"On s'en fiche de nous" : les habitants de la ville historique des gilets jaunes confient leur malaise à la friterie d'Angèle

Manque d'emploi, fermetures d'entreprises, et lassitude politique sont au cœur des problématiques de Revin (Ardennes). Entre un burger et une frite dans l'ancien fief des gilets jaunes, les habitants de la commune se confient et nous partagent leur trop-plein face à la situation.

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Dans ce petit coin des Ardennes, là où peu de gens se rendent, la ville de Revin siège sur les bords de la Meuse. Entre deux instants au boulot, à la maison ou dans leur supermarché, les habitants de la commune se donnent rendez-vous Chez Angèle, une baraque à frite créée il y a déjà 28 ans.

Une remorque avec le restaurant, des tables, des chaises et un petit chalet en bois entouré d'un grand parking, un lieu qui pourrait paraître gris et morose, mais qui fait partie des endroit où se rencontrent les habitants de Revin.

Entre deux bouchées de leur portion de frite, d'un burger ardennais (spécialité de la maison), ou d'une fricadelle, les discussions fusent ce 11 décembre. Politique, emploi, jeunesse, tout y passe et la population locale a un avis plus que tranché sur ces sujets.

"Ils préfèrent embaucher des personnes qui ne viennent pas du secteur"

La jeunesse raffole de ce lieu que tiennent Angèle et Tonio Matos-Santana, mais pas que. Tout client qui se présente repart avec le sourire. Comme un soleil dans la grisaille, le patron des lieux nous partage, "on sent bien que plus les années passent, plus c'est compliqué, pour nous comme pour nos clients. C'est pour ça qu'on essaye de donner le sourire".

Une chaleur dont certains sont friands sans se l'avouer. Keanny vient souvent chez Angèle, entre deux contrats à la mission locale, ce jeune de 19 ans espère accomplir son rêve. "Pour le moment je fais des petits contrats, ça m'a fait sortir de mon lit, ce n'était plus possible, mais c'est difficile de trouver des missions plus longues dans le secteur".

Mon rêve c'est d'être pâtissier, j'en fait moi-même, mais pour ça il faut faire des études et partir d'ici.

Keanny, 19 ans

Originaire de Givet

Originaire de Givet, sur la pointe ardennaise, il fait 30 minutes de transports tous les jours pour accomplir ses missions, mais dans un coin de sa tête, il sait très bien ce qu'il souhaiterait faire. "Dans ma ville, personne ne veut nous prendre, ils préfèrent embaucher des personnes qui ne viennent pas du secteur. J'ai été obligé de venir sur Revin pour trouver quelque chose. Mais bon, mon rêve c'est d'être pâtissier, j'en fais moi-même, mais pour ça il faut faire des études et partir d'ici", explique le jeune Ardennais.

Politique et emploi, certains habitants ne savent plus sur quel pied danser

Devant le restaurant en train de commander, Léo, âgé d'une vingtaine d'années, a demandé une portion de frites. En attendant que l'huile fasse frémir ses pommes de terre, il nous partage quelques mots sans tabou. "Moi je suis obligé de travailler dans la pharmacie de ma sœur à Revin, je n'ai pas trouvé de contrat long, c'est compliqué en ce moment".

Il ajoute, "je veux juste vivre décemment, alors que ces politiques arrêtent de se taper dessus. Ici on n’a pas beaucoup de transports, pas beaucoup de travail, je vais être obligé de partir à Reims (à 1h20 de route) pour trouver un emploi, c'est comme ça", affirme le jeune travailleur.

Aujourd'hui, la politique je n'en ai plus rien à foutre, on tiendra grâce à nous-même

Julien

Ancien employé de l'entreprise Walor à Bogny-sur-Meuse

Des propos appuyés par un autre client de la friterie. Alors qu'il vient chercher à manger avec son fils, Julien, un ancien employé des usines Walor de Bogny-sur-Meuse, désormais licencié après la liquidation judiciaire de son ex-entreprise, nous affirme avec agacement : "honnêtement, je ne sais plus quoi faire, on est désœuvrés, mais on va rebondir, même si on s'en fiche de nous. On les voit se bagarrer à l'Assemblée, mais je ne vais pas vous mentir, la politique, je n'en ai plus rien à foutre, on tiendra grâce à nous-même".

Revin ou le vilain petit canard des chiffres du chômage dans les Ardennes

Dans les Ardennes, les chiffres du chômage sont particulièrement élevés par rapport aux autres départements de l'Hexagone. Au deuxième trimestre 2024, près de 9,8 % de la population active vit des allocations chômage, mais à Revin les chiffres sont plus élevés. 10,5 % des travailleurs de la commune sont sans emplois ou en recherche de travail.

Un chiffre qui classe Revin à la 276e place sur 321 des zones ayant le plus faible tôt de chômage en France. Depuis 2018 et la période de gilets jaunes qui aura marqué la ville, le taux n'aura baissé que de 0,70 % jusqu'en 2024. Sur le secteur, ce sont les travailleurs diplômés de CAP et BEP qui sont le plus visés par la demande d'allocations à France Travail avec 42,4 % contre 6,8 % pour les personnes diplômées d'un BAC +3.

Les gens sont dans une situation délicate avec les hausses des prix et les sociétés qui ferment.

Tonio Matos-Santana

Gérant de la friterie d'Angèle

Ces chiffres coïncident avec les différents propos des jeunes travailleurs du bassin de Revin et pointe une situation précaire après la fermeture de nombreuses entreprises, comme les usines Walor de Bogny-sur-Meuse ou encore l'entreprise Electrolux à Revin en 2012, qui avait entamé la descente aux enfers de la commune.

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"On est dans un secteur en perte de vitesse, délaissé au milieu de rien", affirme Tonio Matos-Santana, le gérant de la friterie, tout en détaillant, "qu'on sent un ras-le-bol de la population à Revin, les gens sont dans une situation délicate avec les hausses des prix et les sociétés qui ferment".

À Revin, le travail se fait donc de plus en plus rare, la politique n'intéresse plus et les maisons à vendre s'accumulent. Tant de problématiques qui poussent les habitants à quitter un bassin de population qui en 1968 comptait jusqu'à 12 000 administrés contre environ 5 800 en 2021.

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