Ce 24 février marque les un an de l'offensive russe en Ukraine. Depuis le début des combats, plus de 8 millions de réfugiés ont été recensés en Europe. En Corse, ils sont un peu plus de 300 à avoir été accueillis. Parmi ceux-ci, Valentyna et Olena Simutenkova, hébergées à San-Martino-di-Lota.
C'était il y a un an. Le 24 février 2022, après plusieurs années de tensions, Vladimir Poutine annonçait le lancement d'une "opération militaire" en Ukraine.
Le début d'un conflit de haute intensité, et d'affrontements presque journaliers. En douze mois, ce sont près de 180.000 morts ou blessés qui sont recensés dans les rangs de l'armée russe, 100.000 du côté ukrainien, et plusieurs dizaines de milliers de civils tués ou mutilés.
Ce conflit, c'est depuis la Corse qu'Elena Simutenkova-Simeoni le suit quotidiennement. Ukrainienne, arrivée en France il y a 10 ans, et installée à San-Martino-di-Lota depuis juin 2021 avec son époux, cette jeune maman témoigne d'une année "très compliquée émotionnellement".
Lorsque nous l'avions rencontrée pour la première fois, l'an passé, Elena Simutenkova-Simeoni téléphonait tous les jours, plusieurs fois par jour, à ses proches en Ukraine pour prendre de leurs nouvelles. Un contact quasi permanent qui ne suffisait pas à la rassurer.
Le douloureux départ
Désormais, c'est toute une partie de sa famille qui a trouvé refuge ici, non loin de son propre appartement. "C'était au mois de mars. J'ai convaincu ma famille, qui ne voulait pas quitter sa maison, de quitter l'Ukraine pour des raisons de sécurité. Avec mon époux, et une partie de ma belle-famille, nous sommes allés les chercher à la frontière polonaise."
Le danger était imminent, les troupes d'envahisseurs étaient à proximité immédiate de notre ville
Valentyna Simutenkova
La décision s'est prise "spontanément", raconte dans un ukrainien traduit par sa fille Valentyna, la mère d'Elena. "C'était très compliqué. C'était un très long voyage, et c'était difficile à envisager. Mais nous avons dû le faire, parce que le danger était imminent, les troupes d'envahisseurs étaient à proximité immédiate de notre ville natale [située à 200km de Kyiv, ndlr]." Valentyna fait donc le choix de partir, aux côtés de sa nièce et de sa propre mère, Olena.
Alors âgée de 85 ans, cette dernière n'avait jamais quitté l'Ukraine auparavant. Un déchirement. "J'ai beaucoup pleuré, se souvient-elle. Je ne voulais pas partir. Mais je l'ai fait pour ma fille qui ne voulait pas y aller sans moi."
Un accueil "formidable"
Après de longues heures de voyage, la famille débarque d'abord à Marseille, avant de rejoindre la Corse. Là, les trois femmes se souviennent de l'aide volontaire et immédiate des locaux et des associations, qui ont permis de rendre leur installation "aussi fluide que possible".
"Nous sommes vraiment reconnaissants de l'accueil du pays, de la commune, et plus globalement du peuple corse. Avec les associations, comme Solidarité Corse-Ukraine, nous avons pu rapidement organiser les questions de logement, reprend Valentyna Simukentova, d'avoir un certain confort matériel, à défaut du confort émotionnel, parce que nous restions très choqués du fait de la guerre."
Nous sommes vraiment reconnaissants de l'accueil du pays, de la commune, et plus globalement du peuple corse.
Valentyna Simutenkova
Souffrante de troubles cardiaques, la grand-mère d'Elena Simutenkova-Simeoni a été confrontée à plusieurs problèmes de santé depuis son arrivée en Corse. "Elle a eu le Covid en arrivant, et ses problèmes cardiaques se sont intensifiés, explique la jeune femme. Nous avons dû l'hospitaliser à quelques reprises à Bastia, et elle a été très touchée par l'accueil, la qualité des soins, et la gentillesse des personnels. C'était remarquable."
Plus encore, les deux femmes soulignent des similarités nombreuses qui uniraient le peuple corse au peuple ukrainien, "tant sur l'amour pour la liberté, que la défense de ses valeurs".
L'attente d'un retour au pays
Si l'une et l'autre assurent apprécier les paysages et leur quotidien sur l'île, en observant grandir, notamment, la petite dernière de la tribu, âgée d'à peine un an et demi, elles aspirent désormais à retrouver leur maison, leurs amis, leur quotidien, et surtout, leur pays. "Notre cœur est là-bas".
En octobre dernier, une première tentative de retour avait été engagée. Tous les billets avaient été pris, le voyage programmé. Mais au dernier moment, le déplacement avait dû être avorté. La faute à une montée des tensions, couplée à des coupures d'électricité fréquentes aux pays, directement liées aux bombardements.
"Nous avons donc pris la décision de laisser au moins passer l'hiver, parce que le temps n'est pas du tout le même qu'en Corse à cette période-là, il fait vraiment très froid, indique Elena Simutenkova-Simeoni. On s'est dit bien sûr qu'on prendra la décision ensuite. Mais c'est impossible en réalité de se projeter. On ne sait jamais exactement comment les choses vont tourner."
Paradoxalement, le conflit est presque plus effrayant à distance que sur place.
Elena Simutenkova-Simeoni
Sa nièce est elle néanmoins retournée en Ukraine depuis juillet dernier. "Elle ressentait un besoin de retrouver ses compatriotes, et de contribuer à l'effort, en participant à la santé économique du pays. On échange régulièrement avec elle, et elle nous dit que paradoxalement, le conflit est presque plus effrayant à distance que sur place. Là-bas, les gens sont baignés là-dedans, ils sont directement confrontés aux affrontements, et c'est malheureux, mais on s'habitue finalement rapidement à tout. Elle essaie de mener une vie aussi normale que possible, a repris ses études, et travaille depuis la capitale."
"Nous croyons à la victoire de l'Ukraine"
Toute la famille continue de suivre avec attention le conflit russo-ukrainien. Et reste résolument optimiste de l'issue de ce dernier. "Nous croyons fortement à la victoire de l'Ukraine. Nous avons confiance. Les batailles sont dures, les victimes sont nombreuses, mais nous gardons cette foi, et attendons ce jour avec une grande impatience."
Selon les données récoltées par la préfecture de Corse, un an après le début du conflit, 130 déplacés d'Ukraine sont domiciliés en Corse-du-Sud, et 176 en Haute-Corse.