occitanie, Paca et Corse, alertent les pouvoirs publics et les habitants sur l’urgence à mettre en place des mesures d'adaptation à ces phénomènes, et à cesser de minimiser leur impact.
Le désarroi des autorités et des riverains de la plage de Vignale à Ghisonaccia face à la tempête qui en novembre dernier a une nouvelle fois grignoté la côte, illustre bien les conclusions du rapport de la Cour des comptes au sujet de l'aménagement du littoral méditerranéen : la prise en compte par les acteurs locaux des risques de submersion marine et d'inondations, aggravés par le changement climatique, est nettement insuffisante.
"Les collectivités locales, qui disposent des principaux outils de planification, n’ont pas encore pris la pleine mesure des conséquences de l’exposition de leurs territoires", concluent les trois chambres régionales d'Occitanie, de Provence-Alpes-Côte d'Azur et de Corse.
Le littoral méditerranéen est de plus en plus exposé aux risques de submersion marine et d’inondation, aggravés par le changement climatique. Il devient impératif d’aménager ces espaces en anticipant davantage les conséquences de ces phénomènes. 👉https://t.co/qybUTTaUKs pic.twitter.com/M8h6eVpJcw
— Cour des comptes (@Courdescomptes) January 24, 2025
Le coût des risques est exponentiel
Avec 3,3 millions d'habitants sur un littoral long de 1 700 km, la façade méditerranéenne est le territoire le plus densément peuplé de l'hexagone et "sa population devrait croître de 13 % d’ici 2050". Car malgré son exposition croissante aux risques liés à la montée des eaux, les collectivités poursuivent constructions et artificialisation des sols.
Pourtant les données scientifiques sont formelles, en Méditerranée les températures grimpent plus vite qu’ailleurs. Et le coût des risques pour les communes littorales françaises est exponentiel. "On est de l'ordre de 156 millions d'euros à court terme, 500 millions d'euros environ d'ici 2050, et 11,5 milliards d'euros d'ici 2100. Et là on s'aperçoit que des régions qui étaient moins concernées par les dommages à court terme comme l'Occitane, vont l'être beaucoup, parce que les régions qui se situent en zone basse vont être envahies", décrit Jean-François Brunet, magistrat à la Cour Régionale des Comptes d'Occitanie.
La Corse à la traîne
En Corse, la plaine orientale et le golfe d'Ajaccio sont les deux zones les plus menacées par le risque d'inondations. Pour autant, le plan de prévention des risques liés aux inondations (PPRI) pour le sud de Bastia n'est toujours pas finalisé.
Aujourd'hui l'île est la seule à n’avoir toujours pas de stratégie régionale face au recul du trait de côte, malgré un principe voté en 2019. Les plans locaux d'urbanisme (PLU) sont toujours établis par chaque commune.
"On n'a aucun plan local d'urbanisme intercommunal voté à ce jour en Corse, et ça n'est pas normal. Il faut vraiment que cette gouvernance évolue et que l'échelon décisionnel soit relevé à un niveau plus important que celui de la commune", précise Frédéric Leglastin, magistrat à la Cour Régionale des Comptes de Corse.
Dans son rapport la Cour des comptes recommande que dans les zones menacées, le transfert de la compétence urbanisme à l’intercommunalité devienne obligatoire, "en associant étroitement leur arrière-pays à leur réalisation, afin de favoriser une vision des enjeux au niveau adéquat."
Recomposer l'espace
"Les interventions des collectivités locales se sont essentiellement attachées au renforcement des ouvrages de défense, alors que l’efficience de ces derniers apparaît relative, rapportée aux coûts de leur maintien en bon état", indique le rapport.
Face à l'inexorable montée des eaux, les magistrats de la Cour des comptes préconisent plutôt aux collectivités territoriales d'envisager une "recomposition spatiale", qui passerait notamment par "par une relocalisation ou un déplacement des équipements publics".
Ils proposent aussi de substituer à la logique de l'indemnisation des préjudices, un "accompagnement à la prévention et au relogement, privilégiant les mesures de relocalisation des résidences principales".
Pour financer toutes ces mesures, la Cour des comptes suggère d'augmenter le niveau de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations Gemapi, la taxe d'équipement des établissements fonciers ou encore la redevance des concessions de plage. Et de consacrer ces ressources à l'aménagement du littoral.
Des recommandations qui représentent une révolution, en particulier en Corse où le littoral est un pôle d'attractivité touristique majeur, et le tourisme un secteur d'activité qui représente presque la moitié du PIB de l'île.