Une enquête de l'UFC-Que Choisir et de l'ONG environnementale Générations Futures révèle ce 23 janvier l’omniprésence de PFAS dans l’eau du robinet en France. Parmi les villes testées : Strasbourg et Mulhouse où l’eau du robinet contient plusieurs de ces “polluants éternels”, notamment un taux inquiétant de TFA, un PFAS encore méconnu et potentiellement toxique.
Ils sont partout et ils se comptent en milliers : les perfluoroalkylés et polyfluoroalkylés ou PFAS. Des polluants dits “éternels” car quasiment indestructibles. Encore largement méconnus, ils pourraient avoir des effets sur la fertilité ou favoriser des cancers.
L'UFC-Que Choisir et de l'ONG environnementale Générations Futures ont dévoilé ce jeudi 23 janvier les résultats d’analyse de l’eau du robinet de 30 communes à travers le pays. La présence de PFAS a été révélée dans 29 des 30 communes visées. Parmi elles, les deux principales villes alsaciennes, Strasbourg et Mulhouse.
33 PFAS ont été recherchés dans l’eau du robinet. À Strasbourg, 8 des 33 polluants ont été retrouvés, dont le PFOS, un PFAS interdit en France depuis 2019. À Mulhouse, 3 molécules sur 33 ont été retrouvées.
Parmi les PFAS détectés, un en particulier attire l’attention, il s’agit de l'acide trifluoroacétique (TFA). Les taux de TFA prélevés se révèlent inquiétants : 80 ng/l à Strasbourg et 140 ng/l à Mulhouse.
“Ce TFA est un métabolite de pesticide, c’est-à-dire une molécule issue de la dégradation d’un pesticide, le flufénacet que l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) a classé en septembre 2024 comme perturbateur endocrinien” explique Pierre-Jean Dessez, référent environnement de l’UFC-QueChoisir du Bas-Rhin.
Problème, ce PFAS est très rarement recherché par les agences régionales de santé et n'est soumis à aucune réglementation. “Si le flufénacet est reconnu comme dangereux, un métabolite du flufénacet devrait l’être aussi, on devrait lui appliquer le même seuil d’alerte à savoir pas plus de 100 ng/l à lui tout seul”, estime Pierre-Jean Dessez
Dans ce cas-là, le seuil détecté dans l’eau du robinet à Strasbourg se rapprocherait dangereusement de la limite de conformité. À Mulhouse, il serait complètement dans le rouge.
Des normes françaises peu protectrices
Concernant les autres PFAS retrouvés à Strasbourg et à Mulhouse, leur concentration oscille entre 1,2 et 7 ng/l. Un taux inférieur au seuil que la France prévoit d’appliquer dès 2026. Ce seuil, qui résulte d’une directive européenne, cible 20 molécules dont la somme ne doit pas dépasser 100 ng/l. Les prélèvements de Strasbourg et de Mulhouse sont donc parfaitement conformes à la future réglementation.
La consommation de l’eau du robinet serait donc sans danger sur la santé. Pas si sûr, répond l’UFC-QueChoisir du Bas-Rhin dans un communiqué : “La valeur de 100 ng/l ne se base sur aucune donnée toxicologique, c’est simplement le niveau de détection qu’atteignaient les méthodes d’analyse il y a quelques années.[...] Cette norme ne permet pas de garantir l’innocuité des eaux testées”.
Et l’association d’enfoncer le clou en rappelant les normes bien plus strictes appliquées aux Etats-Unis ou au Danemark. Si l'on appliquait la norme danoise (2ng/l pour la somme de 4 PFAS) alors le prélèvement de Strasbourg serait non conforme.
Une loi pour contraindre les industriels
L’UFC-Que Choisir demande l’adoption de normes plus protectrices basées sur des données toxicologiques récentes.
Elle réclame également l’adoption finale de la loi prévoyant l’interdiction de l’utilisation de PFAS dans certains produits de consommation, la réduction drastique des rejets par les usines et l’obligation pour les industriels de payer la dépollution.
Une loi largement adoptée en première lecture par les députés, mais tombée aux oubliettes depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024.