Le collectif Infirmiers libéraux en colère a été créé en janvier dernier. En Corse, il est porté par deux professionnelles particulièrement inquiètes pour l’avenir de leur profession. Elles dénoncent “un mépris” et une “invisibilisation”.
L’engagement au sein du collectif infirmiers libéraux en colère de Marie Savelli et Ghjilorma Albertini commence fin janvier 2023. Infirmière libérale depuis 2 ans pour la première, et depuis 10 ans pour la seconde, elles voient leur profession “se dégrader” au fil des années. Comme l’ensemble du collectif, elles dénoncent un “mépris”, une “invisibilisation” et se considèrent “oubliées”.
Ainsi, depuis 2012, le coût de nombreux actes n’a pas été revalorisé. “Le déplacement s’élève à 2.50 euros brut, un acte médical infirmier, c’est 3.15 euros brut”, détaille Ghjilorma Albertini qui soutient que depuis l’inflation, les salaires des infirmiers libéraux ont diminué de 30 %. Si une aide gouvernementale avait été accordée à la profession quant au prix des carburants, elle a pris fin en janvier dernier. “Je fais 250 km par jour, j’ai entre 20 et 30 patients et j’ai des journées comprises en 12 et 14 heures de travail”, explique la jeune femme.
"On fait économiser des montants astronomiques à l'État”
Le collectif s’insurge également contre l’article 152 de la dernière loi sur le financement de la sécurité sociale et plus particulièrement le règlement des indus par extrapolation. “Cela concerne les fautes de facturation. Pour prévenir de possibles fraudes, nous allons être obligés de payer un forfait, même si aucune erreur n’est commise”, souligne Ghjilorma Albertini. “Nous demandons également une nouvelle nomenclature des actes professionnels, car celle-ci est obsolète et elle prête à interprétation. Il y a même certains actes que nous ne pouvons pas facturer”, complète Marie Savelli.
On est vu comme des générateurs de dépenses publiques alors que nous évitons des hospitalisations.
Les deux professionnelles voient dans ces faits une “volonté de faire disparaître les infirmiers libéraux”, “de nous laisser de côté”. “On est vu comme des générateurs de dépenses publiques alors que nous évitons des hospitalisations, soutient Ghjilorma Albertini. Il faut savoir qu’une hospitalisation coûte 1.000 euros par jour, nos soins de nursing coûtent 38 euros par jour. On fait économiser des montants astronomiques à l’État.”
“À mon sens, ceci est fait au profit des HAD (hospitalisation à domicile ndlr.) et des SSIAD (service de soins infirmiers à domicile ndlr.). Dans ces cas, les soins d’hygiène sont réalisés par une aide-soignante, et lorsqu’il y a des dérives, ils sont malheureusement réalisés par des aides ménagères. Le problème, c’est qu’en pratiquant ces soins d’hygiène nous faisons de la prévention, et nous pouvons aussi constater d’autres potentiels problèmes. Lorsque ce cas se présente, nous alertons les médecins et nous évitons que les patients se dégradent et soient peut-être hospitalisés”, continue Marie Savelli.
“La profession va très mal”
En Corse, le collectif des infirmiers libéraux en colère recense 300 membres. Ils sont 14.000 au niveau national. “C’est une profession qui va très mal. Une étude réalisée auprès des professionnels en activité établit que 60 % des personnes interrogées veulent arrêter dans les cinq ans à venir”, précise Ghjilorma Albertini.
Afin d’alerter au maximum sur leurs conditions de travail, le collectif a lancé une pétition qui a rassemblé plus de 40.000 signatures en deux mois. “Nous espérons encore mieux faire et nous espérons également qu’un maximum d’infirmiers libéraux nous rejoigne”, assure Marie Savelli.
En Corse, une lettre a été envoyée à l’Agence Régionale de Santé. Pour l’heure, le document est resté sans réponse. Déterminées, les deux jeunes femmes affirment qu’elles resteront mobilisées jusqu’à ce que leurs revendications soient entendues.