Un courrier de la Commissaire Européenne, en charge de la concurrence, se veut rassurant sur la « discontinuité » de l’offre de reprise de la compagnie par le groupe Rocca Transports.
Les syndicats de la SNCM la réclamaient, le Secrétaire d’État aux transports Alain Vidalies l’a finalement reçue. Sur la forme cette lettre peut rassurer les organisations syndicales, en grève depuis le 20 Novembre. Les syndicats souhaitent des assurances sur un point majeur : ils veulent être certains que le repreneur n’aura pas à payer les deux fois 220 millions d’euros d’amendes qui visent la SNCM. Auquel cas, Patrick Rocca ne pourrait payer et son offre deviendrait caduque, entrainant la liquidation judiciaire de l’entreprise actuellement en redressement.
Mais sur le fond, de nombreux points restent à éclaircir. La CGT n'est cependant pas rassuré par ce courrier. Dans l’après midi, des marins CGT de la SNCM ont d'ailleurs empêché le chargement de deux navires de La Méridionale à Marseille.
La lettre d’une Commissaire
Dans un courrier daté du 27 Novembre 2015, adressé à Alain Vidalies Secrétaire d’État aux transports, la Commissaire Européenne Margrethe Vestager -en charge de la Direction Générale de la concurrence- se veut rassurante. Elle s’appuie sur une « lettre de confort », envoyée à Patrick Rocca, qui estimait dès la fin Septembre que la « discontinuité » de l’offre de reprise était avérée.Par conséquent, à l’époque, cela laissait entendre que Rocca Transports ne devrait pas « hériter » des plus de 400 millions € d’amendes qui menacent la SNCM en cas de continuité de son activité en l’état.
La lettre de la Commissaire Européenne fait allusion au jugement du tribunal de commerce de Marseille, en date du 20 Novembre 2015, qui désigne Patrick Rocca comme repreneur de la compagnie. On peut lire le jugement ici.
Dans le courrier de Margrethe Vestager on peut lire notamment : « Sur la base de ce jugement, l’analyse de mes services dans la lettre adressée à M. Rocca le 24 Septembre 2015, définissant les conditions permettant de constater une discontinuité économique entre la SNCM et le repreneur des actifs en cause, demeure valable ».
On peut lire, ici, la (courte) lettre envoyée à Alain Vidalies.
La Commissaire Européenne semble dire que l’accord de « discontinuité » donné à Rocca Transports pour une offre précédente, demeure valable pour l’offre améliorée qui a été finalement retenue par le tribunal de commerce.
Une assurance minimaliste
Le courrier de la Commissaire Européenne n’est pas très épais, mais pourrait rassurer les syndicats et le repreneur.L’assurance d’une « discontinuité » et du non paiement des amendes était l’un des motifs de la grève déclenchée le lendemain du jugement du tribunal de Marseille le 20 Novembre. Depuis cette date les navires de la SNCM sont à quai. Le conflit social a été déclenché par une série de préavis des organisations de « l’intersyndicale » (CGT, CCG, SNAMM). Le STC (Syndicat des Travailleurs Corses) a rejoint le mouvement le 25 Novembre.
Après un rendez-vous manqué le 25 Novembre, les syndicats ont entamé des négociations le lendemain à Paris au Secrétariat d’État aux transports, en présence des deux actionnaires : l’État et Transdev.
Outre des assurances sur le niveau du plan social, les organisations syndicales réclamaient des assurances sur la « discontinuité » accordée, ou non, au repreneur. Le courrier de la Commissaire Européenne, envoyé à Alain Vidalies le 27 Novembre, est présenté comme une réponse favorable pour le ministère.
Dans l’après midi de ce lundi 30 septembre se tient à Marseille un Comité d’Entreprise (CE) de la SNCM. A l’ordre du jour de ce CE on trouve notamment le Plan social et la lettre de Margrethe Vestager.
Ce courrier suffira-t-il à rassurer les syndicats et va-t-il déboucher sur la fin de la grève déclenchée il y a dix jours ?
Les syndicats devraient faire connaître leurs positions assez rapidement.
« Discontinuité » et… continuation
Même si le repreneur est « assuré » d’une « discontinuité », d’autres problèmes demeurent.On ne connait pas encore le niveau du futur service public maritime Marseille-Corse qui doit débuter fin 2016. La Collectivité Territoriale de Corse (CTC) prend son temps et a même lancé une consultation -aux fondements contestés- avant de faire connaitre le contenu de ce service.
En l’état actuel, il reste beaucoup de conditions à remplir pour que l’offre de reprise de la SNCM soit pleinement effective.
Lors d’une Assemblée Générale des marins CGT à bord du cargo Paglia Orba, en début d’après midi, la tension est remontée d’un cran.
Toujours depuis le début de l’après midi, des marins CGT de la SNCM ont empêché le chargement de deux navires de La Méridionale à Marseille.
Si la CGT reconnait des « avancées » sur le contenu du plan social, le syndicat reste méfiant sur la garantie du non paiement des amendes par le repreneur et sur le futur service public.
La CGT, comme la majorité des syndicats souhaitent que le service provisoire -entre la reprise par Rocca Transports en Janvier et le futur service public- soit assuré sous la forme d’une subdélégation gérée par La Méridionale.
Le choix du repreneur n’est pas encore fait entre une subdélégation et une délégation « directe » par la CTC. Ce dernier scénario représente un danger aux yeux des observateurs du monde maritime. Il faudrait encore obtenir un accord de la Commission Européenne, ce n’est pas garanti.
Joint par France 3 Corse, l’avocat de Patrick Rocca semble pencher pour le scénario d’une subdélégation, avec une réserve : « que La Méridionale n’ait pas d’exigences insurmontables ».
De quoi parle-t-on ? Si La Méridionale réclame la gestion du système de réservation « Résa blue », actuellement géré par la SNCM pour les réservations des deux compagnies, alors la subdélégation ne se fera pas et la reprise de la SNCM par Rocca Transports sera plus difficile à gérer. La Méridionale détient une des clefs du problème. Derrière les apparences, il y a toujours une explication.