Pierre-Paul Angelini, 38 ans, est accusé d’avoir attaqué son ex-compagne à coups de marteau, en avril 2021. Son procès s’est ouvert ce lundi devant la cour d’assises de Bastia. Il risque jusqu’à 15 ans de réclusion criminelle.
Un doigt amputé, deux côtes cassées, un hématome crânien… Thierry Jouve, le président de séance, annonce directement la couleur : "Les photos des blessures sont impressionnantes". Le procès de Pierre-Paul Angelini s’est ouvert ce lundi 26 juin devant la cour d’assises de Haute-Corse.
Placé en détention provisoire dans le cadre de cette affaire au centre pénitentiaire de Borgo, l’homme, âgé de 38 ans, est accusé d’avoir violemment agressé son ex-compagne, S.G, 51 ans, en la frappant avec un marteau. Des coups qui lui ont laissé une infirmité permanente.
"Les photos des blessures sont impressionnantes"
Thierry Jouve, président de la cour
Les faits remontent au 10 avril 2021. Il est aux environs de 16h, quand les forces de l’ordre bastiaises reçoivent le signalement d’une femme qui affirme avoir été agressée, réfugiée dans une boulangerie située sur le front de mer.
Les agents se rendent au centre hospitalier, où a été transportée la victime, S.G. Celle-ci présente, notamment, une fracture ouverte au majeur de la main gauche, et un hématome important à la poitrine, avec deux côtes cassées. "Son doigt a complètement explosé", précise le fonctionnaire de police chargé de l’enquête à la barre.
La victime communique le nom de son agresseur : son ex-compagnon, Pierre-Paul Angelini. L’attaque, estime-t-elle, aurait été motivée par un refus d’accepter leur séparation.
L’homme est interpellé quelques heures plus tard. Un peu de cannabis, son téléphone portable, et deux marteaux sont saisis dans son appartement. Les analyses biologiques effectuées sur les outils "n’ont pas permis de retrouver d’ADN. Ce ne sont à priori pas ceux-là qui ont été utilisés, ce qu’il nous a confirmé", indique le directeur d’enquête.
La préméditation et le caractère volontaire des blessures en question
En garde à vue, l’agresseur présumé déroule sa version des faits : il aurait donné rendez-vous à la victime pour détruire son téléphone portable, - "pour ne plus être en contact avec elle, parce qu’elle [le] harcelait" -. Dans ce cadre, il avait emporté avec lui un marteau, camouflé dans son sac à dos. Enfin, il comptait également lui réclamer 150 euros.
Face aux policiers, Pierre-Paul Angelini insiste : il n’avait pas prévu de l'attaquer. C’est parce que la victime a voulu protéger son portable en le serrant dans ses mains et contre sa poitrine qu’elle aurait été touchée par ses coups, se défend-il. Des coups qui, s’ils n’étaient selon lui pas prémédités, "lui allaient bien" et étaient mérités, ajoute-t-il "non sans cynisme" lors de son audition, note le directeur d’enquête.
Interrogée quelques jours plus tard, la victime dresse de son côté un déroulé quelque peu différent des événements. Le rendez-vous avait été donné alors que le mis en cause lui demandait un point sur leur couple, et la somme de 150 euros, qu’elle comptait d’ailleurs lui donner, raconte-t-elle aux enquêteurs.
Elle le rejoint en voiture au niveau de la Carbonite, se gare, et il s’assoit côté passager. La situation dégénère dès lors qu’il tente de lui prendre son téléphone. Des coups, des griffures et des morsures sont échangés – S.G percute notamment violemment le levier de vitesse, ce qui lui a vraisemblablement provoqué la fracture d’une de ses côtes -. Pierre-Paul Angelini parvient à récupérer le portable et les clefs du véhicule, en sort, et s’attelle à détruire le téléphone à l’aide de son marteau.
