Dans moins d'un mois commence le 25e Festival International de l'Affiche et du Graphisme à Chaumont. C'est l'occasion de découvrir les 2 affiches officielles du festival, elles sont signées Loulou Picasso, une référence dans le graphisme français.
L'artiste, Loulou Picasso, a choisi de récupérer et retravailler deux images des Jeux Olympiques de Sotchi. Une athlète russe gagnante et une biélorusse perdante.
>> Né Jean-Louis Dupré, Loulou Picasso se forme un pseudonyme aux Beaux-Arts de Paris aux côtés de Christian Chapiron, Olivia Clavel et Bernard Vidal rebaptisés Kiki Picasso, Electric Clito et Bananar. En 1974 ils créent le groupe Bazooka Production avec Lulu Larsen, Jean Rouzaud et Ti5 dur.
Formé à l’académie des artistes et des peintres, le groupe sort rapidement son travail du cadre pour le placer dans les espaces d’expressions publics et médiatiques. Leur intervention possède un caractère actif qui les situe en plein sur le territoire des graphistes et de la culture pop.
Titrées Bazooka Production, Loukhoum Breton, Bien dégagé autour des oreilles, Activité sexuelle normale et sept numéros d’un Bulletin Périodique, leurs premières autopublications témoignent d’une pratique de l’image sans complexe. Quel que soit leur statut initial, des images sont récupérées, détournées, reproduites, collées ou coupées dans un grand détournement. Bazooka subvertit un monde qui dissimule sa perte de sens derrière une esthétique officielle et souriante.
Une étape supplémentaire est franchie en 1976. À la demande de Serge July, ce sont directement les pages de Libération qui reçoivent, chaque soir avant l’impression, un traitement vigoureux et implacable. Maquette explosée, articles commentés dans les marges, Bazooka n’aura pas plus de respect pour la main qui le nourrit. Le groupe impose une « dictature graphique » pour imposer la légitimité virulente et la portée d’une critique par l’image.
En 1978, Libé calme le jeu en confinant la contestation de Bazooka dans le mensuel Un regard Moderne. La revue porte bien son nom et résonne avec une image signée Kiki et Loulou Picasso dans Les Animaux malades /1 : « Mon papi s’appelle art moderne mais je ferai mieux que lui ». Derrière leurs explosions à multiples fragmentations, les membres de Bazooka révèlent une maîtrise de l’image impressionnante aussi bien dans son versant artistique que dans ses avatars médiatiques et publicitaires. De la propagande constructiviste à Equipo Cronica et Publicis, ils basculent la Figuration critique vers la Figuration Libre. La modernité, cette utopie du XXe siècle, ne consistait-elle pas à poser une qualité de regard entre l’homme et le monde ?
Bazooka est le fils prodigue d’une romance visuelle incestueuse. Bazooka a fréquenté Actuel, Hara-Kiri et les jeunesses communistes. Bazooka est un des plus grands groupes punks dans un pays où la contre-culture fut inventée et portée par bien peu. Ses membres ont travaillé avec les labels Skydog et Sordide Sentimental.
Loulou a signé la préface du livre d’Elli Medeiros publié par Futuropolis, la maison d’édition d’Etienne Robial et Florence Cestac.
Après la dissolution du collectif en 1980, Loulou publie Silence et Agréable chez Futuro. Il y développe un langage plastique singulier, déjà présent dans le foisonnement visuel de Bazooka. Celui qui fut le graphiste du groupe en est également le peintre. Son noir et blanc soigné fait merveille pour passer à la question les images du monde qu’il fixe par le pinceau avant d’insuffler ces situations dans d’autres canaux de diffusion : expositions, affiches, collaborations avec Agnès B. ou Jean-Charles de Castelbajac … La peinture agit comme un révélateur de la photographie, source principale de son iconographie. Loulou sélectionne et arrête des images parmi le flux incessant produit par la photographie des médias ou des amateurs. Le résultat marque par une belle ambivalence. La provocation nue côtoie la fragilité de l’enfance.
En 2002, Loulou Picasso anime unregardmoderne.com. À l’accélération 2.0 de l’information et des médias, il oppose jusqu’en 2007 un site quotidien d’actualité qui traque, détourne et mine les images de l’actualité officielle. Là encore la question du regard est centrale : savoir qui produit, diffuse et utilise les images, pouvoir (re)connaître le point de vue (im)posé. En 2010, Kiki et Loulou publient Engin Explosif Improvisé. Une occasion d’images-réactions, de regards croisés et combinés : Loulou à la peinture, Kiki au dessin. Au final, le travail de Loulou Picasso seul ou avec les membres de Bazooka ne cesse d’affirmer le caractère essentiel des images actrices contre les images témoins, la responsabilité de ceux qui les créent ou qui les manipulent. L’image n’est ni objective ni neutre, elle est libre ou contrainte.
(Source : Festival International de l'Affiche et du Graphisme)