Le 9 janvier 1985, un important incendie engendrait des dégâts considérables dans une quinzaine d'immeubles du centre-ville de Troyes (Aube), sans toutefois faire ni blessé grave, ni mort. Le travail des pompiers a été perturbé par un froid intense. Avec des températures sous les -20°C, l'eau des lances gelait.
Il y a quarante ans, un incendie détruisait une quinzaine d'immeubles dans le centre-ville de Troyes, dans l'Aube. Le sinistre, survenu le 9 janvier 1985, n'a fait ni mort ni blessé grave, mais a causé d'importants dégâts rues Urbain-IV et Émile-Zola, dans le cœur historique de la ville.
Cet incendie, qualifié d'"incendie du siècle", a marqué les habitants comme les secours, car il s'est déclenché alors qu'il faisait un froid terrible à Troyes. Le 9 janvier, le thermomètre affiche -29°C au cœur de la nuit. De quoi rendre bien plus difficile le travail des soldats du feu.
"Vous fermiez une lance, vous ne pouviez plus la rouvrir. C'était pratiquement instantanément de la glace", raconte quarante ans après Daniel Ruinet, pompier désormais retraité, à notre journaliste Tiphaine Le Roux. "On a eu un grand nombre de tuyaux et de lances qui sont restés gelés. Elles ont été posées à terre parce qu'on ne pouvait plus s'en servir. La Ville est venue avec des chalumeaux. C'était peine perdue, tout était gelé."
Au total, 180 sapeurs-pompiers sont mobilisés. Il leur faut cinq heures pour venir à bout du foyer principal. Sur la façade des immeubles arrosés par les pompiers, des stalactites se forment."Le plus gros problème, c'était de lutter contre un feu de quartier qui s'est développé très rapidement. C'est un feu qui devait couver et qui n'a pas été découvert en temps et en heure", complète Daniel Ruinet.
Les soldats du feu sont appelés à 3h05 du matin. On leur signale alors un feu rue Urbain-IV. "Quand ils arrivent au 33 rue Urbain-IV, où il y avait à ce moment-là le magasin O'Kelly, ils font des reconnaissances en passant par le passage Dernuet pour voir s'il y a des traces de l'incendie rue Émile-Zola, relate Salomé Lanez, historienne spécialiste des pompiers de l'Aube. Là, ils voient des habitants aux façades qui leur disent qu'il y a le feu dans la cage d'escalier et appellent à l'aide. Ils opèrent les premiers sauvetages et commencent une attaque de feu. Donc on a une attaque de feu rue Urbain-IV et une attaque de feu rue Émile-Zola."
Les immeubles sont très rapprochés dans ce secteur. "Il y a très peu de creux. On a deux ou trois courettes avec trois ou quatre mètres de côté, mais on a surtout des pleins. Donc de la rue Émile-Zola à la rue Urbain-IV, le feu communique très facilement", détaille l'historienne.
Pour que les lances continuent de fonctionner, malgré le froid intense, la seule solution est de ne pas arrêter le flux d'eau. "Il fallait se déplacer avec les lances ouvertes. Quand vous voyez des lances à grand débit, il y a quand même de la puissance au bout, cinq ou six bars, il fallait y aller !", se souvient Daniel Ruinet.
Les sapeurs-pompiers installent leur poste de commandement sur l'actuelle place de la maire, toute proche. Sur la place de la Libération, un camion de grande puissance est mis en place. Il permet de pomper de l'eau dans le bassin de la préfecture, pour alimenter les lances à incendie. Des mètres et des mètres de tuyaux sont donc déroulés. Et là aussi, le froid complique les opérations. "Le bassin était gelé, donc les sapeurs-pompiers ont dû casser la croûte de gel au-dessus du bassin de la préfecture pour pouvoir puiser l'eau", rappelle Salomé Lanez.
Plus d'une vingtaine de personnes ont dû être relogées et une douzaine de magasins ont été impactés. Certains sont complètement détruits. Mais le sinistre ne fait ni mort, ni blessé grave. Sur les façades des immeubles sinistrés, des stalactites se forment.
La reconstruction s'étalera sur des mois entiers. "Il y a eu d'abord tous les travaux d'indemnisation auprès des assurances. Derrière, il a fallu établir un plan de reconstruction en accord avec les services publics. Parce qu'on est dans un secteur sauvegardé, à valeur patrimoniale. Il fallait reconstruire tout en gardant le cachet du bouchon de champagne", précise Salomé Lanez.
Un risque incendie toujours présent dans le centre de Troyes
L'origine du sinistre reste incertaine, il pourrait s'agir d'un court-circuit électrique. "Beaucoup ont dit que c'était lié au gel et à une rupture de canalisation. Sauf qu'un incendie provoqué par le gel ne survient qu'au moment du dégel. Donc ce n'est pas le gel qui a pu provoquer un incendie", pointe l'historienne. "C'est un feu emblématique surtout par les conditions météorologiques. S'il n'y avait pas eu ces conditions météorologiques là, il est très probable que les sapeurs-pompiers auraient éteint le feu plus simplement."
De nos jours, les pompiers interviennent sur un à deux incendies significatifs à Troyes chaque année. "Le risque incendie dans le quartier sauvegardé de la ville de Troyes est toujours présent aujourd'hui. C'est vraiment un risque marqué", rappelle Nicolas Ruinet, chef adjoint du groupement prévention prévision des pompiers de l'Aube. "Avec les services de la Ville et de la préfecture, quarante ans après, on travaille encore sur des mesures pour améliorer la sécurité incendie dans le secteur sauvegardé."
Le bâti fait de bois et de torchis n'est absolument pas coupe-feu, entraînant une propagation rapide des flammes en cas de sinistre. C'est ce qui s'était passé par exemple en 2022, où deux importants incendies étaient à déplorer dans le centre-ville troyen, avec un feu passé d'un bâtiment à l'autre. Nicolas Ruinet rappelle l'importance des détecteurs avertisseurs autonomes de fumée, obligatoires dans tous les logements, qui permettent de signaler au plus vite un départ de feu, avant qu'il ne devienne incontrôlable.
Une conférence dédiée à l'incendie de 1985, faisant notamment intervenir l'historienne Salomé Lanez et le chef adjoint du groupement prévention prévision des pompiers de l'Aube Nicolas Ruinet, est prévue le 24 janvier 2025 au centre des congrès de Troyes. Elle est accessible gratuitement, mais sur inscription préalable. Toutes les informations pratiques sont disponibles sur le site du Service départemental d'incendie et de secours de l'Aube.