INTERVIEW. "Aujourd'hui, on trouve du vin corse dans le monde entier", François Franceschi, président du conseil interprofessionnel des vins de Corse

Après une saison touristique "en demi-teinte" et à une dizaine de jours du salon Wine Paris 2025, François Franceschi, président du Conseil interprofessionnel des vins de Corse, fait le point sur les enjeux et l'état des lieux de la filière insulaire.

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En août dernier, François Franceschi a pris la succession d'Eric Poli à la tête du Conseil interprofessionnel des vins de Corse (CIVC).

Élu à l'unanimité, le viticulteur installé dans la plaine de Borgo s'apprête, le 10 février prochain, à vivre son premier salon Wine Paris avec la casquette de président du CIV Corse dont "la mission est de se mettre au service de l’ensemble de la filière viticole".

Cet événement international permet chaque année aux vignerons insulaires de prendre la température du marché et de faire connaître leurs productions respectives aux acheteurs français et étrangers. Un rendez-vous important, d'autant plus après une "saison touristique en demi-teinte", dixit François Franceschi, qui dresse l'état des lieux d'un vignoble insulaire sur lequel on a récolté près de 350 000 hectolitres de jus de raisin en 2024, soit 14% de moins qu'en 2023.

France 3 Corse ViaStella : Vous avez été élu en août 2024 président du Conseil interprofessionnel des vins de Corse. Comment voyez-vous votre rôle et quelle est votre feuille de route dans cette fonction ? 

François Franceschi : Ce rôle, c'est la profession qui le définit. Il consiste notamment à promouvoir et communiquer sur la filière viticole insulaire, mais pas uniquement. Il ne se limite pas qu'à cela : c'est aussi un observatoire économique qui analyse les tendances du marché, s’intéresse à ce qui se passe sur les différentes places de marché et qui retranscrit ces informations aux vignerons.

Comment se porte la filière en Corse ?

Compte tenu du contexte dans lequel nous évoluons, la filière ne se porte pas trop mal. Et ce, même si la crise pointe son nez, puisque nous avons eu une saison touristique en demi-teinte dans l'île cette année, et la filière viticole en subit elle aussi les conséquences. Elle est victime de ce genre d'aléas puisque nous avons une grande partie de notre commerce qui se fait en Corse. Par conséquent, quand on a une fréquentation touristique et un pouvoir d'achat en baisse - car c'est une conjugaison de facteurs -, les vins corses souffrent aussi. C’est étroitement lié. Nous avons une agriculture qui est fortement dépendante de la saison touristique. Et qui dit saison touristique en berne, dit aussi agriculture en berne.

Notez-vous une évolution significative par rapport à l’an dernier ?

La récolte de 2023 avait été assez historiquement haute (plus de 407 000 hectolitres, dont 125 750 en AOP, ndlr). Il y avait très longtemps qu'on n’avait pas produit à ce niveau, puisqu’on a dépassé les 400 000 tonnes de production. Lorsque nous avons établi des stocks de la récolte de 2023, en septembre 2024, nous avons constaté qu’ils étaient anormalement hauts. Il y a donc l’effet de ces récoltes importantes, mais aussi celui de la saison touristique qui a été plutôt mauvaise.

En août 2023, le Conseil interprofessionnel avait dressé le constat d'une évolution dans les pratiques des consommateurs, avec une baisse notamment de la consommation du rosé, et envisageait de faire évoluer la production insulaire. Qu'en est-il aujourd’hui ?

En effet, on se rend compte qu'il y a des évolutions dans les habitudes des consommateurs. Donc on essaie de coller au mieux à leurs attentes. C'est pour ça que les 10, 11 et 12 février prochains, nous serons au salon Wine Paris, un événement international avec plus de 4 000 exposants venant du monde entier. C'est là qu'on voit les tendances de marché, et qu'on peut apprécier vraiment les évolutions et les virages qu'il faut opérer, si besoin. On est en prise directe avec le marché.

L'un des enjeux de ce type de salon, c'est l'export à l'international. Aujourd'hui, concernant les vins produits dans l'île, quelle part représente leur exportation ?

