Disparition des garages indépendants : des voitures de plus en plus complexes et un secteur en tension, "je continue pour mes clients"

Où aller faire réparer sa voiture ou encore réaliser l’entretien ? Les automobilistes ont de plus en plus de difficultés à trouver un garagiste indépendant près de chez eux. En effet, ils ferment les uns après les autres, faute de repreneur. Un phénomène multifactoriel.

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"J'ai ce garage depuis le 1er juin 1990, donc bientôt 35 ans. Et il faut que je pense à m'arrêter." Les mains dans le moteur de la Citroën C5 d'un de ses clients fidèles, Amand Strauel pourrait être à la retraite depuis plusieurs années. Sur la route principale de la petite commune d'Eckbolsheim, le rideau de son garage est descendu, mais le garagiste poursuit son travail, inlassablement. "Je continue pour mes clients parce que j'en ai plein qui viennent depuis plus de 30 ans. Ils m'ont soutenu et aujourd'hui, c'est à moi de leur rendre la pareille. Beaucoup de gens me disent : "Je vais où après ?"

Ce garagiste indépendant a commencé à réparer des voitures alors qu'il avait 14 ans, il y a plus d'un demi-siècle, et jusqu'à récemment, il n'avait encore jamais envisagé de vendre son garage, son "bébé". Mais aujourd'hui, "ça fait beaucoup, et à un moment donné il faut dire stop. J'ai un acheteur qui est intéressé depuis plus d'un an, mais il faut qu'il patiente. Pour moi ce sera la fin d'une grande période. C'est quand même une vie de travail, c'est plus de la moitié de ma vie qui est ici."

Si l'artisan est un peu triste de voir sa vie professionnelle toucher à sa fin, l'évolution du métier lui laisse peu de nostalgie : "Je ne regrette pas d'être en fin de carrière parce que l'automobile a énormément changé, ce n'est plus l'automobile que ma génération a connue. Les nouvelles technologies, et leur transformation ultra-rapide, ne lui semblent augurer rien de bon pour le métier. "Le problème c'est l'électronique qui prend de plus en plus d'ampleur. Pour réparer ces voitures, ça devient très très complexe."

De moins en moins d'indépendants

"Je pense qu'il y aura de moins en moins de garagistes indépendants" ajoute le professionnel. "Déjà, on ne répare plus comme on réparait à l'époque. Un moteur, quand il y a un souci, on ne le répare plus. On le sort et on le change. À la rigueur, certains petits vont réparer. Mais les grandes concessions ne le font plus. Elles remplacent."

Selon Amand Strauel, la disparition progressive des garagistes indépendants a tendance à pousser la clientèle vers la location longue durée : "Il y a beaucoup de gens qui achètent en LDD, ils ont la garantie, l'entretien et s'ils ont une intervention importante à faire, on leur prête une voiture.

Trouver la bonne personne, au bon moment, au bon endroit.

Nicolas Mougin

En charge des transmissions d'entreprises à la Chambre des Métiers d'Alsace

En Alsace, on comptabilise 3 121 garages (1 239 entreprises dans le Haut-Rhin et 1 882 dans le Bas-Rhin). Amand Strauel est chanceux d'avoir un acheteur car dans ce secteur d'activité, de nombreux garages ferment faute de repreneur.

Un phénomène dont s'est emparée la Chambre des métiers d'Alsace (CMA) pour y apporter des solutions. Elle met en relation les artisans vendeurs et les candidats potentiels. Une mission difficile car elle doit cocher de nombreuses cases pour aboutir selon Nicolas Mougin, en charge des transmissions d'entreprises à la CMA : "La difficulté, quand on veut vendre son entreprise, c'est de trouver le ou la successeur(e). Si je prends un exemple, vous voulez vendre votre petit garage de la vallée de Schirmeck, à 50 kilomètres de Strasbourg, alors il vous faut trouver quelqu'un qui a vos compétences, qui ait envie de reprendre, qui plus est dans la vallée de Schirmeck, et qui a les moyens financiers pour convaincre un banquier. Donc cela fait beaucoup de critères pour trouver cette bonne personne, au bon moment, au bon endroit".

La reprise, garantie de succès

Nicolas Mougin suit en permanence quelque 200 entreprises en recherche d'un repreneur dans le Bas-Rhin. Il souligne que la difficulté à trouver un successeur est assez paradoxale quand on connaît les avantages à reprendre plutôt qu'à créer : "Selon les chiffres du réseau Altarès de l'an dernier, on note un taux de survie à 92% quand vous reprenez une entreprise à trois ans. Quand vous créez une entreprise, vous partez d'une feuille blanche alors que quand vous reprenez une entreprise, vous montez dans un train en marche. Il faut remplacer le dirigeant mais la structure est là, les salariés sont là, le nom est déjà connu."

