Alors que l'épidémie de covid redémarre, la région Bourgogne-Franche-Comté se réjouit d'avoir acheté une machine qui lui permet de fabriquer ses propres masques et d’être autonome. Deux millions de masques chirurgicaux, destinés notamment aux hôpitaux de la région, seront produits chaque mois
La machine, arrivée en camion de Turquie, a commencé à produire ses premiers masques à Dijon au mois de septembre. Coût total de l'équipement et de son installation : 300.000 euros.
C'est un investissement qui nous permet de constituer un stock de masques chirurgicaux à trois plis, les seuls autorisés dans les hôpitaux.
Reportage de Christophe Tarisse/ Romain Liboz et Pierre Bouillot
Sécuriser les approvisionnements et devenir autonomes
En mars 2020, la région Bourgogne-Franche-Comté se débattait pour s'approvisionner en masques pour les soignants, les Ehpad.... La préfète de la région Grand Est avait même réquisitionné sur l'aéroport de Bâle-Mulhouse une commande de masques destinée à la Bourgogne-Franche-Comté. Au plus fort de la crise du covid, commander des masques était une mission complexe, risquée. Sans garantie que la marchandise arrive à destination.
L'achat de cette machine est une opportunité, explique Marie-Guite Dufay. "Nous avons été en contact avec un industriel qui pouvait mettre au point la ligne de production. C'est une ligne de production automatisée qui va permettre de fabriquer deux millions de masques" explique la présidente de région. Ces masques seront distribués aux hôpitaux gratuitement.
"Ces masques vont d’abord au personnel soignant des hôpitaux qui n’utilisent que ces masques-là. Nous les remettrons gracieusement. Si les hôpitaux ont besoin de davantage de masques que le stock que nous pouvons leur donner gratuitement, eh bien nous leur ferons payer un prix absolument dérisoire, entre 0,12 et 0,19 centimes, c’est-à-dire uniquement le prix du matériel", indique la présidente du conseil régional.
Une seconde partie de la production reviendra à l'entreprise savoyarde OMV Systems située à Thyez dans la vallée de l'Arve. Deux personnes seront nécessaires pour faire tourner cet équipement qui était bloqué au printemps en Turquie et n'avait pas trouvé preneur.
Fallait-il que la région finance l'achat d'une telle machine ?
"Moi j'ai tiré les leçons de ce que nous venons de vivre depuis quatre mois, et donc qu'une collectivité se dote d'un stock stratégique de masques chirurgicaux pour les hôpitaux, cela me semble relever de notre responsabilité" argumente Marie-Guite Dufay. "C'est une opportunité qui nous amené à prendre cette responsabilité" ajoute-t-elle. "Si chaque région va dans ce sens-là aux côtés de l'Etat, on peut avoir une bonne couverture des besoins" complète l'élue.
On peut fabriquer des masques avec des êtres humains, pas des machines
L'achat de cette machine a fait réagir le sénateur du Territoire de Belfort Cédric Perrin. "Cela fait plusieurs semaines que dans le Territoire de Belfort, on essaie de trouver une solution pour faire perdurer l'atelier de masques mis en place au moment du pic de la crise du covid, atelier qui a embauché jusqu'à 200 couturières" explique Cédric Perrin. "Faute de commandes, nous avons du licencier ces personnes". "Aujourd'hui, Marie-Guite Dufay, achète cette machine, et derrière il y a deux opérateurs alors que nous avions jusqu'à 200 salariés pour le faire le travail avec des masques en tissu, moins cher au final car lavables" estime l'élu. Les couturières de l'atelier RKF produisaient en effet des masques en tissu homologués et lavables et réutilisables, vendus 2,45 euros pour les collectivités, 2,95 euros pour les particuliers. Maintes fois lavés, le coût de revient final d'un masque tombait à 0,06 centimes selon l'élu.
"Je suis scandalisé, avec la crise du covid certains avaient compris qu'il était nécessaire de relocaliser un certain nombre de production, et cette fabrication aurait pu se faire à Belfort" ajoute Cédric Perrin pour qui le modèle économique des coutières embauchées à Belfort aurait pu être reproduit ailleurs dans la région. "Les 200 couturières sont aujourd'hui au chômage... Ne pas utiliser les ressources locales, est un scandale" dénonce le sénateur de droite.
Ne pas confondre masques chirurgicaux et masques en tissu
L'attaque politique s'entend, mais Cédric Perrin parle de masques en tissus, qui ne sont pas homologués dans les hôpitaux, rétorque Marie-Guite Dufay. La région a entamé une réflexion pour venir en aide à ces entreprises comme RKF qui ont du mal à écouler leur production et pour qui le marché, pour l'instant, n'apporte pas de nouvelles commandes en perspective. L'annonce d'Emmanuel Macron de rendre obligatoire les masques en tissus dans les lieux clos à partir du 1er août changera-t-il la donne ?
Avec sa machine à fabriquer des masques en tissu, la région Bourgogne-Franche-Comté espère aussi décrocher l'implantation d'une unité de production de meltblown, cette matière intissé présente dans les masques chirurgicaux. OMV Systems cherche selon Marie-Guite Dufay à se lancer dans la production en France.