"Sa plus grande peur, c’était qu’il prenne la voiture et lui roule dessus"
S.G sort à son tour du véhicule, et saisit son portable pour l’empêcher de le casser. Les coups sont alors redirigés sur sa personne. S.G en est convaincue : l’attaque ne visait pas son téléphone comme l’assure son ex-compagnon, mais bien ses mains, ceci afin de l’empêcher durablement d’exercer sa profession de kinésithérapeute.
La victime hurle, s’enfuit, et trouve refuge dans une boulangerie. En audition, "elle me dit que sa plus grande peur, c’était qu’il prenne la voiture et lui roule dessus, indique l’enquêteur à la barre. Quand je la vois, elle est complètement détruite."
Trop sévèrement endommagé, le majeur de la victime a dû être amputé. Une infirmité permanente qui a aussi impliqué la perte de "l’immensité de sa patientèle", faute de pouvoir exercer, précise-t-il. "Et elle me dit : vous imaginez, tout ce craquage juste pour un doigt ?"
Une relation de dépendance toxique
Cette violente agression marque le point d’orgue d’une relation toxique, dépendante et parfois abusive entre les deux ex-amants. Le couple se rencontre en juin 2019. Pierre-Paul Angelini est alors le patient de S.G. Mariée, mais dans une période difficile de son couple, elle débute une relation extraconjugale avec le mis en cause, qui devient officielle en novembre 2019. Des mois durant lesquels la victime décrit un homme doux, attentionné, de 13 ans son cadet, dont l’attention la flattait.
Les premières disputes surviennent en janvier 2020 : Pierre-Paul Angelini, assure la victime, fait alors démonstration d’un nouveau visage, plus agressif. En proie à des accès de colère fréquents, il peut s’énerver, raconte-t-elle aux enquêteurs, "même sur des petits événements comme égoutter l’eau des pâtes ou éteindre la lumière".
"Il lui remonte sa robe et baisse sa culotte devant son patient"
Très jaloux, il se rend même un jour sur son lieu de travail, alors qu’elle est en pleine consultation. Convaincu qu’elle vient d’avoir un rapport sexuel, "il lui remonte la robe et lui baisse sa culotte devant son patient", rapporte le directeur d’enquête.
La relation prend fin dans les premiers mois de l’année 2021, mais des échanges par SMS continuent entre les deux protagonistes. Des messages à caractère sexuel, pour la majorité, mais également des menaces à l’encontre de la victime, qui confie à ses proches avoir peur pour elle et pour les siens.
Une victime "toujours terrorisée", et un mis en cause en proie à un "déficit affectif"
Une relation "d’emprise", estime Liana Kaneva, experte psychologue. Celle-ci s’est chargée de l’examen de la victime en avril 2022. Elle témoigne face à la cour d’une femme profondément marquée par cette agression, qui lui a laissé des séquelles physiques mais également psychiques, à savoir "un gros manque de confiance en soi et des séquelles sur l’humeur et les relations", pour lesquelles un long suivi est nécessaire. "Elle avouait un sentiment de honte, de culpabilité, et semblait toujours terrorisée un an après les faits, convaincue de ne pas être à l’abri."
Alain Penin, l’expert psychologue qui a vu Pierre-Paul Angelini, parle de son côté d’un homme "lucide", très marqué par l’absence de son père, mort par balles avant sa naissance. Placé en foyer dans l’enfance, sans contact avec sa mère qu’il qualifie de "pute" - un terme "d’une violence extrême", relève Alain Penin -, et considéré comme violent par sa fratrie, Pierre-Paul Angelini souffre d’un important déficit affectif, estime l’expert.
Au cours de son expertise, le mis en cause a répété ne pas avoir prémédité les blessures de son ex-compagne, et avoir été étonné de la voir partir en courant, en criant "comme si on égorgeait un chat". S’il reproche à la victime de l’avoir "pris pour son gigolo" et de l’avoir manipulé, Pierre-Paul Angelini a pour autant fait preuve de regrets et de culpabilité : huit jours après les faits, l’accusé a ainsi fait une tentative de suicide dans sa cellule, rappelle l’expert psychologue.
