Le second tour de l'élection présidentielle se déroule le 24 avril. En lice, comme en 2017, Emmanuel Macron face à Marine Le Pen. Autre grande question de ce scrutin : l'abstention, alors qu'au premier tour, la Corse est la région métropolitaine où elle a été le plus élevée.
"Voter ? Je ne sais pas trop... J'irai peut-être si j'ai le temps. Mais ce ne sera pas ma priorité." Marie hausse les épaules. "Ce n'est pas comme si mon avis allait changer quoi que ce soit." Assis à ses côtés sur un banc de la place Saint-Nicolas, à Bastia, son compagnon acquiesce. "D'habitude, je m'y intéresse un peu plus. Mais là, je suis complètement passif, je me dis que le résultat final ne me plaira pas dans tous les cas, donc à quoi bon me déranger ?"
À moins d'une semaine du second tour de l'élection présidentielle, Marie et son époux ne sont pas les seuls à rechigner à l'idée d'aller voter. Au premier tour, le 10 avril dernier, plus d'un électeur inscrit sur les listes en Corse sur trois (37%) ne s'était pas déplacé pour voter, faisant de la région la championne de France métropolitaine de l'abstention (26% à échelle nationale).
Un taux qui s'explique par un désintérêt du scrutin et de ses enjeux - "quel intérêt de voter pour un Etat qui ne nous apporte rien", souffle ainsi Simon, 24 ans -, un contexte politique et social tendu, ou encore l'appel au boycott des partis indépendantistes Core in Fronte et Corsica Libera. Consigne par ailleurs renouvelée pour le second tour, sur lequel plane le spectre d'une abstention plus importante encore.
"Ni Le Pen, ni Macron"
Installé en terrasse du bar de la cité, à Lupino, ce jeune retraité de l'Agence régionale de santé l'admet simplement : il n'a pas voté au premier tour et ne le fera pas non plus pour le second. Lui est un abstentionniste régulier : son dernier vote, indique-t-il, remonte à 2015, et la victoire de l'alliance nationaliste Pè a Corsica aux élections territoriales. "Depuis, je ne me sens plus concerné."
Pourtant, reconnaît-il, "le programme de Mélenchon m'intéressait bien". Mais faute de pouvoir - et vouloir - se libérer dimanche dernier, "je ne suis pas monté au village pour voter. Tant pis." Pour cette seconde échéance, "aucun des programmes restants ne m'intéresse, alors je ne me déplacerai pas non plus."
Attablé en intérieur, Antone-Maria est de son côté catégorique : "Pour les vrais Corses, il n'y a pas de second tour. Pour les vrais autonomistes et indépendantistes, il n'y a ni Le Pen, ni Macron." Voter pour la candidate du Rassemblement national, estime-t-il, "c'est voter le fascisme, et on l'a déjà vécu en Corse." Voter pour le président candidat à sa réélection, "c'est voter le Gaullisme, on l'a vécu aussi, pour nous les Corses pauvres".
Le retraité n'a pas voté au premier tour, estimant qu'aucun des candidats n'était "valable" pour la Corse, insiste : "Les gens feront bien ce qu'ils veulent, aller voter ou pas. Mais les vrais Corses qui se reconnaissent en tant que tel n'ont pas à se déranger."
"Voter, c'est un droit, il faut en profiter"
En face, au sortir de la boulangerie, Marie-Claude, 71 ans, ne partage pas du tout le même avis. "Bien sûr, que je vais voter. C'est un droit qui nous a été acquis il y a quelques années, et maintenant il faut en profiter."
Reste désormais à déterminer pour quel candidat. "Ça va se jouer sur celui qui proposera d'augmenter les retraites, glisse-t-elle. Parce qu'aujourd'hui, c'est la misère. Travailler autant d'années pour avoir la retraite que j'ai, je suis désespérée. Tout augmente, et la pension, elle, n'augmente jamais."
Derrière elle, Joe, la quarantaine, appelle également à se rendre aux urnes : "Je compte absolument voter, et tout le monde devrait faire pareil d'ailleurs. Je pense que lorsqu'on n'est pas content, on n'a pas le droit de manifester sans avoir voté. Voter, c'est le moment qu'a le peuple de pouvoir s'exprimer et manifester son mécontentement. C'est un droit, et il faut en profiter."
Elle a en tout cas déjà fait son choix : "ce sera contre Macron. Et en face, il reste qui ? Marine Le Pen."
En 2017, Emmanuel Macron était arrivé en tête au second tour en Corse, avec 51,48% des voix. À échelle communale, Emmanuel Macron avait obtenu 51,57% des suffrages exprimés à Bastia, contre 48,43% pour Marine Le Pen.