Le procès en appel d’Antoine Pietri, accusé d’avoir assassiné Patrick Julien en novembre 2017 à Soccia, en Corse-du-Sud, a débuté ce lundi 20 janvier à Bastia, par le témoignage chahuté des enquêteurs. En première instance, l'ancien berger, âgé d'une trentaine d'années, avait été acquitté.
« On joue la vie d’un mec sur des farces comme ça ? En bidouillant un dossier ? » lance Maître Paul Sollacaro, depuis les bancs de la défense, alors que le coordinateur criminalistique de la gendarmerie d’Ajaccio répond aux questions de la cour.
Le président, qui tente de mener les débats, peine à masquer son agacement.
Échanges houleux
Depuis le début de cette première journée, l’ambiance est assez tendue dans la salle de la cour d’assises de Bastia.
Du côté de Maîtres Ana-Maria Sollacaro, Paul Sollacaro et Dominique Paolini, les avocats d’Antoine Pietri, on multiplie les manifestations d’humeur, les interruptions lorsque l’avocat général et les avocats de partie civile prennent la parole, et les attaques frontales contre « un dossier à trous », et une enquête menée, selon eux, en dépit du bon sens.
Durant près de quatre heures, le directeur d’enquête de la gendarmerie d’Ajaccio, le premier témoin appelé à la barre, va d'ailleurs en faire les frais, subissant le feu nourri des questions de la défense.
Selon le gendarme, l’interpellation d’Antoine Pietri, dès le lendemain de l’assassinat de Patrick Julien, tué de trois balles, dont une mortelle, à la tête, le samedi 4 novembre 2017 à Soccia, en Corse-du-Sud, alors qu’il était au volant de sa tractopelle, était due aux témoignages de proches qui faisaient état d’un contentieux qui opposait la victime à l’accusé.
Un contentieux portant sur « l’attribution de parcelles ou de terrain » au jeune éleveur caprin, alors que Patrick Julien, adjoint au maire de Soccia, était également président de l’Association Foncière Pastorale.
Les perquisitions effectuées dans la foulée permettent de retrouver, dans la voiture d’Antoine Pietri, « un fusil à pompe, avec, dans la chambre, une cartouche identique à celles trouvées sur la scène de crime », et à son domicile, d’autres cartouches, également identiques, ainsi qu’un tee-shirt kaki, le tee-shirt qu’il portait le jour de la mort de Patrick Julien, portant des traces de résidus de tir.
Enfin, l’ADN du trentenaire avait été également identifié sur les étuis de cartouches retrouvées sur les lieux de l’assassinat.
Acquitté en première instance
Mais Antoine Pietri a toujours clamé son innocence, et aucun témoin n’a pu attester de sa responsabilité, rappelle la défense. Pour les avocats, le dossier ne contient aucune preuve solide, l’enquête a été menée à charge, en commettant de coupables approximations, et sans chercher à explorer d’autres pistes que celle d’Antoine Pietri.
C’est une arnaque ! Un jour il faudra qu’on demande des comptes à votre brigade !
Maître Paul Sollacaro
Tout, au fil de la journée, est remis en question : les scellés, la couleur des cartouches, vertes ou bleues selon les clichés, la lenteur supposée des investigations, la manière dont l’ADN a été prélevé, ou encore la foi accordée « aux rumeurs de village » par les gendarmes. « C’est une arnaque, martèle Maître Paul Sollacaro. Un jour il faudra qu’on demande des comptes à votre brigade ».
En décembre 2020, lors du procès en première instance, à Ajaccio, le jury avait été sensible à la stratégie de défense des trois avocats. Antoine Pietri encourait la réclusion criminelle à perpétuité. L’avocat général avait requis 25 ans de prison, et la cour d’assises avait acquitté le berger.