Selon lui, les créateurs d'entreprises sont unanimes : "Ils vous diront tous que les cinq ou dix premières années, c'est très difficile de se faire un nom et de se faire une place. Et puis, il n'y a pas d'école pour devenir chef d'entreprise, donc l'école du terrain c'est parfois très difficile." Alors qu'en cas de reprise, les successeurs sont le plus souvent accompagnés par leurs vendeurs.

Rejoindre un réseau

C'est exactement ce que dit Yannick Lewi, à Bernardswiller (Bas-Rhin). Le garagiste a créé son entreprise en 2015. "Les premières années, c'est très dur. Les heures, se diversifier entre mécanicien, gestionnaire, patron parce que maintenant j'ai six employés à gérer". Face aux multiples difficultés, l'entrepreneur a fait le choix de rejoindre un réseau. AD auto s'est développé en multipliant les services aux garagistes : "Cela me permet d'avoir une notoriété. On est vraiment accompagnés, il y a les logiciels de gestion, de management. On a la hot line quand on ne trouve pas l'origine d'une panne. On nous guide du début à la fin. Je me sens en sécurité."

Dans ce secteur d'activité, le réseau AD est leader en Alsace. "On a une quinzaine de réparateurs garagistes et une vingtaine de carrossiers" détaille Philippe Speisser d'AD auto également PDG d'Alsace électro diesel. "Clairement, les garagistes ont besoin d'être attachés à un réseau parce que les métiers deviennent de plus en plus complexes." Il constate une évolution du métier très rapide ses vingt dernières années, "c'est pour ça que notre réseau se développe rapidement", en particulier en raison du besoin de formation des clients "pour rester à la page" : "Les motorisations sont de plus en plus complexes : un véhicule peut être diesel, essence, électrique, hybride. Essence-électrique, diesel-électrique, bientôt l'hydrogène. Face à tout ça, il faut aujourd'hui se former."

Formation initiale

Qu'en pensent les mécaniciens et réparateurs en formation ? Au lycée et UFA Emile Mathis de Schiltigheim (Bas-Rhin), le centre de référence dans le Bas-Rhin, 500  jeunes se forment au métier de l'automobile chaque année. Des effectifs stables, voire en hausse, signe que la profession attire toujours. "Depuis cinq ans, nos effectifs sont en augmentation. Les métiers de l'automobile intéressent les jeunes. La voiture, ça continue de faire rêver" témoigne Raphaël Papet, le directeur délégué de l'UFA .

Le lycée et UFA Emile Mathis forment 500 jeunes aux métiers de l'automobile chaque année. © Jérôme Gosset, France Télévisions

Des formations très recherchées par les professionnels : "Nos apprentis se voient souvent proposer une poursuite." Et les employeurs cherchent de bons mécanos : "Même si les grands groupes sont coincés par leur grille de rémunération, les petits garagistes cherchent de bons jeunes, sur qui ils peuvent s'appuyer et ils sont prêts à bien les payer, jusqu'à 2 500 ou 2 700 euros s'ils sont bons". 

L'établissement réalise des sondages pour savoir ce que deviennent les jeunes quelques années après leur formation et les chiffres sont surprenants : "Cinq ans après, plus que 30% de nos jeunes sont dans les métiers de la maintenance automobile." Les raisons en sont multiples selon le responsable : "Parce que c'est dur, parce qu'ils peuvent évoluer dans un groupe, un mécanicien peut devenir vendeur ou chef d'équipe, travailler dans les bureaux ou faire autre chose. On n'est plus sur cette génération de personnes qui faisaient le même travail du début à la fin de sa carrière.

Difficulté à recruter les mécaniciens auto, à les fidéliser. Autant de freins supplémentaires dans la recherche d'un repreneur. Pourtant, la demande n'est pas prête de diminuer. Selon Philippe Speisser, d'AD Auto, les besoins en réparation vont s'accentuer : "Le parc [automobile, ndlr] vieillit énormément. Comme les véhicules électriques restent chers, les ménages moyens gardent leurs véhicules plus longtemps et font l'entretien. Il y a 5 ans, le parc avait 6 ans en moyenne, aujourd'hui, il a 11,5 ans." Les réparateurs compétents et motivés risquent d'être de plus en plus recherchés.

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