Ce 16 janvier 2025, la grande région regroupant l'Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardenne fête ses dix ans. Petit rappel d'une naissance compliquée.
La grande région regroupant l'Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardenne souffle ses dix bougies ce 16 janvier 2015. En effet, c'est ce jour-là qu'a été promulguée la loi créant les nouvelles grandes régions françaises.
Exit l'Alsace en tant qu'entité administrative. Au grand dam de la grande majorité des Alsaciens, qui craignent de perdre, dans cette nouvelle entité de 6 millions d'habitants, leur culture, leur identité et leur âme.
Deux mois avant la création de cette grande région, en octobre 2014, plusieurs milliers de personnes (10 000 selon les organisateurs, 6500 selon la police) avaient encore manifesté pour s'y opposer. Les manifestants évoquaient "une réforme inutile, qui montre que le gouvernement agit contre la population", et voulaient "défendre l'Alsace, la culture et les traditions."
"Nous avons besoin, pour nos entreprises, pour notre développement et pour la construction de notre avenir, de croire en une région dans laquelle nous pouvons nous retrouver", s'était aussi exclamé le président du Conseil régional alsacien d'alors, Philippe Richert. Et le maire de Mulhouse, Jean Rottner, avait lancé une pétition contre la grande région, qui avait rassemblé 54 000 signatures.
Mais dès ce 16 janvier 2015, il a bien fallu s'accommoder de la nouvelle donne. "Il n'y a qu'une chose à faire : se retrousser les manches pour que cette réorganisation ne se fasse pas au détriment de l'Alsace", avait conclu Philippe Richert, qui a ensuite présidé le conseil de la nouvelle grande région de 2016 à 2017, suivi jusqu'en 2023 par Jean Rottner.
D'ACAL à Grand Est
Mais le nom Grand Est n'a été attribué qu'en 2016. Au départ, la nouvelle grande région devant s'appeler ACAL ou ALCA, d'après les initiales des anciennes régions qui la composent. Assez peu poétique, et peu évocateur.
Une consultation citoyenne en ligne a alors permis aux habitants de choisir un autre nom. Parmi les propositions, "Nouvelle Austrasie" a recueilli 10,4% des suffrages, "Rhin-Champagne" 9,8% et "Acalie" 4,8%. Le "Grand Est" est sorti grand gagnant, avec 75% des voix. Une victoire écrasante somme toute très relative, quand on sait que seuls 5% des habitants de la nouvelle grande région avaient voté.
Mais depuis, tous ont dû s'y faire. Même s'ils ne savent toujours pas très bien s'ils sont désormais les "Grand-Estiens" ou les "Grand-Estois".
L'Alsace fait de la résistance
Pour les Alsaciens, tout particulièrement, la crainte de perdre leur identité régionale est restée vive. En août 2019, la fusion des deux collectivités territoriales du Bas-Rhin et du Haut-Rhin dans la CEA (Collectivité européenne d'Alsace) devait apaiser cette crainte.
La question du maintien, ou non, de la CEA dans la région Grand Est est régulièrement soulevée. En ce jour anniversaire, Frédéric Bierry, président de la CEA, a encore expliqué au micro de France 3 Alsace que son enjeu, "c'est relancer la démocratie en France. Et l'Alsace peut être l'incarnation de cela, estime-t-il, en devenant une région avec des compétences département et région, donc plus simple, plus efficace, plus proche, plus humaine, et répondant ainsi à la volonté et l'attente des Alsaciens."
Dedans ou dehors
L'actuel président du Grand Est, Franck Leroy, interrogé ce matin par nos confrères d'Ici Alsace radio, est persuadé du contraire. "Avoir une structure administrative aussi puissante offre bien des avantages, et ça ne nie en rien l'identité ni alsacienne, ni lorraine, ni champardennaise, assure-t-il. On n'est pas là pour effacer des identités parfois millénaires. On est là pour accompagner des territoires, et ce qui compte, c'est la puissance du soutien que nos apportons (…) Jamais l'Alsace n'a été autant aidée que depuis que le Grand Est existe."
Pour lui, "la messe est dite" quand on évoque la sortie de l'Alsace du Grand Est. "Ça fait dix ans qu'on enregistre des résultats positifs en Alsace, sans qu'aucun Alsacien se sente moins alsacien qu'il y a dix ans." En revanche, le président de la CEA, lui, ne perd pas espoir de retrouver un jour une Alsace moins inféodée, et de pouvoir œuvrer pour un "retour à des régions qui ont du sens".
Rendez-vous est donc pris pour le 16 janvier 2035. Pour savoir si, à cette date-là, l'Alsace sera encore concernée, ou non, par l'anniversaire des vingt ans du Grand Est.