"Il a baissé son caleçon et m'a dit qu'il fallait le remercier", au procès pour viol incestueux devant les assises de Haute-Corse, les plaignantes témoignent

Michel Jegat comparaît en appel devant les assises de Haute-Corse pour viol sur mineur de moins de 15 ans, viol, corruption de mineurs, violence et agression sexuelle sur mineur. Au deuxième jour de procès, la parole a notamment été donnée à son ancienne belle-fille et à son ex-petite-amie, mineures au moment des faits reprochés.

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"Je faisais mes devoirs dans ma chambre, et il était venu m’aider. Une fois terminé, il a baissé son caleçon, a mis ma main sur son sexe, et m’a dit qu’il fallait le remercier maintenant." Cette scène, cette jeune femme blonde, menue, assure l’avoir vécue alors qu’elle n’avait que dix ans.

"Il m’a demandé de le masturber, ça n’a pas duré longtemps. Plus tard, dans la même soirée, il est venu me parler dans la chambre de mon frère en me disant que ce qui s’était passé était un secret, et qu’il ne fallait rien dire pour pas faire de la peine à maman. Je n’ai rien dit."

Son agresseur, accuse-t-elle : celui qui était alors son beau-père, Michel Jegat. De 1988 à 2000, soit de ses deux à quatorze ans, ce dernier, en couple avec sa mère – avec qui il a eu un enfant -, a vécu sous le même toit qu’elle et a participé à son éducation. "Je l’appelais même papa", se souvient-elle.

"Il a soulevé mon t-shirt, s’est mis devant le miroir et a pris mes seins"

La voix prise par l’émotion mais le récit clair, la désormais trentenaire revient devant la cour d’assises de Haute-Corse sur trois événements qui ont, détaille-t-elle, profondément marqué son enfance. Dans cette affaire pour laquelle Michel Jegat comparaît en appel pour viol incestueux sur mineur de moins de 15 ans, viol, corruption de mineur et agression sexuelle sur mineur, elle est l’une des quatre parties civiles.

Pendant les trois années qui suivent ce premier épisode, la jeune femme – alors enfant - explique avoir tout fait pour éviter de se retrouver seule avec son beau-père.

Mais un jour, alors que sa mère et son frère sont absents, "il m’a montré un film pornographique, et nous sommes allés dans la salle de bain, raconte-t-elle. Et puis il s’est masturbé en me demandant de l’aider, et a éjaculé dans l’évier." Elle avait treize ans. Enfin, la même année, "j’étais dans ma chambre. Je me préparais pour me mettre en pyjama. Il a soulevé mon t-shirt, s’est mis devant le miroir et a pris mes seins en me disant : "Tu as vu comme tu es belle ?"".

Il s’est masturbé en me demandant de l’aider, et a éjaculé dans l’évier.

Traumatisée, il faut pourtant attendre encore plus d’un an, et la séparation de sa mère avec Michel Jegat, pour que la jeune femme se confie à son petit-ami, sa mère et son père sur ce qui lui est arrivé. Des révélations qui ne donnent à l’époque pas lieu à un dépôt de plainte. En cause : la procédure de divorce en cours, et le conseil de l’avocate de sa mère, alors, d’attendre sa finalisation, se souvient-elle.

"Je sais aussi que ma mère ne voulait pas trop faire de choses pour protéger mon frère, glisse-t-elle, avant de fondre en larmes. Mais quand le divorce a été enfin prononcé, je n’ai pas voulu me retrouver seule face à lui, alors je n’ai rien fait." Une décision qu’elle regrette aujourd’hui : "Si je l’avais fait, il n’aurait peut-être pas pu agir comme il l’a fait avec sa fille et avec l’amie de sa fille."

"Je ne l'ai jamais touchée"

Pull noir, assis le dos voûté mais l’air concentré, Michel Jegat écoute attentivement, roule parfois des yeux, souffle ou hoche en signe de désaccord la tête au fur et à mesure des déclarations de son ancienne belle-fille et celle qu'il décrit comme une ex petite-amie.

Concernant la première, "je ne l’ai jamais touchée", assure-t-il. "Donc elle ment ?", le questionne la représentante du ministère public Dominique Sauves. "Non, je n’ai jamais dit qu’elle mentait, répond-il. Je pense qu'il lui est arrivé quelque chose, seulement, je ne suis pas le fautif."

"Mais pour quelles raisons vous accuse-t-elle vous ? Aviez-vous un contentieux avec elle ou sa mère ?", reprend la présidente de la cour d’assises, Corine Ferreri. Non, pas à sa connaissance, indique Michel Jegat.

