Une maquette originale de la statue de la Liberté modelée et signée par Bartholdi devait être vendue aux enchères fin novembre à Paris. L'entreprise alsacienne Socomec a devancé tout le monde en la rachetant. Son PDG craignait que ce morceau d'histoire ne quitte la France
Elle a été façonnée en terre cuite et ne mesure que 49 cm. C'est le sculpteur colmarien Frédéric-Auguste Bartholdi (1834-1904) lui-même qui avait fabriqué cette statuette en 1871 dans son atelier. Elle porte d'ailleurs sa signature. Il s'agit d'une ébauche de la célèbre statue, érigée à l'entrée du port de New York.
Bartholdi avait offert l'objet à son ami Édouard Lefebvre de Laboulaye, un sénateur français, président du Comité de l'union franco-américaine. Celui-ci avait eu l'idée, en 1865, d'offrir une statue monumentale aux États-Unis, de la part de la France. L'homme entendait rendre hommage aux Américains qu'il admirait et, célébrer avec ce geste, le centenaire du jour de l'indépendance du pays.
Entre 300 000 et 500 000 euros
La maison de ventes aux enchères Artcurial avait fait savoir en septembre qu'elle prévoyait de vendre l'objet le 26 novembre à Paris. D'après Matthieu Fournier, commissaire-priseur chez Artcurial, les estimations variaient entre 300 000 et 500 000 euros. En découvrant l'existence de cette statuette et sa prochaine mise en vente, un industriel alsacien de Benfeld a décroché immédiatement son téléphone.
Catherine Steibel, la directrice de la communication de l'entreprise Socomec raconte : "Notre PDG Ivan Steyert, a été sensible au fait que cette statuette pouvait être rachetée par des acquéreurs outre-Atlantique, il est intervenu auprès de la maison de vente aux enchères et a contacté la famille Laboulaye pour se porter acquéreur". On ne saura rien sur la somme déboursée par Socomec, l'entreprise refusant de dévoiler le prix d'achat.
La préservation du patrimoine
Très attaché à l'Alsace et à son patrimoine, Ivan Steyert a déjà participé à la réfection des vitraux de la cathédrale de Strasbourg, à la rénovation de la bibliothèque humaniste de Sélestat et à l'agrandissement du musée Unterlinden de Colmar."L'objectif est qu'à terme, cette statuette intègre les collections du musée Bartholdi (à Colmar NDLR) pour qu'elle soit accessible au plus grand nombre", ajoute Catherine Steibel.
Pour Juliette Chevée, la directrice du musée Bartholdi de Colmar, le retour de la statuette en Alsace est un évènement inattendu, d'autant que la ville de Colmar n'aurait sans doute jamais pu l'acheter aux enchères en raison de son prix très élevé. Dans le musée consacré au sculpteur alsacien, sont présentées "toutes les étapes de la genèse de cette œuvre", explique la conservatrice qui précise au sujet de cette statuette qu'il s'agissait de "la seule étape manquante pour pouvoir reconstituer la chaîne d'évolution de la statue de la Liberté".
Exposée une seule fois à Paris
La petite statue, qui n'avait jamais quitté la famille Laboulaye depuis la fin du 18ᵉ siècle, "n'a été exposée qu'une seule fois en 1986 pour le centenaire de la statue de la Liberté à Paris", se souvient Juliette Chevée. En parfait état de conservation, la statuette ne ressemble pourtant pas encore tout à fait au projet final. Il s'agit bien d'une ébauche.
À Benfeld, ce jeudi 12 décembre, les visiteurs ont par exemple pu se rendre compte que sur cette maquette, il n'y a pas encore la table sur laquelle figure la date de la Déclaration d'indépendance de 1776. Bartholdi avait d'abord imaginé des bouts de chaînes brisées dans la main de Lady Liberty. De même, le bras gauche ou la jambe gauche sont positionnés différemment que dans la version finale.
Ces petits détails racontent l'histoire de ce monument connu dans le monde entier. Lorsque la statuette sera exposée dans le musée de Colmar, les visiteurs auront tout loisir de les découvrir tranquillement, en même temps que le reste de l'œuvre immense du sculpteur alsacien Frédéric-Auguste Bartholdi. Pour le moment, la date à laquelle l'œuvre sera transférée à Colmar n'est pas connue.