69 ans après, Oradour attend le président allemand pour l'Histoire. Interview exclusive de Joachim Gauck

Près de 70 ans ans après le massacre de 642 habitants d'Oradour-sur-Glane, la pire atrocité nazie en France occupée, le village martyr accueille mercredi les présidents Hollande et Gauck, pour la première visite d'un dirigeant allemand sur le site, un symbole historique de réconciliation.

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Rendez-vous mercredi à 14h sur alsace.france3.fr pour une émission spéciale à l'occasion de cette visite présidentielle à Oradour-sur-Glane

Interview réalisée par Pascal Coussy - Rodolphe Augier





  Au deuxième jour de la visite d'Etat en France de M. Gauck, les deux chefs d'Etat vont parcourir à pied le village fantôme où le 10 juin 1944, 642 personnes, dont 205 enfants, furent tuées par une unité de la Division SS "Das Reich", qui remontait vers le front de Normandie. Seuls, avec leurs conjointes un peu en arrière, MM. Hollande et Gauck arpenteront les ruines d'Oradour: le champ de foire, où la population fut rassemblée avant les exécutions méthodiques; l'église, où femmes et enfants furent regroupés et brûlés, les hommes étant abattus en divers endroits du village. La visite d'une heure et demie, dans l'après-midi, s'achèvera par des allocutions au Centre de Mémoire, inauguré en 1999 à proximité des ruines classées monument historique en 1946.

Visuelle, empreinte de recueillement et d'émotion, la visite devrait fortement évoquer la poignée de main de François Mitterrand et Helmut Kohl en 1984 à Douaumont, près de Verdun, l'un des gestes majeurs de décennies de réconciliation franco-allemande. Cette visite représentera "une sorte de clôture de l'année franco-allemande", qui marquait le cinquantenaire du traité de l'Elysée signé entre le président Charles de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer, souligne-t-on dans l'entourage de la présidence française.

Autre symbole fort à Oradour, Robert Hébras et Jean-Marcel Darthout, deux des trois survivants (sur six à l'époque) du massacre de 1944, accompagneront M. Gauck dans sa visite. M. Hébras, 88 ans, et 19 à l'époque, a survécu sous les corps de camarades fauchés par la mitrailleuse, et a pu s'extraire du tas de cadavres embrasé par les SS. Pour lui, longtemps "habité par la haine et la vengeance", la visite de M. Gauck est "extrêmement importante" et tombe au bon moment. "Avant, ça aurait été trop tôt".

"Comme Mitterrand-Kohl à Verdun"

La semaine dernière, M. Hollande a rappelé le puissant symbole de la venue de M. Gauck à Oradour "pour porter le message, le seul qui vaille: ne rien oublier et être capable, en même temps, de construire l'avenir ensemble. Ce sera une nouvelle démonstration de ce qu'est la force de cette amitié" franco-allemande. Son entourage souligne que la visite s'inscrit dans un "travail permanent de mémoire", qui se poursuivra en 2014 avec le centenaire du début de la Grande Guerre. A la présidence allemande, on souligne la gratitude de M. Gauck "d'avoir la possibilité à Oradour de parler avec des survivants et des parents de victimes assassinées".

On rappelle qu'après des années de refus de la part des proches de martyrs d'accepter la présence d'hommes politiques allemands à une commémoration à Oradour, "c'est un grand geste qu'ils acceptent désormais une visite". M. Gauck, qui s'est déjà rendu sur des sites de massacres nazis, en octobre 2012 à Lidice près de Prague, puis en mars 2013 en Toscane, à Sant'Anna di Stazzema, utilise sa fonction pour demander à travers l'Europe le pardon pour les fautes de l'Allemagne nazie. A Oradour, sa venue est perçue comme "l'aboutissement d'un très long travail de fond", estime Richard Jezierski, directeur du Centre de la Mémoire d'Oradour. Un "symbole extrêmement fort", pour le maire Raymond Frugier, même s'il concède que la visite pourra être "diversement appréciée" localement. 

En Alsace aussi, la visite de mercredi résonnera chez les survivants de "Malgré nous"

Ces Alsaciens enrôlés de force dans l'armée hitlérienne, dont 13 dans l'unité SS d'Oradour. René Gall, président délégué de l'Association des évadés et incorporés de force (ADEIF), espère que M. Gauck "interviendra pour rétablir la vérité sur les Malgré Nous", reconnaître solennellement leur drame, et "qu'il fera quelque chose" pour eux.
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