"On fait tout pour que l’évolution soit la plus douce possible” : confronté quotidiennement à la maladie d’Alzheimer, le docteur Patrick Métais témoigne

La maladie d’Alzheimer concernerait jusqu’à 9.000 personnes en Corse. Gériatre au centre hospitalier de Bastia, le docteur Patrick Métais, explique sa mission à France 3 Corse ViaStella et revient sur le manque de moyens auquel font face les structures spécialisées dans l’accueil des personnes âgées.

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Je suis là, je suis là”. Dans son cabinet du centre hospitalier de Bastia, le docteur Patrick Métais rassure une de ses patientes. Ce jour-là, elle effectue quelques exercices d’équilibre afin d’évaluer l’évolution de la maladie d’Alzheimer.  

L’île ne dispose pas de chiffres consolidés quant aux personnes atteintes de cette maladie ou suivies pour un déclin cognitif. L’agence régionale de santé dénombrait, au 31 décembre 2022, 2.938 personnes touchées, alors que la Fondation France Alzheimer avance le chiffre de 9.000. Sur l’ensemble du territoire national, 900.000 personnes sont diagnostiquées de la maladie d’Alzheimer ou d’une autre maladie apparentée.    

Principale cause de démence, cette affection neurologique résulte d’une lente dégénérescence des neurones. Elle débute au niveau de l’hippocampe puis s’étend au reste du cerveau. Elle est caractérisée par des troubles de la mémoire récente, des fonctions exécutives et de l’orientation dans le temps et dans l’espace. 

Le docteur Patrick Métais pratique un examen d'équilibre sur une patiente. © Marion Fiamma / FTV

Ne pas s’arrêter aux traitements médicamenteux 

Les exercices terminés, la patiente rejoint son siège, près de son fils, et attend l’analyse du gériatre. “L’évolution est très très douce et cela va durer un certain temps comme ça”, estime Patrick Métais.  

Afin d’accompagner au mieux ces patients, l’association Corse Maladies Neuro évolutives, dont le docteur Métais est le président a été créée. “Le traitement d’une personne âgée atteinte de troubles cognitifs ne s’arrête pas aux traitements médicamenteux, mais se poursuit avec une organisation de la stimulation et une prise en charge sur des dimensions qui sont plus sociales”, détaille-t-il.  

Une stimulation qui peut passer par la participation à des ateliers ou encore la création d’aides et de soutiens aux aidants. “Avec les aidants, nous travaillons de telle façon qu’ils ne s’épuisent que le plus tard possible”, précise le gériatre.  

"On a le pied sur la pédale de frein” 

Des mises en place qui visent à retarder le développement des affections neurologiques. “On a le pied sur la pédale de frein. C’est-à-dire que l’on fait tout pour que ça ralentisse au maximum et que l’évolution soit la plus douce possible, complète le docteur Métais. Mais bien évidemment, c’est excessivement difficile et on a des patients qui évoluent malheureusement vite, malgré les traitements que l’on met en place. 

Dans certains cas, l’entrée dans une maison de retraite devient inévitable. “Ça arrive tout le temps de dire aux gens qu’ils ne peuvent plus garder leur proche à la maison. C’est à nous de le dire. Et je dirais même que c’est à nous de l’anticiper, c’est-à-dire de voir que la personne décline, à quelle vitesse elle décline. Ce qui veut dire que dans un an ou deux, elle ne pourra plus être à la maison et dire au proche de commencer à compléter des dossiers pour une institutionnalisation. 

L’absence d’une loi “grand âge” 

Des structures que le gériatre connaît bien. Il a exercé entre 2000 et 2011 notamment comme directeur médical de la branche sanitaire du groupe Orpea, gestionnaire d'Ehpad et de cliniques. 

Le groupe privé a été au cœur d’un scandale, en 2022, après la parution du livre enquête de Victor Castanet, “Les Fossoyeurs”, qui dénonçait des maltraitances de résidents, un usage abusif des fonds publics et des manquements dans la gestion de son personnel. 

© BERTRAND GUAY / AFP

Un livre dans lequel le docteur Patrick Métais est l’un des principaux témoins. “Lorsque j’ai été lanceur d’alerte, cela a été excessivement difficile. Cela a été un moment très compliqué dans ma carrière professionnelle, c’est très compliqué. Malheureusement, je pense que les problèmes de fond restent parce que la loi grand âge, qui est la loi nécessaire, n’a toujours pas été mise au niveau, comme on aurait voulu.” 

“Les Ehpad n’ont pas suffisamment de moyens” 

À la place de la loi “grand âge” tant attendue, le Parlement a définitivement adopté, en mars dernier, la loi “bien vieillir”. Un texte jugé insuffisant pour le secteur de l’autonomie, toujours privé d’une loi de programmation financière sur le grand âge pourtant promise par le président de la République au début de son premier quinquennat.  

Une problématique qui touche forcément les établissements insulaires. “Je prône le fait que les Ehpad n’ont pas suffisamment de moyens, reprend Patrick Métais. Mais les structures que je connais en Corse sont des Ehpad dans lesquels les équipes qui y travaillent font un merveilleux travail. C’est un travail d’accompagnement, de suivi, qui est très bien fait. 

Ce témoignage est à retrouver, ce vendredi 24 janvier à 20h40, sur France 3 Corse ViaStella dans un nouveau numéro du magazine Sucetà dédié à la maladie d’Alzheimer.    

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