Mort de Walter Collovigh, légendaire maître d'hôtel du football corse

Il est l'une des figures les plus connues et respectées du football corse, sur l'île, mais également bien au-delà. Durant plus d'un demi-siècle, Walter Collovigh a accueilli dans son établissement de Casamozza les centaines d'équipes de football, parfois très prestigieuses, qui s'apprêtaient à affronter le Sporting Club de Bastia. Et il a marqué cette époque de son empreinte.

Pour toutes les équipes de football, qui, depuis plus d'un demi-siècle, sont venues en Corse affronter les Bleus, le nom du Sporting Club de Bastia restera à jamais associé à deux lieux mythiques : le stade Armand Cesari, à Furiani, et l'hôtel-restaurant Chez Walter, à Casamozza.

De l'USL Dunkerque au PSV Eindhoven en passant par le FC Nantes ou le Steaua Bucarest, il n'est pas un club qui ait séjourné dans la région bastiaise, et qui n'ait pas goûté à la chaleureuse hospitalité de Walter Collovigh et des siens.

La disparition du maître des lieux, à l'âge de 85 ans, a fait naître un sentiment de tristesse à travers la Corse, et réveillé la nostalgie du monde du football, bien au-delà des rivages de l'île. 

De la Lombardie à Sant'Andrea di cotone

Photos, fanions, coupures de presse, les murs de l'établissement témoignent de son lien, étroit, avec le football.

Le Sporting, évidemment, trône en majesté, mais une place particulière est laissée à l'Inter de Milan, le club de cœur de Walter Collovigh, qui a grandi et fait ses études de comptabilité dans la capitale lombarde, avant, de découvrir le monde de la restauration au Savini, un restaurant réputé, voisin de la cathédrale.

C'est l'amour que Walter porte à Elise, native de Sant'Andrea di Cotone, qui le mènera en Corse en 1959.

Il tient d'abord une pizzeria, avant, en 1969, d'ouvrir l'hôtel-restaurant Chez Walter, à Casamozza, à proximité de l'aéroport, et de la Nationale. "Nos 28 chambres visaient une clientèle d'affaires, et bien entendu, j'avais pensé aux gens du football, ma passion", se souvient-il en 2013.

Cruyff, Papin et Leonardo...

Au même moment, le Sporting Club de Bastia, qui a récemment accédé au monde professionnel, fait de plus en plus parler de lui au niveau national. Et très vite, les équipes adverses, mais également les arbitres, font de Chez Walter leur camp retranché.

Il faut dire qu'après la fournaise de Furiani, et la réception souvent énergique que leur réservent les supporters, et les joueurs bastiais, l'hôtel est un refuge bienvenu. Au bar, en compagnie de Walter, de ses proches, les visiteurs refont le match, discutent de football jusqu’aux petites heures du matin, et créent des liens qui résisteront au temps, et à la distance.

Walter Collovigh avait depuis quelques années laissé la gestion de l'institution à son fils, Pierre-Louis. Mais il continuait de passer du temps dans cet établissement auquel il a consacré la plus grande partie de sa vie. Et il était toujours ravi de partager ses souvenirs. Des anecdotes où l'on croisait Ibrahimovic, Leonardo, Giresse, Waddle, Johan Cruyff, ou Jean-Pierre Papin...

Famille

Les joueurs du Sporting avaient aussi fait de Chez Walter un rendez-vous incontournable. Dans les années 70, à la grande époque des Bleus, Georges Franceschetti, Felix Lacuesta, Claude Papi et d'autres n'hésitaient pas à venir boire une dernière bière, après le coup de sifflet final.

Mais un Bleu, plus que les autres, a tissé un lien particulier avec Walter Collovigh et sa famille. Le légendaire numéro 11 Dragan Džajić, considéré comme l'un des meilleurs attaquants de l'histoire du football européen. 

En 1975, lorsqu'il arrive de Belgrade, accompagné de sa mère, Džajić, comme de nombreuses nouvelles recrues du club bastiais, est logé Chez Walter, le temps de trouver un hébergement. Mais le génial gaucher se sent tellement bien qu'il décide d'y rester deux ans, jusqu'à devenir un membre de la famille, comme il le racontera plus tard, parlant de Walter comme de son "frère".

Walter Collovigh n'en avait jamais assez du football. Un temps dirigeant du club de Cervione, il organisera, durant trois années, un tournoi de minimes, à Vescovato. Et très vite, ce tournoi va prendre une ampleur inattendue, alors que les jeunes insulaires vont pouvoir se mesurer à des clubs tels que Barcelone, l'Etoile Rouge de Belgrade, Monaco ou son bien-aimé Inter de Milan. À la faveur du carnet d'adresses spectaculaire de Walter. 

Âme

Walter Collovigh le déplorait parfois : le football, en un demi-siècle, a bien changé. Avec la professionnalisation à outrance du sport, est apparue une armée de conseillers, de communicants et de petites mains, formant des staffs pléthoriques qui dressent une barrière entre les joueurs et le monde qui les entoure. 

La disparition de Walter est la dernière illustration en date de la fin d'une époque. Celle ou, à quelques heures d'un explosif SCB - ASSE, Michel Platini, étoile de Saint-Etienne et du football mondial, prenait le temps de consoler Elise, l'épouse de Walter, triste à l'idée que son fils quitte le nid familial pour partir faire ses études sur le continent.

Mais si le football a changé, pas d'inquiétude. 

Chez Walter vivra toujours l'âme de ce football populaire et chaleureux.

Ce football qui a toujours fait vibrer Walter Collovigh.

Ce football qui, aujourd'hui, est en deuil.