Braquages de bijouteries à Bastia : un gang estonien démantelé par la PJ au terme d'une vaste enquête à travers l'Europe

Deux braquages violents ont été commis en 2016 et 2017 à Bastia. Des attaques désormais élucidées par la police judiciaire bastiaise, au terme d'une traque internationale appuyée par les renseignements et l'aide de divers services de police européens. Cinq personnes ont été arrêtées.

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Le bout, ou presque, d'une enquête menée depuis près de cinq années par la police judiciaire bastiaise, appuyée par la coopération internationale au sein d'Europol. En 2016 et en 2017, deux braquages étaient survenus à Bastia : le premier prend place le 3 octobre 2016 dans la bijouterie Vannucci, située boulevard Paoli.

Modus operandi similaires

Aux environs de 10h30, deux individus grimés et parlant anglais avec un fort accent d’Europe de l’Est pénètrent dans la boutique, en se présentant, dans un premier temps, comme des clients. Un troisième complice attend, lui, plus loin. Rapidement, les braqueurs menacent les membres du personnel, avant de briser à la masse les vitrines d’exposition, raflant au passage tous les objets de valeur.

L’opération s’effectue en quelques minutes à peine, et les trois individus prennent la fuite avec un butin d’une valeur estimée à 1 million d’euros. L’enquête est confiée à la police judiciaire de Bastia, sans aboutir alors à une piste sérieuse.

Le 4 mai 2017, une seconde bijouterie bastiaise est braquée, à un horaire peu ou prou similaire. Sur les coups de 11h. Il s’agit de la bijouterie Danesi, qui se trouve, là encore, sur le boulevard Paoli. Les trois braqueurs, qui gardent le visage dissimulé par une casquette et des lunettes de soleil, fracassent les vitrines d’exposition et vident les tiroirs de leur contenu – en grande majorité des montres de luxe - avant de repartir à pied. Une nouvelle attaque express, avec un préjudice estimé similaire, 1 million d’euros, et toujours le même accent slave.

Intervenant : Yann Zuccarelli, directeur de la bijouterie ©France 3 Corse ViaStella

Malfaiteurs Estoniens

Mais cette fois, Europol, l’agence européenne spécialisée dans la répression de la criminalité, prend contact avec la police judiciaire de Bastia, en charge du dossier. Selon le Figaro, les enquêteurs obtiennent des informations venues d’Estonie sur quatre personnes soupçonnées d’être impliquées dans les deux braquages. Les investigations mettent en évidence des dates d’entrées et sorties en Corse correspondant au moment de la première attaque.

Les quatre individus suspectés, âgés de 22 à 44 ans, sont des toxicomanes notoires, déjà fichés en Estonie, précise Le Figaro.

Des traces d'ADN sur une hachette, retrouvée sur les lieux du second casse, permettent quant à elles d’identifier un cinquième ressortissant estonien. Cela grâce à la convention de Prüm, relative aux échanges et comparaison de bases ADN policières de l’Union européenne.

Mécanisme de coopération internationale

S’enclenche alors "un mécanisme de coopération internationale", selon les mots du commissaire Jean-Baptiste Pinquié, chef de l’antenne de Bastia de la direction territoriale de la police judiciaire, interrogé par Corse-Matin.

"Grâce aux informations transitant par cette messagerie, nous nous rendons compte que d’autres pays sont concernés par des faits similaires", indique-t-il. Une étroite collaboration débute alors entre la PJ de Bastia et plusieurs pays européens.

Ces mal­fai­teurs in­ter­na­tio­naux et or­ga­ni­sés n’ont cessé de se jouer des fron­tières pour ten­ter d’échap­per à la vi­gi­lance de la po­lice

Jean-Baptiste Pinquié, commissaire de la PJ de Bastia

L’enquête retrace peu à peu les contours de l’équipe criminelle, les policiers bastiais faisant même appel aux experts suisses du "Diamond Projet", bureau d’analyse d’attaque à main armée de bijouteries en Europe. Ces derniers pointent une équipe de truands estoniens, défavorablement connue depuis plus d’une décennie, et qui étaient derrière, notamment, la braquage en août 2008 d’une boutique de luxe à Newcastle, au Royaume-Uni, au cours duquel le gérant avait été tabassé à mort.

"Très mo­biles et fai­sant preuve d’une ex­trême dé­ter­mi­na­tion, ces mal­fai­teurs in­ter­na­tio­naux et or­ga­ni­sés n’ont cessé de se jouer des fron­tières pour ten­ter d’échap­per à la vi­gi­lance de la po­lice", confie au Fi­garo le com­mis­saire Jean-Bap­tiste Pin­quié.

Trois suspects écroués à Borgo

Les recherches permettent finalement de remonter vers trois suspects des braquages. Deux sont déjà décédés, un dans un accident de la route en Italie, le second dans une overdose en Estonie. Le troisième homme a lui été déjà intercepté en Autriche.

Les policiers bastiais s’y rendent pour l’interroger en novembre 2019. À l’automne 2020, et après plusieurs réunions au sommet organisées à Europol et à Eurojust [l’unité de coopération judiciaire de l’Union européenne - ndlr], ils se déplacent en Estonie pour récupérer trois autres suspects.

L’un est arrêté à une heure de la frontière russe, les deux autres sont déjà écroués. Tous trois sont auditionnés puis transférés à Bastia, où ils sont mis en examen pour vols à main armée en bande organisée et association de malfaiteurs, et placés en détention provisoire à la maison d’arrêt de Borgo.

Un dernier braqueur, soupçonné d’avoir participé au casse de la bijouterie Danesi, ainsi qu’à l’attaque sanglante de Newcastle, est localisé en Finlande par la police estonienne. L’homme a été interpellé fin mai dernier par une brigade d’intervention locale. Auditionné sur place par plusieurs policiers bastiais, le braqueur suspecté est en attente de son rapatriement vers Bastia.

Les investigations se poursuivent pour identifier les commanditaires des attaques, et tenter de retrouver les marchandises volées.

Le dossier n’est donc pas encore bouclé, mais il est déjà considéré par certains comme pilote, car ayant suscité "des collaborations avec d’autres services", partout en Europe, "sur d’autres attaques de bijouterie", détaille le commissaire Pinquié auprès de Corse-Matin. Un partage d’information précieux, qui démontre bien, toujours selon le commissaire, que les policiers, "quelles que soient [leur] nationalité et [leurs] méthodes de travail (…) ont un ADN en commun."

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