Courir des heures et des heures sans flancher : c'est l'objectif des 4.600 coureurs inscrits à la première édition du Trail Alsace Grand Est, organisé par l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB). Pour Julien Feurer, médecin du sport, l'alimentation et l'hydratation sont les clés d'une bonne gestion de course.
Ils sont 4.600 coureurs à participer à la première édition du Trail Alsace Grand Est, organisé par l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB). Au menu de ces sportifs, 4 parcours de 34 à 175 kilomètres.
Ces courses longues durées nécessitent une préparation physique et sportive indéniable. Les coureurs qui s'y engagent n'improvisent pas. Ils se sont entrainés, ont accumulé des points pour être sur la ligne de départ. Ils s'y préparent depuis de semaines et des mois.
Pour une bonne gestion de l'épreuve, Julien Feurer, médecin du sport, insiste sur deux éléments fondamentaux : l'alimentation et l'hydratation. Avant et pendant la course, elles feront sans doute la différence. Il nous livre ses conseils.
Pas de recette magique
"Il n’y a pas une recette magique valable pour tout le monde. C'est à chacun de trouver sa potion magique. Sur des grosses courses comme ça, on est obligé de s’alimenter, de s’hydrater. C’est indispensable pour faire une performance et même, tout simplement, pour finir.
C’est important de tester en amont ce que l’on supporte. Pour certains, ce sont des bananes, pour d’autres ce sera plutôt des barres. Dès qu’on dépasse les trois heures de courses, l’alimentation solide est essentielle pour tenir le coup. Plus on va vers les extrêmes, plus ces réglages sont importants.
Certains font leur tambouille personnelle (du miel, du jus de pomme, du sel), d’autres prennent des produits du commerce faits par les labos. Il faut essayer, tester et trouver ce qui convient le mieux à chacun.
Le sport, même si c’est très bon, cela reste un stress pour l’organisme et on n’a pas une quantité de sang infinie. Le corps doit choisir s'il doit s’occuper du tube digestif ou s'il va s’occuper des muscles.
Quand il va courir, il va s’occuper prioritairement des muscles et le digestif va se mettre un peu à souffrir. Il y a des aliments, qui, en temps normal, sont bien assimilés et qui ne le sont plus pendant la course. Le sportif peut ainsi rencontrer quelques problèmes comme des douleurs, des crampes ou des diarrhées".
Saturer son organisme en sucre
"Quelques semaines avant, on préconise de saturer son organisme en sucre. Cela ne veut pas dire de manger des bonbons et des gâteaux toute la journée mais de prendre beaucoup de pâtes, de sucres lents pour que le stock de sucre soit à son maximum.
On préconise aussi quelques jours avant l'épreuve de lever un peu le pied sur l’entrainement pour permettre à l’organisme de stocker à 100% et non 70 ou 80%.
Le nerf de la guerre : avoir un taux de sucre constant pour arriver à se tenir dans l’effort, s’hydrater correctement pour lutter contre les pertes liées à la transpiration et la troisième chose, c’est l’oxygène.
Si on pouvait courir avec une bonbonne d’oxygène sur le dos, on serait au top de la performance. Un exemple tout simple : le record d’apnée en air ambiant est à 11 minutes et on passe à 25 minutes quand les apnéistes respirent de l’oxygène pendant 10 minutes avant".
Le jour de la course
"Sur des grosses courses comme ça, on est obligé de s’alimenter, de s’hydrater. C’est indispensable pour faire une performance, mais même, juste pour finir.
Les basiques, c’est avoir son rythme : s’hydrater tous les quarts d’heures avec des boissons d’efforts (glucides, sel) et manger régulièrement.
Il y a beaucoup de sportifs maintenant qui mettent des chronos pour se rappeler de manger ou de boire toutes les demi-heures. L’idée est d’éviter l’arrivée des coups de barre".
Les signes à surveiller
"Ca n’est pas parce qu’on se sent bien à un moment qu’il faut laisser les ravitos de côté pour gagner quelques minutes. On le paie derrière. Sur les longues courses, il y a des moments où on se sent pousser des ailes. Il ne faut pas se laisser piéger.
Les signaux d'alerte sont la soif, les douleurs articulaires, les crampes, les contractures. Il y a ensuite les signes neurologiques : la vigilance, la fatigue, le sommeil.
Quand ces mécanismes de réflexes, comme la soif ou la faim, apparaisssent, il faut bien comprendre que ce sont des réflexes de survie. Quand ils apparaissent, c‘est déjà un peu tard.
On estime par exemple que dès que la soif apparait, c’est 10 à 20% de capacité en moins. Pour des grandes courses qui engagent beaucoup, ce sont des heures dans des conditions difficiles. Sauter un ravito ou une collation, c’est prendre un risque".
Les risques
"Cela peut commencer par un petit coup de fatigue qui va faire qu’on va abandonner parce qu’on n’en peut plus. Après il y a les choses qui peuvent être dramatiques : les coups de chaud qui basculent vers le coma.
Il y a aussi les insuffisances rénales liées à un manque d’hydratation. On a des gens qui se retrouvent en dialyse pendant quelques jours. Ils sont tellement desséchés que les reins ne fonctionnent plus. Pour les personnes qui prennent les courses trop à la légère, cela peut très mal se finir".