A Bastia, comme ailleurs en Corse, le scrutin du premier tour n'a franchement pas déchaîné les passions. Jusqu'à prendre des allures de simple formalité...
"Est-ce qu'il reste dans la salle des électrices et des électeurs qui voudraient voter et ne l'ont pas encore fait ?"
Il est 18h59, et Pierre Savelli, habitué des scrutins, respecte scrupuleusement la règle. Mais depuis près d'une heure, plus personne ne s'est présenté devant l'urne, au bureau centralisateur bastiais. Et dans la salle, seule la presse, et quelques curieux, attendent le dépouillement.
Rosa Prosperi, figure de Corsica Libera, l'un des deux partis indépendantistes à avoir appelé au boycott de la présidentielle, s'en amuse : "u mondu scemu..."
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Indéniablement, on est loin de l'effervescence, mais également de la tension, des dernières élections municipales et territoriales, où les nationalistes étaient en lice. On cherche des visages connus, élus ou militants, venus humer l'atmosphère d'une soirée de scrutin, en vain. Tout juste aperçoit-on, près de l'entrée, un colistier de De Carlo aux dernières municipales, très attentif aux bulletins de Marine Le Pen. Jean Zuccarelli passe au loin, et s'arrête discuter quelques minutes avec un agent de la police municipale, avant de continuer son chemin.
Une Bastiaise, son chien en laisse, passe sur la place du Marché, jette un coup d'œil, avant de lancer un laconique "tout le monde s'en fout, j'ai l'impression..."
Pierre Savelli commence le dépouillement. Première enveloppe ouverte, Jean-Luc Mélenchon. Deuxième, Eric Zemmour. 3ème, Marine Le Pen. "Moi je vote n'importe qui, mais pas Macron", chuchote un quinquagénaire à l'oreille de son voisin, qui hausse un sourcil. "Au second tour, tu seras bien obligé, on aura pas le choix".
Marianne ou Paoli ?
Du côté de la municipalité, on est détendu. La journée s'est passée dans un calme olympien, sans perturbations, contrairement à ce que laissaient craindre quelques rumeurs. Seule anicroche, des militants de la Ghjuventù Paolina qui ont remplacé le buste de Marianne par celui de Pascal Paoli dans la salle du bureau centralisateur. Sans grande difficulté. Mais au moment du dépouillement, quelques heures plus tard, Marianne a retrouvé sa place.
Au fur et à mesure que les piles de bulletins s'épaississent, on se dirige, ici comme dans le reste du pays, vers un duel Macron/Pécresse. A une différence près : ici, la candidate du Rassemblement Nationale semble faire la course en tête.
Quand un bulletin Hidalgo; ma candidate PS, peu épargnée par la campagne, fait son apparition, un "ah !" s'élève d'un coin de la salle, sans que l'on sache vraiment si c'est une exclamation satisfaite ou goguenarde.
Les derniers bulletins des autres bureaux arrivent, et l'on sent, au bureau centralisateur, l'envie d'en finir, pas pour partir fêter les résultats ou sécher ses larmes, mais pour passer à autre chose.