La cour d'assises de Bastia. © Axelle Bouschon / FTV

Une relation "d'emprise"

"Il avait un certain contrôle sur moi". Longs cheveux bruns, toute de noire vêtue, l’amie de la fille de Michel Jegat, et celle que ce dernier décrit comme une ex petite-amie, s'est également présentée pour témoigner. Partie civile, elle aussi, dans cette affaire, la jeune femme est revenue, devant la cour, sur la relation "d'emprise" qui l’a liée à l’accusé, en 2017. Elle avait alors 16 ans, et lui 48. Soit un écart d’âge de 32 ans.

Selon Michel Jegat, l’alors adolescente et lui-même étaient en couple et amoureux. Dans ses premières dépositions aux forces de l’ordre, la jeune fille parlait également d’une relation sentimentale.

Mais à la barre, ce mardi, c’est une autre réalité que dépeint la jeune femme. Le ton assuré, c'est un homme insistant, qu'elle évoque. Un homme plus âgé avec lequel elle n’accepte de se dire en couple que pour éviter de perdre son amie. "Tout a commencé quand j’étais au collège avec [la fille de Michel Jegat]. C’était ma meilleure amie, je tenais énormément à elle, et j’étais très naïve à cette époque-là. J’ai connu son père qui était gentil et qui disait qu’il me considérait comme sa fille."

Mais rapidement, Michel Jegat devient de plus en plus pressant. "Il me téléphonait tous les jours et toutes les nuits, témoigne-t-elle. Je ne savais pas comment m’en débarrasser. Il me disait qu’il me trouvait très jolie, qu’il voulait être avec moi." Une proposition qui ne l’intéressait "pas du tout", assure la jeune femme.

Cannabis et trous de mémoire

Pour ne plus être importunée, l’adolescente aurait alors décidé d’accepter de se dire en couple, avec l’idée de rompre rapidement derrière. Sans succès : Michel Jegat refuse la rupture, déplore-t-elle. Parallèlement, l’homme l’invite régulièrement à dormir chez lui. "Je ne voulais pas, mais [sa fille, qui résidait chez lui] insistait, me disait qu’elle ne voulait pas se retrouver seule avec lui, alors j’y allais."

Je me souviens d’une fois en particulier où il était sur moi, je le voyais, mais j’étais dans l’incapacité la plus totale de bouger.

C’est là qu’elle consomme pour la première fois du cannabis, sous l’insistance de Michel Jegat et de son amie, assure-t-elle. "Je ne savais pas que cette drogue pouvait créer des trous de mémoire, de l’inconscience. Je m’endormais sur le canapé et je me retrouvais en jetlag avec Michel Jegat à côté de moi et des vêtements qui me manquaient […] Je me souviens d’une fois en particulier où il était sur moi, je le voyais, mais j’étais dans l’incapacité la plus totale de bouger."

En juillet 2017, c’est elle qui avertit la mère de son amie des abus sexuels que cette dernière aurait subi, sans savoir qu’une plainte serait déposée, affirme-t-elle. Questionnée par la présidente de la cour d’assises sur les abus dont elle a été témoin, la jeune femme est catégorique : "J’ai vu de mes yeux [Michel Jegat] doigter sa fille, et lui demander de le branler pendant une partie d'"action, chiche ou vérité". Je ne voulais pas voir ça, alors je suis partie de la pièce."

Illustration. © FTV

"Moi, je pense que vous mentez"

De petite amie de Michel Jegat à couple contraint, et de relations sexuelles consenties à viol, pourquoi le discours de cette jeune femme a-t-il tant évolué au fil de la procédure ? C’est l’incarcération de l’homme dans une affaire de stupéfiants, et ainsi le savoir à distance d’elle qui l’a rassurée, et l’a rendue plus à même de parler, assure-t-elle.

Une justification que ne croit pas la défense de l'accusé, assurée par Me Jean-François Casalta. Point par point, l'avocat, sceptique, questionne l'honnêteté des propos de la jeune femme. "Depuis le début, je ne fais que dire la vérité", se défend cette dernière. Sans convaincre l'avocat : "Moi, je pense que vous mentez, et que vous mentez depuis le début."

Jusqu'à 20 ans de prison encourus

Invité à réagir sur le récit de la jeune femme, Michel Jegat continue de nier toute coercition. Pour autant, il le reconnaît : se mettre en couple avec elle était "une connerie". "Pourquoi j'ai cédé à une gamine de 16 ans ? Je ne sais pas, c'est n'importe quoi. [...] Elle était mignonne, gentille, elle me faisait du rentre-dedans, et j'ai cédé. Et aujourd'hui à cause de toutes ces conneries-là, je suis ici."

Concernant sa fille, il insiste : "Je n'ai peut-être pas été un bon papa. Mais en aucun cas je n'aurais violé mes enfants."

Le procès est prévu pour arriver à son terme ce mercredi 15 janvier. Le verdict est attendu tard dans la soirée. Michel Jegat encourt jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle.

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