Une experte psychiatre sollicitée sur ce dossier, fait état d'un homme "dangereux au sens criminologique", sans aucun affect envers les femmes. "Elles sont toutes interchangeables, et toutes assimilées à cette mère, qui n'était qu'une pute selon lui".
Un enfant "qui a toujours souffert"
Assis dans le box des accusés, Pierre-Paul Angelini suit silencieusement mais attentivement les divers témoignages qui se succèdent à la barre. Tantôt impassible, tantôt énervé, mais surtout plusieurs fois saisi par l’émotion et en proie aux larmes, notamment à l’évocation de son père, et lors de l’audition de sa mère, qui vient clôturer cette première journée de procès.
C’est presque un enfant martyr. Il n’y a aucune personne qui l’a aimé.
Celle-ci fait part de sa surprise, "je ne savais pas du tout ce qui s’était passé". Son fils, explique-t-elle, est quelqu’un de très fragile, "qui a toujours souffert". "Ses frères et sœurs aussi, mais d’une façon différente. Quand j’étais enceinte de lui, son père me frappait. Pierre-Paul, dans mon ventre, a subi les coups. Puis après la naissance, dans son enfance, il a subi beaucoup de violence. C’est presque un enfant martyr. Il n’y a aucune personne qui l’a aimé. La seule personne qui lui a montré de l’amour, c’est ma mère, sa grand-mère", dévoile-t-elle.
Interrogée par le président Thierry Jouve sur la violence de son fils dont elle a fait part aux enquêteurs, cette septuagénaire atténue face à la cour quelque peu ses propos : "Il n’a pas démoli la maison." Est-il de nature violente et impulsive, insiste le président ? "Il est de nature je veux ça, je veux faire ça. Mon mode de vie ne leur convenait pas à mes enfants. Mais comment peut-il ne pas être violent quand il n’a connu que la violence ? Les enfants qui sont frappés tout le temps, ils ne deviennent pas des anges. Il y a la souffrance qui ressort, on n’y peut rien, c’est humain."
"Vous aviez peur de lui ?", reprend Thierry Jouve. Parfois, reconnaît-elle. "Quand on lit ce que vous avez pu déclarer face aux enquêteurs, pour une mère, c’est quand même assez accablant, martèle le président. Est-ce qu’on vous a extorqué ses propos, ou quoi ? À la question est-ce qu’il a des enfants, vous répondez "non, il ne manquerait plus que ça". Bonjour la grand-mère", ironise-t-il avec un certain un agacement face au silence de la mère.
"Je suis une pourriture"
"Vous l’avez voulu, Pierre-Paul ?", reprend à la suite la représentante du ministère public, Stéphanie Pradelle. "Moi, je voulais tous mes enfants, mais apparemment, son père n’aurait pas dû le mettre en route", répond la mère, avec moult balbutiements et hésitations. "Mais vous l’aimez votre fils ?", insiste l'avocate générale. "Je les aime tous. Je n’ai pas bien fait les choses", répond-elle, la voix tremblante.
"Notre famille, on est des produits chimiques. Séparément, on peut faire des choses extraordinaires, mais ensemble, ça pète."
Muet depuis l’ouverture du procès, Pierre-Paul Angelini prend brusquement la parole, depuis son box, sans y avoir été invité. "Tu as fait ce que tu as pu, et même si je ne te vois pas, au fond, dans ma chair, je t’aime, s'exclame-t-il, très ému. Notre famille, on est des produits chimiques. Séparément, on peut faire des choses extraordinaires, mais ensemble, ça pète. Ce n’est pas plus mal qu’on ne se voit pas. Je suis une pourriture et j'ai des choses à régler avec moi-même, conclut le mis en cause, sans avoir été interrompu. Mais je t’aime."
Le procès est prévu pour se tenir jusqu’au mercredi 28 juin. Pierre-Paul Angelini risque jusqu’à 15 ans de réclusion criminelle.