Michel Jegat comparaît en appel devant les assises de Haute-Corse pour viol incestueux, viol et agression sexuelle sur mineur. Invité à s'exprimer, ce 15 janvier, l'homme nie les faits. Mais pour les conseils des parties civiles, le doute ne doit pas profiter à l'accusé, dans un dossier où sa culpabilité est "évidente".
"Ça fait cinq ans que je dis la même chose. Tout ce qu'elles disent, ce sont des mensonges." Barbe grise et posture légèrement voûtée, Michel Jegat déplore "de ne pas être écouté". Depuis trois jours, ce quinquagénaire suit attentivement les débats dans son procès en appel devant la cour d'assises de Haute-Corse.
Accusé du viol de sa fille et d'une amie de sa fille, alors toutes deux mineures, en 2017, et d’agressions sexuelles sur son ancienne belle-fille, également mineure, dans les années 1990, il nie farouchement les faits.
Michel Jegat l’assure : sa fille, et l’amie de sa fille – avec laquelle il entretenait, selon lui, une relation sentimentale – inventent, depuis le premier jour, les accusations portées à son encontre. La première, estime-t-il, par jalousie, agacée de voir son père porter plus d’attention à son amie. Et la seconde pour "lui faire payer" une affaire de stupéfiants dans laquelle il l’avait impliquée.
"Tout ce qu'on veut, c'est faire de moi le coupable idéal"
Les lésions repérées lors de l’examen gynécologique de sa fille, et qui pourraient correspondre, selon les experts médicaux, aux pénétrations digitales lors d’un jeu "action, chiche ou vérité" dénoncées par celle-ci ? "Pourquoi ce serait forcément moi, et pas un de ses petits copains ? Et pourquoi ce ne serait pas dû à des tampons, ou autre chose ?", se défend-il.
Je vois les jurés qui dorment et qui rigolent. Alors à quoi ça sert ?
Lui qui a adopté une attitude fermée et un ton souvent irrité tout au long du procès, poursuit, en sanglot : "Tout ce qu’on veut, c’est faire de moi le coupable idéal. Cela fait cinq ans que je me bats et que j’entends les mêmes choses. J’en ai marre, je suis fatigué, j’entends des trucs qui me donnent envie de vomir, mais qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Je vois les jurés qui dorment et qui rigolent. Alors à quoi ça sert ?"
Dégoûté d’un procès qu’il estime désormais presque joué d’avance, il insiste : "Moi, j’ai reconnu mes conneries. J’ai reconnu que de me mettre en couple avec une gamine de 16 ans, que de les avoir fait fumer [du cannabis], c’était n’importe quoi. J’ai reconnu que j’étais un mauvais père, mais certainement pas violent, et certainement pas violeur."
Un "pervers et un prédateur" pour les parties civiles
Une argumentation catégoriquement rejetée par les conseils des parties civiles. Appelés à plaider, au terme d'une instruction éprouvante - et aux horaires allongés -, ces derniers l'ont tous affirmé aux jurés : Michel Jegat est coupable, et sa condamnation doit être prononcée.
"[Sa fille] est profondément marquée par ce qu'elle a subi, déplore l'avocate de la jeune femme, Me Mélanie Ricci. C'est compliqué de représenter quelqu'un qui est absent. Mais elle est aujourd'hui incapable d'assister aux débats", trop traumatisée par les faits, trop choquée pour revoir son père "après tout ce qu'il lui a fait".
"Est-ce qu'il est crédible, Monsieur Jegat, quand il dit à cette barre "je ne suis pas attiré par les adolescentes" ? Non, pas du tout", poursuit Me Mélanie Ricci. Pas crédible sur ce point, et même pas crédible du tout, tranche-t-elle, lui "qui a voulu décrédibiliser tout le monde en criant au complot, alors qu'au fond de lui, il sait ce qu'il a fait".
Conseil de l'ancienne belle-fille de l'accusé - qui dénonce des agressions sexuelles quand elle avait 10 et 13 ans -, Me Philippe Gatti, voit dans Michel Jegat un homme narcissique, capable "de se regarder nu dans le miroir pendant qu'il se fait branler par une gamine de dix ans." "Alors on se demande comment des êtres normaux peuvent en arriver là ? Comment un homme peut-il se faire branler par quelqu'un qui l'appelle papa ?", poursuit l'avocat. "On pourra penser qu'il est fou. Mais non."
Comment un homme peut-il se faire branler par quelqu'un qui l'appelle papa ?
"Vous avez d'un côté des personnes très jeunes, et de l'autre un homme plus vieux. On passe de 14, 16 ans, à 48 ans. On a d'un côté la naïveté, et de l'autre quelqu'un de très mature", rappelle Me Marylène Cammilli-Bucquet. Elle qui représente la jeune fille avec laquelle Michel Jegat se disait en couple - ce que réfute la jeune femme en question - décrit un homme "qui ne sait pas faire la différence en le bien et le mal", qui ne s'est jamais remis en question. Un "pervers et un prédateur".
Enfin, avocate de la mère de la fille de Michel Jegat, Me Lydie Vilain-Elgart salue, dans cette affaire, le "courage des victimes", leur force d'avoir "osé parler". Et insiste, aussi, sur "l'importance de la reconnaissance de leur statut de victime" pour leur permettre d'avancer dans leur travail de reconstruction.
Le procès se poursuit ce jeudi 16 janvier, avec les réquisitions de l'avocate générale et la plaidoirie de la défense. Le verdict est attendu dans la journée. Michel Jegat encourt jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle.