TEMOIGNAGE : la galère des professeurs titulaires sans affectation pour cette rentrée 2020

Les professeurs, fraîchement diplômés, n'ont pas tous un poste fixe. Certains viennent grossir les rangs des TZR, titulaires en zone de remplacement. Autrement dit, ils sont affectés au dernier moment, voire pas encore. Nous avons rencontré l'une d'entre eux à Strasbourg. 


 

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Nous rencontrons Fanny, nous l'appelerons ainsi pour préserver son anonymat, dans une chambre qu'elle a louée à Strasbourg. Nous sentons sa réticence à témoigner, elle craint bien sûr pour son diplôme d'enseignante (CAPES), elle n'a pas le droit de tenir "des propos qui pourraient nuire à l'image de l'éducation nationale", nous explique-t-elle. Mais dans le même temps, elle a besoin de raconter son histoire, d'exprimer son désarroi, son impuissance aussi.

Diplômée en 2018, Fanny fait dans la foulée une année de stage dans sa région d'origine, son classement au moment de l'obtention de son concours le lui permet. Le hic, c'est la suite. "Jeune, célibataire, sans enfant, je n'ai pas suffisamment de points pour demander, pour cette rentrée, la ville que je souhaite. J'ai eu le choix, entre autre, d'aller en région parisienne, en Bourgogne ou en Alsace. J'ai choisi l'Alsace", raconte-t-elle, calme et posée. Soit à des centaines de kilomètres de sa région natale. Comme tous les jeunes profs finalement.
 

Boucher les trous

Ce sera le Haut-Rhin, elle l'a appris en juillet, mais à ce moment là Fanny ne sait pas où exactement. "Quand on est jeune prof titulaire, explique-t-elle, soit on a la chance d'obtenir un poste tout de suite dans un établissement soit on est TZR, titulaire en zone de remplacement." En gros, un vivier d'enseignant diplômé pour boucher les trous. Finalement la jeune femme a appris quatre jours avant la rentrée une partie de son affectation. En effet, pour l'instant elle ne s'est vue attribuer qu'un mi-temps. Dur, dur, sans compter qu'il faut préparer des cours en quatrième vitesse.

"Tout cela pose de gros problèmes de logistique. Déjà il faut bouger rapidement, le déménagement n'est pas prise en compte, tout est à nos frais, c'est compliqué de gérer ça financièrement quand on débute et les délais sont assez courts pour trouver des logements. En plus, comme on a une incertitude sur l'endroit exact, on doit trouver un logement en milieu d'académie, de zone." Ce que Fanny a fait. Résultat, elle se retrouve à 30 kilomètres de son poste et a dû emprunter la voiture de son père pour faire les trajets.

Et évidemment, ce ne sont pas des choses qu'on apprend durant les formations, pas franchement d'infos non plus venant du rectorat. "En général on se rabat sur les syndicats qui sont plus disponibles pour communiquer des informations ou alors, on contacte d'anciens profs qui ont connu ces situations."  Séverine Charret est justement syndicaliste au SNES du Bas-Rhin. Selon elle, cette année c'est pire que d'habitude au niveau du retard pris dans l'attribution des affectations.
 

Un risque de démotivation

"On sait qu'il y a des contraintes, il faut qu'il y ait des remplaçants, on en a besoin, mais il ne faut pas que les affectations soient trop tardives, parce que ça génère du stress. Or c'est le cas cette année. On était intervenu l'an dernier déjà pour que les groupes de travail dans le cadre d'une gestion paritaire se fassent en juillet et non pas en août sauf que cette année les groupes de travail n'ont pas été réunis, le rectorat a décidé seul et tard. Alors pourquoi, c'est une question qu'il faudrait leur poser (nous l'avons fait, sans retour de la part du rectorat, NDLR). Et avec les suppressions de postes depuis quelques années, les postes fixes sont plus rares et donc les remplaçants restent plus longtemps remplaçants, ce qui peut décourager certains collègues, voire susciter des démissions, ou empêcher d'aller au bout d'une vocation," regette la syndicaliste. Difficile aussi de savoir combien d'enseignants sont dans cette situation mais l'an dernier ils étaient estimés à une dizaine dans l'académie de Strasbourg et seraient encore plus nombreux cette année.

"C'est un risque de démotivation en effet, confirme Fanny, parce qu'on a la précarité de l'endroit, on ne sait pas où on va être affecté, il faut faire des concessions par rapport à nos familles et puis on a des incertitudes tout le temps sur les types de remplacement : quels élèves, quel niveau? " Impossible de correctement préparer ses cours dans ces conditions. Et c'est bien ce que déplore la jeune enseignante. "On a un problème de suivi des élèves et nos cours ne sont pas aussi parfaits qu'on le voudrait car on est appelé parfois du jour au lendement, il faut faire des cours un  peu passe-partout. Or être prof c'est un métier de vocation, humain, qui prend en compte le coté social, affectif, relationnel, on a envie de s'investir avec une classe, des élèves, monter des projets. or là on ne peut pas", soupire la jeune femme, un peu désabusée déjà. 

Pas question de renoncer pour autant. "Je voudrais simplement m'investir davantage et non pas attendre des années d'avoir un poste fixe pour le faire, c'est tout, pas question de changer de voie pour autant!" s'exclame t-elle dans un sourire. Ouf, nous voilà rassurés.  Fanny, c'est certain, saura transmettre son savoir avec douceur et passion et pourquoi pas, susciter des vocations.






 
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