Par une ordonnance d'expropriation prononcée le 17 octobre dernier par la justice, le Conservatoire du littoral est désormais le nouveau propriétaire des deux parcelles sur lesquelles se trouvent la tour et le lion de Roccapina. Si le prix de cession reste encore à déterminer avec la société privée italienne qui détenait jusque-là ces deux hectares, le site est d'ores et déjà une propriété publique. Samedi 22 octobre, Femu a Corsica a organisé une conférence de presse sur les lieux.
C'est avec le lion de Roccapina et la tour génoise du même nom en toile de fond que Femu a Corsica a tenu une conférence de presse samedi 22 octobre.
Objectif pour le parti majoritaire nationaliste : se positionner en faveur de la sauvegarde du site classé situé sur la commune de Sartène.
"Au-delà de l'aspect patrimonial évident, la dégradation de la tour pose également des problèmes de sécurité sur un site touristique fréquenté par des milliers de visiteurs chaque année", souligne Femu dans un communiqué transmis aux médias.
Après la Testa Ventilegne en septembre, le parti nationaliste a cette fois choisi d'occuper le terrain dans un autre lieu symbolique de l'extrême sud de l'île. Un endroit qui n'a pas été choisi au hasard.
"Les deux parcelles où sont situés le lion et la tour appartiennent actuellement à la société privée italienne Bubika, explique le parti dans son communiqué. Au vu de l'intérêt patrimonial, environnemental et historique du site, le Conservatoire du littoral a entamé une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique."
Ordonnance d'expropriation
En réalité, cinq jours avant cette mobilisation, la justice a rendu le 17 octobre une ordonnance d’expropriation concernant les deux parcelles de deux hectares. Par conséquent, le Conservatoire du littoral est désormais de facto le nouveau propriétaire des lieux où se trouvent la tour, le fameux lion et le petit fortin en ruine qui lui fait office de couronne.
Reste désormais à déterminer le prix de cession avec la SARL Bubika. Si un accord n'est pas trouvé entre les deux parties, la justice fixera le montant de la transaction. En attendant, cette ordonnance d'expropriation assure d'ores et déjà la propriété publique du site.
"C'est une bonne chose mais nous restons très prudents, tempère François Martinetti, secrétaire national de Femu a Corsica. Aujourd'hui, il faut qu'il y ait un accord entre le Conservatoire et la société. On est là pour rappeler simplement qu'au-delà de la tour et du lion, ce type de patrimoine qui correspond à notre histoire, à notre culture doit revenir dans le giron public, dans celui d'une maîtrise publique et foncière. On parle de l'environnement, du patrimoine et, pour nous, c'est essentiel que cela revienne au Conservatoire du littoral et, au-delà, à la Collectivité de Corse qui est la garante des intérêts moraux du peuple corse."
Selon l'article L322-3 du Code de l'environnement, le domaine propre du Conservatoire du littoral est inaliénable sauf par saisie du Conseil d'État. Ce qui ne s'est jamais produit depuis la création de l'établissement public en 1975.
Majoritaire à l'Assemblée de Corse, le groupe "Fà populu inseme" précise qu'il "déposera une motion en soutien à la procédure d’expropriation entamée par le Conservatoire du littoral" lors de la prochaine session qui aura lieu les 27 et 28 octobre.
Dix ans de procédure
Si l'imbroglio autour de ces deux parcelles devrait bientôt connaître son dénouement, il ne date cependant pas d'hier.
À l'origine, c'est la société suisse Vocefin SA - désormais incorporée à la SARL Bubika basée en Italie - qui les avait achetées en juillet 1973.
En 1977, deux ans après sa création, le Conservatoire du littoral réalise sa toute première acquisition en Corse, sur le site de Roccapina. Néanmoins, celle-ci ne comprenait pas les terrains de la tour et du lion qui demeuraient alors deux enclaves privées au cœur de ce vaste domaine de 500 hectares.
35 ans plus tard, en 2012, le Conservatoire du littoral saisit la commune de Sartène pour avis afin de lancer une procédure d'expropriation des deux parcelles. Ce n'est que quatre après, en 2016, que celle-ci émettra un avis favorable.
La suite sera marquée par des négociations et offres infructueuses entre Bubika et le Conservatoire qui a acquis dans l'île quelque 21.000 hectares de terres côtières depuis 1975. Faute d'accord trouvé avec la société privée italienne, l'établissement public finit alors par établir un dossier de déclaration d'utilité publique. Il sera déposé en préfecture en août 2021.
Le 18 mars 2022, le projet d'acquisition foncière des deux parcelles est déclaré d'utilité publique par arrêté préfectoral.
Au total, dix ans de procédure se seront écoulés entre la saisie de la commune de Sartène par le Conservatoire du littoral et l'ordonnance d'expropriation qui vient d'être rendue le 17 octobre.
"Nous arrivons à un aboutissement"
De son côté, Paul Quilichini, le maire de Sartène, a pris acte de cette toute dernière décision de justice. Il l'accueille favorablement, même si elle aura pris un certain temps.
"Je pense que l'expropriation aurait dû avoir lieu bien avant mais pour des motifs divers nous avons tardé, le Conservatoire a tardé, explique l'édile sartenais. Enfin, nous arrivons à un aboutissement qui est à la fois bien pour le patrimoine de la Corse et la population et, je l'espère, pour la réhabilitation du site."
Contacté, le Conservatoire du littoral nous a confirmé ces informations mais n'a pas souhaité s'exprimer à la suite de la conférence de presse de Femu a Corsica.
Désormais, une fois que le prix des deux parcelles sera fixé puis leur cession définitivement entérinée, le Conservatoire entreprendra des travaux sur la tour génoise et son trou béant, ainsi que sur le fortin en ruine. Deux édifices qui ont bien besoin d'être restaurés et sécurisés...
Le reportage de Jean-Philippe Mattei et Stéphane Lapera réalisé le 22 octobre à Roccapina :
Intervenants : François Martinetti, secrétaire national de Femu a Corsica - Paul Quilichini, maire de Sartène