Législatives 2022 : quid de la contestation du scrutin ?

Publié le Mis à jour le
Écrit par A. Stromboni

Dans la seconde circonscription de Haute-Corse, le résultat très serré du scrutin pourrait peut-être donner lieu à un éventuel recours. Pour l’instant, aucune requête n’a été déposée auprès du Conseil constitutionnel, en charge de statuer sur la régularité de l'élection des députés.

Les 156 petites voix d’avance de Jean-Félix Acquaviva sur François-Xavier Ceccoli vont-elles amener le maire de San Giuliano à former un recours ?

Battu de justesse dans la seconde circonscription de Haute-Corse, le candidat divers droite n’excluait pas de se pencher sur la question. C’est ce qu’il avait indiqué dimanche soir face à notre caméra. Dans son entourage, il se murmure que "cette éventualité serait toujours à l’étude et qu’une décision devrait être prise d’ici le début de la semaine prochaine".

Pour cette élection législative, les requêtes peuvent être déposées jusqu’au jeudi 30 juin devant le Conseil constitutionnel.

Avocat parisien spécialisé dans le droit électoral, Louis le Foyer de Costil détaille la procédure en cas de contestation d'un scrutin législatif.

France 3 Corse : Quelle est la procédure pour former un recours lors d’une élection législative ?

Louis le Foyer de Costil : Le recours s’effectue uniquement devant le Conseil constitutionnel. C’est une protestation électorale, c’est-à-dire une requête qui est envoyée au Conseil constitutionnel. Elle doit lui parvenir dans un délai de dix jours à compter de la proclamation des résultats. Le but est de montrer qu’il y a eu des manquements qui ont pu altérer la sincérité du scrutin. Cela peut aboutir à son annulation. Cette requête n’est pas dirigée contre une personne mais contre une élection. Le recours peut également être déposé chez le préfet qui le transmettra ensuite au Conseil constitutionnel. Néanmoins, en général, cela se fait davantage directement par le Conseil constitutionnel, notamment par voie électronique.

À noter que selon les élections, les délais et les procédures diffèrent. Pour les Municipales, le délai de recours est de cinq jours et c'est le tribunal administratif qui est chargé de statuer. 

Parmi les différentes irrégularités, lesquelles rencontre-t-on le plus souvent ?

Cela peut aller de l’usage de procédés de propagande électoraux illicites - comme la publicité - aux problématiques de procuration, en passant par l’achat de vote, les pressions etc. Cela concerne toutes les règles qui figurent dans le code électoral. Les irrégularités peuvent avoir lieu soit le jour du vote, soit au moment du dépouillement, soit durant la campagne. Les candidats, les assesseurs et les personnes qui participent au dépouillement peuvent émettre des réserves sur des procès-verbaux. Cependant, en général, cela se fait devant le Conseil constitutionnel. D’ailleurs, il n’y a pas que les candidats qui peuvent formuler des recours. Les électeurs de la même circonscription en ont également la possibilité.

Une fois que le recours est déposé. Que se passe-t-il ?

La requête est instruite par le juge constitutionnel. Un rapporteur est désigné. Il va vérifier si les arguments soulevés sont recevables ou pas, et s’il y a vraiment eu un manquement ou pas. Le juge peut avoir accès à différentes pièces (procès-verbaux, copie des listes etc.).

Évidemment, le député dont l’élection est contestée a le droit de se défendre. Dans l’hypothèse extrême, quand il y a un problème de recomptage, le juge constitutionnel peut même proclamer un autre candidat élu. Cela reste néanmoins assez rare. En général, on annule l’élection et on la refait. S’il y a eu des problèmes et qu’ils n’ont pas eu de conséquences sur l’élection, il n’y a pas d’annulation.

"Plus le résultat est serré, plus il est facile de prouver qu’une irrégularité a pu altérer la sincérité du scrutin."

L'instruction peut-elle durer longtemps ?

Cela dépend. En général, deux à trois mois. Après, concernant un scrutin législatif, il ne faut pas que ça tarde trop car le député est censé voter des lois. C’est donc généralement assez rapide dans ce cas-là. De plus, il faut rappeler que la requête n’est pas suspensive. Le député élu continue d’exercer son mandat tant que le Conseil constitutionnel n’a pas statué. Une fois qu’il a rendu sa décision, aucun autre recours n’est possible.

Quelles sont les chances pour que l'élection soit annulée ?

S’il y a un écart important de voix, les dossiers sont quasiment perdus d’avance. En revanche, le recours sera examiné avec soin si l'écart est très faible. En fait, il faut vraiment montrer que les éventuelles irrégularités aient pu avoir une incidence sur le résultat. Ce qui compte, ce n’est pas l’auteur du manquement, c’est avant tout de savoir s’il y en a eu un. Des petits manquements, lors d’un scrutin, il y en a très souvent. Il y a tellement de règles dans le code électoral que souvent, outre le fait que ces petits manquements ne sont pas très graves, cela n’a aucune incidence sur l’élection.

En revanche, plus le résultat est serré, plus il est facile de prouver qu’une irrégularité a pu altérer la sincérité du scrutin et donc que celui-ci doit être annulé. Après, il faut des arguments de qualité. L’écart de voix est une condition indispensable pour obtenir gain de cause mais pas un argument en tant que tel. En effet, il faut toujours qu’il y ait eu des manquements aux règles électorales et que cela ait été susceptible d’influencer le résultat du scrutin pour obtenir l'invalidation de l'élection.

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