Nouvelle manifestation aujourd'hui, à Mulhouse, des opposants à la fusion de l'Alsace avec la Lorraine et la Champagne-Ardenne. Un rassemblement à l'appel du parti autonomiste "Unser Land". Ils seraient près de 1 300 selon la police, 4 000 à 5 000 selon les organisateurs. Mais qui sont-ils vraiment?
La nouvelle carte des régions, qui doit revenir lundi à l'Assemblée nationale, ne "passe" toujours pas en Alsace.
En ce moment même, à Mulhouse, les opposants à la fusion manifestent leur colère avec un slogan "Non à l'annexion de l'Alsace". Les manifestants sont partis du square de la Bourse pour rejoindre la sous-préfecture.
Ils seraient près de 1 300 selon la police, 4 000 à 5 000 selon les organisateurs.
Une manifestation à l'appel du parti autonomiste "Unser Land" rejointe par les motards alsaciens, venus de Colmar en formant un cortège sur l'A35.
Mais qui sont ceux qui se mobilisent depuis des semaines maintenant? Eléments de réponse dans ce reportage.
Énième manifestation
Ils étaient déjà 7.000 à 15.000 à manifester à Strasbourg le 11 octobre, avant l'examen du projet au Parlement, puis près de 2.000 le 23 novembre, alors que l'Assemblée venait pourtant de valider le principe d'un mariage à trois entre l'Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardenne. Une semaine plus tard, ils étaient encore 1.500 à 4.000 à défiler à Colmar, bravant le froid.
Sur Facebook, plus de 18.000 personnes ont "liké" la page du mouvement "Non à la fusion".
"Plus que jamais" mobilisée, Andrée Munchenbach, présidente du petit parti autonomiste "Unser Land" et fer de lance des récentes manifestations, espère "que la détermination qui s'exprime ici va faire réfléchir à Paris".
Nulle part ailleurs en France, cette réforme ne donne encore lieu à autant de protestations - à part en Loire-Atlantique où 13.000 à 30.000 personnes avaient
manifesté en septembre à Nantes pour demander à être rattachés à la Bretagne.
"Chez nous, il y a un enjeu culturel et linguistique très fort, des spécificités qui vont se diluer et disparaître avec cette réforme", affirme Mme Munchenbach. Et de remarquer que "les Corses, eux, on les a laissés tranquilles", puisque la réforme ne prévoit pas de les "marier" à une autre région.
Ce débat a "réveillé" un vieux sentiment dans la population, qui consiste à dire "on ne nous aime pas, personne ne nous comprend", analyse de son côté le maire (PS) de Strasbourg Roland Ries. "C'est le vieux fond autonomiste alsacien, celui de l'Entre-deux-guerres", ajoute l'édile, qui avait promu, en vain, un mariage Alsace-Lorraine. Mais pour lui, les choses vont trop loin: "Sur des pancartes dans les manifestations, je suis accusé de participer au <génocide alsacien>!".
Drapeaux et coiffes
Pour le politologue strasbourgeois, Philippe Breton, les milieux autonomistes alsaciens, s'ils "réussissent à mettre beaucoup de monde dans la rue", restent "très minoritaires". Pour autant, selon lui, "les manifestants ne se font pas d'illusions, ils savent bien que le gouvernement ne reculera pas".
Depuis des semaines, ce mouvement d'humeur a eu d'autant plus d'écho qu'il a été rejoint par une bonne partie de la classe politique locale. A l'Assemblée, les députés alsaciens UMP ont déployé une banderole "Ne tuez pas l'Alsace". En guise de lot de consolation, un amendement consacre Strasbourg, à titre dérogatoire, comme chef-lieu de la future grande région, au grand dam des élus lorrains, champenois et ardennais.
En Alsace, la mobilisation a aussi pris la forme d'initiatives surprenantes, comme ces drapeaux alsaciens rouges et blancs accrochés à des monuments, ou la résurgence des coiffes traditionnelles, arborées par une poignée de militantes mobilisées via les réseaux sociaux.
Jeudi à Colmar, tous les élus de la majorité UMP du conseil général du Haut-Rhin se sont symboliquement baillonnés en séance pour dénoncer "le mépris de l'Etat jacobin" envers les Alsaciens.
Nicolas Sarkozy a misé sur leur ressentiment en promettant, le 19 novembre, lors d'une réunion publique à Mulhouse, que si l'UMP revenait au pouvoir en 2017, elle allait "défaire" la nouvelle carte des régions. Une volonté qui risque cependant de se heurter aux réalités du calendrier, observe le président (UMP) de l'actuelle région Alsace, l'ancien ministre Philippe Richert:
"Les conseils régionaux seront élus fin 2015 dans leur nouveau périmètre, on ne pourra donc rien changer avant 2021 ou 2022".
Pour le député (PS) strasbourgeois Philippe Bies, "la persévérance (des opposants) ne doit pas confiner à l'aveuglement, car la loi ne changera pas".
"Il faut désormais passer à l'étape suivante, commencer à s'adapter, regarder comment on va travailler ensemble", souligne-t-il, convaincu qu'avec ce débat les élus alsaciens ont "exaspéré" nombre de leurs collègues d'autres régions, "qu'ils soient de droite ou de gauche".