Corse : Retour sur le discours de Michel Rocard en avril 1989 à l'Assemblée nationale

Le 12 avril 1989, en plein conflit social dans l'île, Michel Rocard prend la parole à l'Assemblée nationale. Devant les députés, le Premier ministre de l'époque outrepasse le sujet et surprend en évoquant la "question corse".

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Au printemps 1989, l'île est traversée par une crise sociale sans précédent marquée par de grandes grèves autour de la cherté de la vie.

Il y a 33 ans jour pour jour, le 12 avril 1989, le député insulaire Pierre Pasquini (RPR) aborde le sujet à l'Assemblée nationale et interroge le Gouvernement. Michel Rocard prend alors la parole. Le Premier ministre de François Mitterrand se lance dans un discours étonnant sur la Corse. Reportage.

Reportage : D. Moret - D. Lameta - S. Loigerot

Témoignages politiques

33 ans après, des personnalités politiques insulaires reviennent sur la prise de parole de Michel Rocard et sur l'écho qu'elle a eue dans la société corse.

Paul Quastana (membre d'A Cuncolta en 1989) : "Un discours très marquant et inattendu"

"Je pense que Michel Rocard avait très bien posé le problème général de la colonisation et des conquêtes et qu’il avait parfaitement résumé la situation de la Corse depuis la conquête française. Quand j’entends son discours, à l’époque, je suis agréablement surpris qu’un homme politique français de ce niveau resitue à la fois le contexte historique et actuel. Je ne sais pas quelle incidence a eu son discours mais je pense que son propos a éclairé le problème. Pour beaucoup de gens qui ne croyaient peut-être pas à la description nationaliste de l’époque, Michel Rocard a amené une caution importante à notre discours. Concernant l’écho que cette prise de parole aurait aujourd’hui en Corse, c’est difficile à dire. Néanmoins, je pense qu’à l’époque, une graine a été semée. Elle a favorisé une audience plus importante des idées nationalistes dans la mesure où cela apparaissait comme une caution de la part d’un homme qui n’avait rien à gagner dans cette histoire. Pour moi, c’était vraiment un discours très marquant et inattendu."

Dominique Bianchi (Membre de l'exécutif d'A Cuncolta en 1989) : "Il a reconnu le fait colonial"

"Ce jour-là, nous étions devant la télé avec un groupe de militants et de responsables nationalistes. On n’en croyait pas nos oreilles. On ne pensait jamais que Michel Rocard allait aller jusque-là. Il s’exprime quand même devant l’ensemble des députés français. Il parle de la conquête militaire, dit que la Corse a été vendue par Gênes. Il évoque ensuite l’exploitation des terres de la plaine orientale réservées en priorité aux pieds noirs. Il va très loin. Il reconnaît véritablement le fait colonial, y compris en prenant l’exemple de la SOMIVAC (société de mise en valeur de la Corse). Je ne pense pas que ce discours ait enclenché le statut Joxe de 1991. Malheureusement, Michel Rocard n’avait pas ce pouvoir-là. Il ne fallait pas faire d’ombre au président François Mitterrand… Aujourd’hui, Michel Rocard reste le seul homme politique français à avoir reconnu officiellement devant la représentation française le fait colonial. Depuis, plus personne ne l’a fait. Ce qui ne me surprend absolument pas de la part de l’État français qui a attendu presque l’an 2000 pour reconnaître officiellement la guerre en Algérie."

Paul-Antoine Luciani (Responsable du Parti Communiste) : "Une vague d'indignation"

"Ce discours, prononcé en plein conflit social dans l’île, a provoqué une vague d’indignation chez les grévistes et chez tous ceux qui défilaient dans les rues. Un rappel historique grossièrement mensonger (la Corse a coûté plus de vies humaines à la France que la guerre d’Algérie) et singulièrement sélectif ; une autocritique en trompe l’œil concernant l’installation des agriculteurs "pieds noirs" sur la Côte orientale ; le refus de prendre en compte la légitimité des revendications relatives à la vie chère. Autant d’éléments qui ont été rejetés par les syndicats et les manifestants, et qui ont entraîné une relance plus dure du conflit. C’est ainsi que, pour sortir de l’impasse où il s’était fourré lui-même, Michel Rocard a décidé d’organiser des "tables rondes" sur la fiscalité, la cherté de la vie, les transports dont l’animation générale a été confiée à l’Inspection générale des Finances, laquelle a produit un volumineux rapport (le "rapport Prada") que tout le monde a désormais oublié. Aujourd’hui, de ces événements, il ne reste que la prime de vie chère dont les agents (actifs, pas les retraités) des services publics continuent de bénéficier sans en connaître l’origine. À ma connaissance, ce discours de Michel Rocard ne fait plus aujourd'hui l’objet de débats publics. Il a été oublié du grand public et n’est plus connu que de quelques  syndicalistes et responsables publics, notamment ceux de ma génération."

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