Avec 35 000 panneaux photovoltaïques, répartis sur l'équivalent de deux terrains de foot, le nouveau parc solaire flottant produira la consommation annuelle de 7 250 foyers (hors chauffage). Il est à ce jour le plus grand d'Alsace.
Installée sur une surface de 16 hectares, sur une ancienne gravière à Leutenheim (Bas-Rhin), dans le Nord-Est de l'Alsace, une nouvelle centrale solaire flottante a été connectée mardi 28 janvier 2025. Elle fournira l'énergie équivalente à la consommation de plus de 7 200 foyers, hors chauffage. Elle est à ce jour la plus grande d'Alsace, installations terrestres et flottantes confondues.
À l’initiative de ce projet la municipalité de Leutenheim avec un producteur indépendant d'énergie en France et dans le monde, Générale du Solaire. L'entreprise a pris en charge le développement, la construction, le financement et l’exploitation du parc solaire. À ses côtés, Ciel et Terre, entreprise lilloise, spécialisée dans les versions flottantes des parcs photovoltaïques.
Une vraie tendance
"Cette centrale produira au maximum 21 mégawatts par an, cela dépendra bien sûr toujours de l'ensoleillement", explique Christian Malye, directeur technique de Générale du Solaire. L'électricité est absorbée par le réseau EDF mais les premiers foyers à en bénéficier sont tout de même les villages autour." Simplement parce que EDF ne va pas faire venir du courant de plus loin, alors qu'une production existe à proximité.
"On se demandait ce qu'on allait faire de cette carrière, on pensait d'abord la vendre, explique le maire Marc Antonin (SE). Mais nous avons été abordés par la Générale du Solaire, intéressée par le site pour en faire une centrale photovoltaïque. Aujourd'hui, en matière d'écologie, on veut tous une énergie plus verte, donc à un moment donné il faut se décider." 21 millions de kilowatts seront produits par la centrale flottante de Leutenheim.
Les travaux préparatoires ont pris cinq ans et la construction neuf mois. À partir de ce mois de janvier 2025, la location rapportera à la commune 75 000 euros par an. "Ça nous permettra de faire des travaux, comme la rue principale dont la réfection coûte 1 million d'euros, donc le loyer versé nous permettra d'arrondir les fins d'année."
Plus fréquemment installés au sol, sur des toits de maisons, des granges, hangars, parkings ou serres, les panneaux solaires ont commencé à apparaître sur des plans d'eau il y a quelques années. Celui d'Illkirch-Graffenstaden avait fait office de test au niveau national. C'était le premier parc lacustre solaire implanté en 2018. Il comptait 135 panneaux et a servi de site d'étude pour les autres parcs notamment celui, beaucoup plus grand, qui doit voir le jour à proximité.
Avantages et inconvénients des unités flottantes
"Sur l'eau, on peut installer de plus grandes surfaces que sur un hangar par exemple", explique Christian Malye. Donc le coût ramené au kilowatt installé est inférieur. Les grandes surfaces permettent de réduire le coût des matériaux, puisqu'on en commande davantage. De plus, les panneaux solaires étant tous orientés dans le même axe, la production est plus uniforme sur la totalité de la centrale."
La centrale de Leutenheim compte 35 000 panneaux, et devient ainsi la deuxième du Grand Est, après celle de Perthe en Haute-Marne, en cours d'achèvement.
Un autre avantage des centrales flottantes tient à leur plus grand éloignement des habitations, comparé aux centrales terrestres ou de toitures.
Le plus gros inconvénient du parc solaire est lié à l'alternance jour / nuit : pas de production la nuit, mais en même temps les consommateurs sont essentiellement demandeurs le jour, et l'alternance hiver / été : en hiver la production est de 10 % par rapport à l'été. D'autant plus que sur l'eau, les panneaux sont très inclinés pour éviter la prise au vent. La production est donc encore plus faible, quand le soleil est bas à l'horizon.
Les centrales utilisent aussi des centaines, voire des milliers, de kilomètres de câbles. La plus grande est à Cestas au sud de Bordeaux. Elle est constituée d'un million de panneaux, soit 5 000 kilomètres de câbles.
Des distances de sécurité par rapport aux habitations s'imposent donc, généralement de plusieurs dizaines de mètres.
Même si les panneaux solaires n’émettent pas directement de radiations nocives, "les onduleurs et transformateurs utilisés dans les grandes centrales peuvent générer des champs électromagnétiques plus importants. C’est pourquoi ces équipements sont placés à bonne distance des zones habitées et dans des enceintes blindées", signale Axsol-France, bureau d’étude dédié aux professionnels et aux résidences pour particulier.
L'impact environnemental en question
À Leutenheim, le parc solaire est installé sur une gravière, directement en contact avec la nappe phréatique, l'eau souterraine qui alimente la population en eau potable.
"Le frottement des panneaux installés sur flotteurs va-t-il générer à terme des microbilles que l'on va retrouver dans la nappe ?" s’interroge Stéphane Giraud, directeur d'Alsace Nature. Autre point à surveiller selon lui l'impact sur la faune sauvage. "En Alsace on est une zone d'hivernage importante pour les oiseaux migrateurs. On doit donc prendre en compte cette dimension-là. On ne sait pas comment ces oiseaux vont se comporter, avec une partie de la gravière couverte. Est-ce que le site va être abandonné ou sa fréquentation continuer à la même intensité ou diminuer ?"
Les associations spécialisées dans la faune sauvage et les oiseaux se mobilisent donc pour catégoriser les gravières en fonction des risques potentiels, afin de prévenir les décideurs, avant installation des parcs solaires flottants. Elles s'engagent aussi à étudier la faune une fois les centrales installées, "pour monter collectivement en connaissances et compétences sur l'effet réel de ces panneaux."
Pour la partie développement d'un parc solaire flottant, il faut compter entre quatre et six années et pour la construction entre six et neuf mois selon les projets.