Ils font tomber 100 à 150 arbres pour construire leurs barrages : les castors pointés du doigt

Très présents dans les Ardennes, les castors et leurs barrages engendrent des problèmes de cohabitation avec les agriculteurs et les pêcheurs. Face à cette situation, le député (LR) Pierre Cordier alerte le gouvernement.

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Il est l'un des grands bâtisseurs du monde animal. Le castor, infatigable travailleur, abat des arbres, érige des barrages et détourne des cours d'eau. Une activité qui engendre des problèmes de cohabitation dans les Ardennes.

"Le castor est une grosse problématique", affirme Bertand Bour, président de l'Association agrée de pêche et de protection des milieux aquatique (AAPPMA) de Neufmanil (Ardennes). Ces dernières années, le pêcheur a vu s'installer une famille de castors au bord de la Goutelle, un cours d'eau dont son association a la gestion. "Au bord de la rivière, il y avait une peupleraie. Les castors ont fait tomber 100 à 150 arbres pour construire leurs barrages", constate-t-il. Une activité qui influe aussi sur l'habitat des truites. "Sans les arbres, le soleil passe, le cours d'eau se réchauffe trop, et les truites meurent", explique Bertand Bour. L'alimentation des poissons est aussi affectée: en raison des barrages, l'eau stagne, les sédiments se déposent au fond du cours d'eau, et les macro-invertébrés dont se nourrissent les poissons disparaissent.

Conflits d'usages

Dans le département, les barrages construits par les castors engendrent des difficultés avec certains propriétaires de peupleraies, mais aussi avec des agriculteurs, qui voient leurs prairies inondées. "Il y a des conflits d'usages", résume Olivier Lejeune, hydrologue à l'Université de Reims-Champagne-Ardenne et chercheur au laboratoire Gegena. Dans les marais de Germont en Argonne, il constate la présence d'une vingtaine de castors. "Leurs ouvrages permettent de rehausser le niveau de l'eau, ce qui est positif pour la tourbière. Mais cela a aussi un impact négatif pour les agriculteurs voisins. Quand les champs sont inondés, les bêtes pataugent dans l'eau, ce qui est propice au développement des maladies."

Répartition du castor sur le réseau hydrographique français © OFB

Face aux dégâts causés par les castors, le député (LR) des Ardennes Pierre Cordier interpelle la Ministre de la Transition écologique. Dans une question écrite à l'Assemblée nationale mardi 14 janvier, il demande "si le Gouvernement va donner des instructions claires aux préfets afin que les populations de castors soient mieux régulées pour notamment permettre aux forestiers de protéger leurs arbres des destructions."

Une espèce protégée

La gestion des castors d'Europe n'est pas simple, car l'espèce est protégée depuis 1968 sur l’ensemble du territoire national. Longtemps chassé pour sa fourrure ou sa viande, l'espèce avait failli disparaître au début du XXe siècle, et re-colonise désormais ses milieux. "Toucher au castor, à son habitat et ses barrages est une infraction", rappelle Laurine Ledoux, cheffe de service départemental de l'Office français de la Biodiversité (OFB) dans les Ardennes. Un agriculteur de Saône-et-Loire en a récemment fait les frais: l'homme a été poursuivi par une enquête menée par l'OFB, après avoir été aperçu en train de retirer le barrage d’un castor qui provoquait une inondation de son champ. L'enquête a finalement été classée sans suite.

"Régulièrement, des barrages de castor sont détruits de manière illégale par des agriculteurs à coups de pelleteuse", reprend Olivier Lejeune. Pourtant, des solutions existent et sont mises en œuvre sur certains territoires de Champagne-Ardenne. "En Argonne ardennaise, il a une liste des communes pour lesquelles des dérogations sont possibles. Lorsque c'est le cas, des gestionnaires sont alors autorisés à abaisser les barrages sans les détruire pour laisser l'eau s'écouler", explique Laurine Ledoux. Le rôle de l'OFB est alors de vérifier la bonne réalisation de l'aménagement.

Il est aussi interdit de toucher aux barrages des castors, même s'ils ont quitté les lieux. Un problème pour Bertrand Bour: récemment, il a remarqué que la famille de castor sur les bords de la Goutelle semblait être partie. "Leurs barrages ne sont donc plus entretenus, et pourraient se rompre, ce qui pourrait poser des problèmes pour les ponts du village situés en amont."

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