La Collectivité européenne d'Alsace (CEA) fait partie des 49 territoires où sont expérimentés les dispositifs d'accompagnement à l'emploi lancés par l'Etat en marge de la loi pour le plein-emploi de 2023. Mais les jeunes de moins de 30 ans concernés manquent d'informations.
Il y avait deux mondes qui se côtoyaient ce mardi 26 novembre à l'Hôtel d'Alsace à Strasbourg. D'un côté, les acteurs institutionnels locaux, la Collectivité européenne d'Alsace (CEA), France Travail ou encore la Caisse d'allocations familiales (CAF), des "partenaires" qui se remercient entre eux pour le pilotage et l'organisation d'une expérimentation d'accompagnement renforcé des bénéficiaires du RSA de moins de 30 ans, tour à tour "heureux" ou "fiers" de faire avancer l'insertion professionnelle sur le territoire.
De l'autre, les dits bénéficiaires du RSA, avant tout présents pour recueillir le plus d'informations possibles sur leur situation alors que se profilent des changements considérables en 2025. "Je ne sais pas comment on va faire, ils nous demandent à tous les deux de travailler pour continuer à avoir le RSA sauf qu'on a un enfant : on n'a pas de moyen de le faire garder", confient Maiwenn Huss et Mohcen Chouia, âgés de 26 et 27 ans.
Le jeune couple fait référence à la disposition phare de la loi pour le plein-emploi, qui impose aux bénéficiaires de signer un contrat d'engagement comportant une obligation d'effectuer au moins 15 heures d'activité par semaine. Et c'est bien cette mesure qui était sur toutes les lèvres chez les bénéficiaires ce mardi, alors qu'elle doit être appliquée dès le mois de janvier 2025.
Une adaptation "au cas par cas"
Santia a 28 ans, elle est en recherche d'emploi dans le secteur du BTP depuis trois ans. Armée de son calepin, de ses documents RSA, et de plusieurs brochures, elle passe de stand en stand pour se renseigner pour d'éventuelles opportunités de stages, de formation, voire d'emploi. "J'ai l'impression que je dois faire vite pour trouver quelque chose car il y a cette menace de ne plus avoir de RSA si on ne fait pas les 15 heures, souffle-t-elle entre deux stands. Je trouve ça dommage, je n'ai pas envie de sortir du circuit du chômage pour y retourner quelques mois plus tard, j'ai l'impression de devoir me précipiter quitte à prendre un emploi qui ne convient pas." Aichan Kazimova, 29 ans, regrette de son côté de ne pas savoir "à qui s'adresser". "Je connais le droit en général, mais je ne sais pas où aller, à qui parler, et les démarches en général. Sur Internet, on trouve tout et son contraire."
Santia, Maiwenn, Mohcen et Aichan seront en partie rassurés après leurs échanges avec les représentants de la CAF ou de la CEA ce vendredi. "Il faut d'abord que vous preniez rendez-vous avec un conseiller, votre cas sera examiné et on s'adaptera au cas par cas, qu'il s'agisse de la garde d'enfants ou d'autres obstacles à la reprise du travail", leur a-t-on indiqué.
Le "cas par cas" sera possible grâce à l'expérimentation pilotée par France Travail en Alsace autour de l'accompagnement des bénéficiaires, notamment auprès de 800 jeunes de moins de 30 ans sans référent à l'heure actuelle. Le Bas-Rhin et le Haut-Rhin font partie des 49 territoires pilotes en France, censée préfigurer l'application de la loi à l'ensemble du pays. Chaque référent aura un portefeuille de 50 personnes à accompagner seulement, là où les agents s'occupent généralement de plusieurs centaines de personnes à la fois.
On a constaté beaucoup de confusion autour de ces quinze heures. Elles ne renvoient pas nécessairement à un emploi.
Un cadre de la CEA
Symbole du déficit d'informations dont souffrent les bénéficiaires, et de la nécessité d'un accompagnement sur-mesure : toutes les personnes que nous avons interrogées étaient convaincues que les 15 heures d'activité exigées par la nouvelle loi correspondaient à 15 heures de travail salarié. "On a constaté beaucoup de confusion autour de ces quinze heures. Elles ne renvoient pas nécessairement à un emploi. Ça peut aussi comprendre des heures de formation, de coaching, de l'insertion sociale", explique un cadre de la CEA.
Des sanctions prévues en cas de non-respect du contrat
Par exemple, les bénéficiaires pour lesquels il sera jugé nécessaire un accompagnement psychologique précis devront être assidus aux ateliers qui leur seront proposés. Les personnes éloignées de l'emploi présentent en effet souvent un déficit de confiance en soi, préjudiciable vis-à-vis de potentiels employeurs. Ces heures seraient alors comprises dans les 15 exigées pour continuer à percevoir le RSA. Pour les personnes en situation de handicap ou celles et ceux n'ayant pas de solution de garde d'enfants, "l'accompagnement sera adapté" tout comme le nombre d'heures d'activité demandées.
En cas de non-respect du contrat, des sanctions sont prévues : une radiation pour les demandeurs d'emploi, une suspension, voire une suppression de l'allocation pour les bénéficiaires du RSA. Même si les bénéficiaires présents ce vendredi à l'Hôtel d'Alsace sont généralement repartis plus rassurés, leur appréhension initiale n'était pas non plus dénuée de fondement.
L'objectif de la loi pour le plein-emploi a pour objectif un taux de chômage à 5% d'ici 2027. Il est aujourd'hui à 7,3% en France, de 6,4% dans le Bas-Rhin et de 7,2% dans le Haut-Rhin. En Alsace, le nombre de foyers allocataires du RSA a baissé de près de 7 000 en trois ans, dont 60% dans le cadre d'un retour à l'emploi.