Insolite : les deux seuls orchestres de flûtes à bec de France se produisent ensemble en concert en Alsace, une première nationale

C'est une première nationale : les deux seuls orchestres de flûtes à bec français, celui de Strasbourg et celui de Nantes, vont se rencontrer cette semaine en Alsace. Pour des répétitions communes, qui culmineront par deux concerts, les 16 et 17 juillet.

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Les orchestres de flûtes à bec font partie du paysage musical de nombreux pays germaniques (Allemagne, Autriche) et anglo-saxons, ainsi qu'au Japon. Mais en France, la palette sonore offerte par cet instrument à vent, en bois, reste largement méconnue.

Seuls deux orchestres de flûtes à bec existent dans l'hexagone : l'Orchestre de flûtes à bec de l'Est, créé en 2014 à Strasbourg, et l'ARO (Atlantic Recorder Orchestra) de Nantes, né en 2019. Et pour la première fois, ces deux formations musicales insolites vont se rencontrer.

Les flûtistes de l'ARO se rendront en Alsace durant ce long week-end du 14 juillet. Au programme : une belle aventure humaine, faite de rencontres et d'échanges, mais surtout des répétitions en commun, qui déboucheront sur deux concerts en fin de semaine. Une occasion unique, pour le public alsacien, de découvrir les sonorités mêlées de plus de 50 flûtes de toutes les tailles qui, ensemble, couvrent six octaves. Autant qu'un orchestre symphonique.

Une grande variété de tailles et de sons

"Vous avez dit flûte à bec ? Ce pipeau que les enfants jouent à l'école ?" En France, le nom de l'instrument évoque immédiatement la flûte soprano, d'une quarantaine de centimètres, enseignée en primaire... et rapidement abandonné. Au grand soulagement des parents, souvent agacés par le son strident produit par leur progéniture.

Mais derrière cette banalité apparente se cache un univers musical d'une infinie richesse. Car de la plus aiguë, la sopranino de 15 cm, à la plus grave, l'immense sous-contrebasse de 3,50 mètres, les flûtes à bec offrent une très grande diversité de timbres et de couleurs sonores. Et permettent d'interpréter un répertoire extrêmement varié, médiéval, classique, folk comme contemporain.

Les très grandes basses de format carré. © Joëlle Kuhne

En outre, ces dernières décennies, la forme des flûtes en bois a énormément évolué. A côté du traditionnel tube circulaire, on trouve aussi des instruments coudés, qui facilitent le jeu pour les petites mains. Et même des grandes flûtes en forme de tuyau carré, au corps anguleux, mais à la sonorité ronde et chaude.

L'instrument où tu donnes ton souffle

Joëlle Kuhne, membre de l'orchestre de Strasbourg, explique son attachement viscéral à cet instrument : "C'est un bout de bois, un truc avec des trous. Petit, tu peux le mettre dans ta poche, et l'emmener où tu veux. De facture simple, il permet énormément de choses : jouer avec son souffle, avec ses mains, avec tout son corps."

Instrument à vent comme tant d'autres, la flûte à bec cultive sa spécificité. "Pour l'orgue, c'est toute une mécanique qui produit le son" et envoie l'air dans les tuyaux. "Alors qu'avec la flûte, c'est le flûtiste qui donne son air, son énergie." 

Avec la flûte, c'est le flûtiste qui donne son air, son souffle, son énergie.

Joëlle Kuhne

Sa cousine de métal, la flûte traversière, jouée à l'horizontale, "a un côté décalé." Mais, rappelle Joëlle Kuhne, "la flûte à bec, tu l'as vraiment devant toi. Elle intègre le corps entier, le souffle naturel." Ce qui peut expliquer que ce soit "un instrument si ancien et si répandu. Un instrument fédérateur, qui rassemble tout le monde."

Une même passion à 900 km de distance

Certaines écoles de musique l'enseignent. Et, de-ci de-là, des flûtistes s'investissent dans de petits ensembles. Mais pour voir naître le premier orchestre français de flûtes à bec, à Strasbourg, fin 2014, il a fallu la conviction sans failles de Christophe Formery, spécialiste en musique ancienne et contemporaine, qui enseigne cet instrument dans le Bas-Rhin.

L'orchestre de flûtes à bec de l'Est, en concert. © Dominique Mamet

"On m’a dit que j’étais un petit peu cinglé, que c'était un projet un peu fou" se souvient-il. Mais ce projet s'apparentait à une évidence. "La flûte, c'est mon instrument" résume-t-il sobrement. "On pense que c'est juste un outil pédagogique, mais c'est un instrument à part entière. Très ancien et très neuf, avec de nouvelles formes étonnantes qui se renouvellent en permanence."

