L'abbaye des Sept Fontaines, dans les Ardennes, va bénéficier d'un investissement de 40 millions d'euros pour permettre le développement d'un complexe de vacances haut de gamme. Un nouveau souffle dans le projet de rénovation des deux propriétaires ardennais et qui permettrait des retombées économiques sur l'ensemble du département.
Dans le long couloir du rez-de-chaussée, malgré le papier peint défraîchi et les traces d’usure du temps, Stéphane Dupuis n’a d’yeux que pour les vitraux des grandes baies : « Là, quand le soleil donne, il y a des couleurs magnifiques ! ». Du soleil, il devait y en avoir pour que les deux Ardennais tombent sous le charme de l’abbaye.
François Clarin et Stéphane Dupuis ont acquis la bâtisse et ses 50 hectares de parc, en 2018, auprès du tribunal de commerce, suite à une cessation d’activité. « C’est un domaine dont on a profité en venant jouer au golf ou manger au restaurant et quand on a su que c’était en vente on s’est rapproché du tribunal pour en connaître la valeur et faire une proposition » explique François Clarin . Tour à tour restaurant, hôtel et golf, la somptueuse propriété tombait en décrépitude. « C’est dommage de laisser une belle bâtisse comme ça se détériorer », ajoute Stéphane Dupuis.
Au premier étage, les sept suites déjà existantes ont été dépossédées de leur lit et la moquette a pris la poussière. Difficile d'imaginer que le général De Gaulle y avait ses habitudes durant ses nombreux séjours. En tout, ce sont 1 800 m2 qui sont aménageables, répartis sur trois étages. Sous les combles, les 16 chambres de l’ancien hôtel ont été entièrement détruites, victimes d’infiltrations d’eau. Le toit est d’ailleurs le premier chantier. « Nous avons refait toute la toiture, 600 m2 d’ardoises naturelles. » , explique Stéphane Dupuis, un des deux nouveaux propriétaires, Coût de la réparation : 500 000€.
« Si Landal Green Parks n’était pas arrivé, on pensait arrêter. »
« On s’est lancé sans avoir d’idée précise », concède François Clarin. Mais après avoir déjà investi plus d’un million d’euros, dans la rénovation de la toiture et dans celles des façades, le projet commençait à peser lourd. « Si Landal Green Parks n’était pas arrivé, on pensait arrêter. » Avec l’arrivée de cette nouvelle manne financière, le projet prend une autre dimension.
40 millions d’euros, c’est ce que va injecter un investisseur belge et avec lui de nouvelles perspectives : la construction d’une salle de 600 m2 en rotonde tout en verre, la transformation de l’ancien club-house du golf en un espace bien-être et surtout la construction, à terme, de 180 lodges pouvant accueillir jusqu’à 1080 personnes.
« L’abbaye toute seule, c’est impossible, explique François Clarin c’est trop petit pour faire vivre le domaine. » Avec seulement sept suites, l’hôtel n’aurait pas pu financer l’ensemble du domaine. « Il y a des ratios de rentabilité pour les hôtels, il faut un minimum de chambres, continue Stéphane Dupuis, et là ça ne permet pas d’être viable. » Les 180 lodges permettent donc de pallier ce manque de revenus, le groupe espérant accueillir entre 600 et 800 personnes par nuit.
« C’est un acteur qui est déjà bien implanté au Pays-Bas, confirme Patrick Fostier, vice-président en charge du développement économique d’Ardenne Métropole. Il a des connaissances et un portefeuille important de clients d’Europe du Nord. C’est une clientèle aisée et qui a la capacité de dépenser sur le territoire en termes de loisir et de restauration. » L’élu se félicite de l’investissement d’un tel groupe qui devrait permettre de dynamiser tout le secteur touristique. « Depuis 10 ans, nous avons envie de développer le tourisme dans les Ardennes. Un des écueils principaux est le manque d’hébergement. Donc forcément quand un projet d’une telle ampleur et d’une telle qualité se profile, on ne peut être que ravi.»
180 lodges pour 1080 vacanciers
Pour l’instant, en contrebas de l’abbaye, là où devraient sortir de terre les 180 lodges, une propriété à perte de vue que les chevreuils ont investie. Le futur complexe de vacances est encore bien loin. « L’idée c’est de fondre les 180 lodges dans le paysage, explique Jean-Marc Charlet, l’architecte en charge du développement du projet, tout en préservant des perspectives pour que l’on continue à voir le village de Fagnon au loin. » Seuls 10% des 50 hectares de propriété devraient être construits afin de valoriser l’environnement. Le groupe souhaite s’inscrire dans une démarche écoresponsable tout en offrant des prestations de qualités.
Né dans les Ardennes à Vouziers, Jean-Marc Charlet, avait aussi à cœur de défendre et de valoriser le patrimoine des Ardennes dans ces constructions : « Pour les lodges, il fallait trouver une architecture emprunte du territoire, tout en étant dans un esprit minimaliste. C’est pour cela que je me suis inspiré des séchoirs à tabac de la vallée de la Semois. »
Les travaux devraient débuter fin 2025, avec un impact direct sur le village de Fagnon. Parmi les 344 habitants, certains s’inquiètent du développement d’un tel projet et des nuisances que cela pourrait engendrer, tant au niveau de la circulation que du bruit. Pour Patrick Fostier, vice-président d’Ardenne Métropole, ces inquiétudes sont compréhensibles, « à l'agglomération et aux porteurs de projets d'intégrer les riverains et de les convaincre. »
D’autant que l’investisseur belge et le groupe hollandais veulent ouvrir le domaine vers l’extérieur. « Ce n’est pas un domaine fermé où les personnes ne consomment qu’à l’intérieur, confirme François Clarin. L’intérêt c’est de les loger pour qu’elles aillent consommer dans le village et le département. » À terme, l’activité touristique devrait également créer entre 40 et 50 emplois sur place pour permettre l’accueil des vacanciers.