À l’heure actuelle, dans la production corse, à peu près un tiers des vins sont vendus sur l’île. 30 à 40% s'écoulent sur le marché continental et le reste, à l'export. Mais quand on parle d'export, il y a des nuances entre ce qui est vendu en Union européenne et ailleurs, même si, pour nous autres producteurs et vendeurs, dès que cela sort de France, on parle d'export. Nous avons des marchés en Allemagne, en Belgique, au Royaume-Uni, mais aussi aux États-Unis. Sur ce dernier marché, d'ailleurs, les annonces du président Trump nous inquiètent, puisqu’il pourrait y avoir de nouvelles taxes...

En tout cas, ce qui est certain, c’est que le vin est le produit corse le plus exporté, puisqu'il est présent dans le plus de régions dans le monde. On en trouve désormais dans le monde entier.

Y a-t-il des difficultés particulières pour les vins de l'île à l'export ? On dit souvent que les productions insulaires sont un peu chères, par exemple...

Non. En général, les produits dits "haut de gamme" ont bâti leur prix en fonction de la qualité. Ce sont des produits qui sont souvent très demandés, et qui correspondent à une attente de la part du consommateur. Tous les producteurs ne s'adressent pas à la même clientèle. Moi qui suis issu d'une cave coopérative, je ne m'adresse pas à une clientèle qui est dans la restauration. Il y a plusieurs niveaux de clientèle dans l'export et dans les vins.

Trois vins corses ont été primés dans l'édition 2025 du Guide de la Revue du Vin de France. Y a-t-il des retombées sur l’ensemble de la filière insulaire ?

Ces trois domaines ont été récompensés et nous en sommes très fiers. Ce sont des ambassadeurs pour l'île. Même si nous ne sommes pas tous sur le même marché, c'est une reconnaissance de la qualité des vins corses au niveau national, mais également international puisque ce sont des revues lues par la clientèle de nombreux pays. C'est donc une reconnaissance pour l'ensemble de notre vignoble.

Concernant l’installation des jeunes, quel est l’état des lieux ?

L'installation multiculture est toujours un peu compliquée lorsqu’on n'est pas issu du monde viticole. Acquérir du foncier, planter des vignes et attendre qu'elles produisent, c'est quasiment mission impossible. Souvent, ce sont donc des reprises d'exploitations. Il y a d’ailleurs de plus en plus de fils ou filles de vignerons qui, après avoir fait des études, même dans d’autres domaines, reviennent finalement sur les exploitations familiales.

Nous avons aussi quelques reprises de foncier, par exemple sur le domaine de Casabianca. Ce sont, pour certaines, des personnes qui n'étaient pas issues du monde viticole, et qui vont s’installer en viticulture. Nous nous en félicitons car, comme l’achat de foncier n’est pas obligatoire immédiatement, ça leur permet de souffler pendant les premières années de l'installation, le temps de faire les plantations. La question du foncier ne se posera que lorsque les plantations seront en production. Cette opération-là, même si elle n'est pas parfaite, a le mérite d'exister, de garder le patrimoine viticole corse.

Le changement climatique fait partie des défis des vignobles. Comment y faire face ? L'impact se fait-il déjà sentir dans l'île ?

Le vignoble corse est confronté de plein fouet aux bouleversements climatiques, comme dans d'autres régions de France. Et même plus encore puisque nous sommes la région viticole la plus au Sud.

Aujourd'hui, pour arriver à produire du raisin, nous sommes obligés d’irriguer nos vignes dans toute la Plaine orientale, alors qu’autrefois, on n'arrosait pas. C’est désormais une obligation, sinon, nous n’arrivons plus à produire. C'est une contrainte supplémentaire à laquelle nous sommes désormais confrontés.

Nous sommes également confrontés à certains parasites qui migrent du Sud. Nous avons notamment la cicadelle africaine qui affecte notre vignoble, détruit le feuillage, et pose de gros problèmes de maturité sur les raisins. Et c'est le changement climatique qui provoque cela puisqu'il fait beaucoup plus chaud en Corse qu'autrefois ; cela permet donc à cette cicadelle de se développer sur notre territoire. Nous espérons d’ailleurs que les autorités prendront les mesures nécessaires pour combattre ce parasite.

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