L'information a été diffusée "auprès des écoles de musique du Bas-Rhin et du Haut-Rhin", les premiers volontaires se sont rapidement manifestés, et le bouche à oreille a fait le reste. Depuis, et malgré une pause due à la crise sanitaire, l'orchestre strasbourgeois réunit une bonne vingtaine de convaincus, dont certains viennent de loin. Ils répètent un week-end par mois, et se produisent deux à trois fois l'an.

On m'a dit que j'étais un petit peu cinglé, que c'était un projet un peu fou.

Christophe Formery

A 900 km de là, en Loire Atlantique, un autre passionné, Frédéric Jubault, a créé dès 1983 la classe de flûte à bec du conservatoire de Nantes, et enseigne aujourd'hui cet instrument dans une école de musique de la commune d'Orvault.

Lui aussi avait "envie de se lancer" dans la création d'un grand ensemble pérenne. En 2019, puis début 2020, des stages d'élèves ont servi de déclencheur. "En février 2020, j'ai annoncé mon envie de créer un orchestre" raconte-t-il.

Les membres de l'ARO à Nantes. © Joëlle Kuhne

Malgré le confinement survenu juste après, il a "lancé les inscriptions en avril, et au bout d'un mois, il y avait presque 40 inscrits" venant de l'agglomération nantaise, de Rennes, la Roche sur Yon, Saint Nazaire, Brest et Paris. Dont quelques anciens élèves de Frédéric Jubault, "d'un niveau amateur très élevé", conquis par le projet. Comme beaucoup viennent de loin, l'orchestre répète aussi "un week-end par mois, environ."

En deux petites années d'existence, il a déjà donné plusieurs concerts. Quelques vidéos permettent d'en écouter des extraits.

Une belle rencontre

Les deux orchestres auraient pu coexister quelques années sans rien savoir l'un de l'autre. N'était l'intervention de la Strasbourgeoise Claire Secordel, flûtière (c’est-à-dire créatrice et réparatrice de flûtes à bec). En faisant la connaissance de Frédéric Jubault lors d'un salon de flûtes à bec à Stockstadt (Bavière), elle lui a parlé de Christophe Formery.

Et ce qui devait arriver, arriva. "Christophe et moi, on a senti dès le premier coup de fil qu'on était contents de s'être trouvés" reconnaît Frédéric Jubault. "On était chacun d'un côté de la France, avec la même passion pour le même instrument." - “On était tout de suite sur la même longueur d'ondes" confirme son alter ego. "Et on s'est dit : Allez hop, on y va."

On était chacun d'un côté de la France, avec la même passion pour le même instrument. Et on a senti qu'on était contents de s'être trouvés.

Frédéric Jubault

La suite, c'est Joëlle Kuhne, compagne de Christophe Formery, qui la raconte : "En septembre 2021, on a pris notre petite voiture et on est allés à Nantes. En voyant Fred, on a tout de suite accroché. On a rencontré l'orchestre, on les a invités en Alsace. Et ils ont tous dit oui."

Frédéric Jubault et Christophe Formery lors de leur première rencontre. © Joëlle Kuhne

L'adhésion immédiate de ses troupes n'a pas étonné Frédéric Jubault : "C'était toute une aventure, on allait partir ensemble, dans une très belle région, l'Alsace, pour organiser des concerts. Cette idée emballait tout le monde."

Ce long week-end du 14 juillet

Le grand moment approche donc à grands pas. Avec un peu de fébrilité de part et d'autre, car chacun des deux orchestres se demande s'il "sera à la hauteur." Les Nantais arriveront le soir du 14 juillet, et logeront au couvent de Reinacker, un centre de rencontres à Reutenbourg, près de Marmoutier, où se dérouleront aussi les répétitions communes.

Les deux concerts sont prévus samedi 16 juillet à 17h en l'église Saint-Pierre-le-Vieux, rue du 22 Novembre, à Strasbourg, et dimanche 17 juillet à 17h en l'église de Wangenbourg. Chaque orchestre jouera quelques pièces de son propre répertoire. Et les pièces communes seront interprétées à près de soixante instruments.

Si tout se déroule comme prévu, les deux orchestres prévoient déjà de remettre ça dès l'été 2023, pour une seconde rencontre. Mais cette fois au bord de l'océan Atlantique.

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