Chaque semaine, nous allons à la rencontre d'une femme qui évolue dans un milieu majoritairement masculin. A l'université de technologie de Troyes (UTT), seules 20% des élèves sont des étudiantes. Parmi elles, Lou Grimal, fraîchement diplômée, pour qui être une femme "a plutôt été un avantage".
Derrière un écran d'ordinateur parsemé d'autocollants, une jeune fille aux lunettes rondes pianote. Autour de son poignet droit, un petit bracelet rose siglé "Elles bougent" lui rappelle un de ses engagements associatifs.
"J'aime le porter, raconte Lou Grimal, jeune ingénieure diplômée de l'université de technologie de Troyes (UTT). Parfois, en pleine journée, je me mets à le contempler. Ca me rappelle que j'ai un combat à mener."
Dans les classes préparatoires, 42% sont étudiantes
Cet engagement, c'est "Elles bougent". L'association nationale, qui a une antenne en Champagne-Ardenne, travaille pour une meilleure représentation des femmes dans les milieux dits "masculins", dont celui de l'ingénierie. A l'UTT, elles sont 20% de futures ingénieures sur les bancs de l'université. Et ce n'est pas mieux dans les autres écoles. En moyenne, dans toutes les écoles de ce type en France, 28% des élèves sont des filles.
Du côté des prestigieuses classes préparatoires aux grandes écoles, 42% sont des étudiantes. On y serait presque, mais le détail ne trompe pas. Si les filles représentent près des trois quarts des effectifs dans les filières littéraires et plus de la moitié de ceux des filières économiques, elles boudent encore "les prépas" scientifiques, où moins d'un tiers des élèves sont de sexe féminin.
soutient la diplômée, en triturant son bracelet. En stage de fin d'études dans une start-up qui développe des logiciels informatiques, elle est la seule fille de sa fine équipe de quatre personnes. Trois hommes et elle. Lou Grimal l'assure, au quotidien, elle ne sent "aucune différence". Et d'ajouter : "Je suis écoutée, appréciée, et ne reçois aucune remarque désobligeante."Le combat est à mener dans les deux sens. Il sera gagné quand il y aura 50 % de garçons dans les prépas littéraires, dans les écoles d'art
"C'était très bizarre d'attirer l'attention"
Avant son école d'ingénieur, Lou Grimal a étudié en "prépa" littéraire où le ratio était inversé, puisque plus de la moitié de sa classe était alors féminine. A son arrivée à l'UTT, la jeune Troyenne a immédiatement attiré l'attention. "Sur une classe de 70 personnes, nous n'étions que 7 filles. C'était très bizarre, d'un coup, d'attirer autant l'attention."
A l'époque, la jeune femme avait dû prouver qu'elle avait les capacités d'intégrer une école d'ingénieurs à ses camarades. "On ne m'a pas jugée par rapport à mon genre, mais plutôt au fait que je venais d'un milieu plus littéraire, juge-t-elle. Les autres jaugeaient pour mes compétences, pas le fait que je sois une fille." Et de se demander dans un haussement de sourcils :
Enfin, je l'espère.
Aujourd'hui, Lou Grimal se sent écoutée, appuyée dans son travail. Jeune ingénieure en informatique au sein d'une start-up, elle ne décèle aucun comportement déplacé de la part de ses collègues. Elle l'affirme qu'elle peut venir habillée comme elle l'entend : "Talons ou jogging, je serai comprise de la même façon."
En fait, je ne me suis jamais posé de question.
Son combat, elle le mène alors sur les mots : "Je tiens à ce que l'on dise directrice et pas directeure. Il faut que l'on entende de suite que c'est un poste de femme." Pour elle, ils ont un rôle primordial pour aboutir à l'égalité entre les femmes et les hommes.
Le travail, un véritable "cocon"
La jeune femme qualifie son environnement de travail de véritable "cocon". Si elle n'y ressent aucune discrimination, elle change de discours quand il s'agit de sa vie quotidienne. Ancienne nageuse en compétition, il lui arrive régulièrement de courir dans un parc de Troyes, et à chaque sortie, la joggeuse reçoit des remarques. "Surtout l'été, quand je cours en short. Une fois, un homme m'a fait une réflexion que je n'ai pas supportée." Outrée, elle s'arrête et lui rétorque : "Pour qui vous vous prenez ?" Désabusé, le sexagénaire nie, évite son regard.
"J'ai fait ça pour qu'il s'en souvienne, la prochaine fois qu'il voudra faire une remarque." Elle marque une pause. "Je ne sais pas si c'est le cas, mais en tout cas moi, je m'en souviens encore."
Comme elle, 43% des femmes se disent victimes de harcèlement sexuel durant leur jogging, selon une étude du magazine spécialisé Runner's World. A tel point que 23 % d'entre elles choisissent de courir avec un téléphone.