Il est connu comme celui qui a sauvé la poule d’Alsace de la disparition. Hubert Spraul défend la vie d'avant, celle qu'il a connue chez ses grands-parents. Avec ses animaux, dans son jardin, en cuisine, il essaye d'être autant que possible autosuffisant.
Il n'a jamais vraiment quitté le monde de son enfance. D'ailleurs Hubert Spraul aime le répéter, il n'est sans doute pas né à la bonne époque. Lui préfère débarder et labourer avec ses ânes qu'à la machine. 20 ans déjà qu'il murmure aux oreilles de Saga et Princesse, ses deux équidés. Un cadeau pour son cinquantième anniversaire, ses copains le connaissent bien.
"À l’époque, j’aurais moins détonné. Aujourd’hui, quand je passe avec mes deux ânes et ma calèche, tout le monde se demande d’où je sors, de quelle planète je viens", sourit-il.
Il revoit son grand-père guider ses vaches. "Tellement de souvenirs me reviennent. Je ne dirais pas que je retrouve ma jeunesse, mais un peu quand même. J’ai l’impression d’être encore un petit garçon."
Il a construit une écurie, juste en face de ses clapiers. Hubert Spraul élève une cinquantaine de lapins sur paille. C'est son premier petit bonheur du matin : s'occuper de ses animaux, avant même le petit-déjeuner. Il en a pour une bonne heure, pareil le soir. Ses poules reconnaissent sa voix : "Comment ça va les filles ? Vous avez déjà pondu ou je suis encore trop tôt ?"
Il a sauvé la poule d'Alsace
Vous l'aurez compris, en plus des deux filles qu'il a eues avec sa femme Dominique, l'ancien éclusier a donné naissance à une flopée de poules. Toutes des poules d'Alsace. Il n'en restait que quelques-unes lorsqu'il en est tombé amoureux il y a 40 ans : "C'est notre race, elle fait partie du patrimoine alsacien".
Depuis, Hubert Spraul l'a sauvée. Il a créé une association pour mobiliser des éleveurs et relancer la filière. Mais son combat n'est pas terminé : "L'élevage coûte cher, il faut trouver un équilibre entre plaisir et aspect économique. On doit convaincre des cuisiniers de mettre la poule d'Alsace à leur carte. C'est le seul moyen de la préserver."
Son argument ? La qualité de la viande, reconnue par les chefs étoilés qui l'ont testée. "Ce sont des poules qui ont grandi pendant six mois environ, contre six semaines en moyenne pour les races modernes, hybrides. Ça n'a rien à voir."
À ceux qui s'offusquent de le voir manger ses propres animaux, il répond qu'il préfère savoir ce qu'il a dans l'assiette. "Quand j’étais gamin, déjà, on élevait nos animaux. À l’époque, lorsque mon grand-père faisait abattre une grosse bête tous les deux ou trois ans, on récupérait un morceau à la sortie de l’abattoir. On tuait nos cochons à la maison. Tout le monde faisait ainsi, c'était comme ça."
Il concocte les vieilles recettes de sa grand-mère
Hubert et Dominique Spraul consomment autant que possible ce qu'ils produisent : leur viande, leurs œufs, leurs légumes... Ils cuisinent selon la récolte du jour. C'est leur autre passion. Avec souvent au menu, de vieilles recettes de famille, évidemment. Celles de la grand-mère d'Hubert. Il a toujours traîné dans ses pattes et appris avec elle. Son image lui revient en même temps que les odeurs de ses plats se dégagent. "Elle m'a tout donné", confie-t-il, ému.
Et ce que sa grand-mère ne lui a pas transmis, il va le découvrir. Avec sa femme, ils sont allés prendre des cours de boulangerie dans un moulin. Ils font désormais leur pain maison. Pareil pour le foie gras, ils sont allés suivre une formation dans le sud de la France. Hubert fume son jambon et son saumon, prépare ses pâtés et terrines.
Il a sollicité un ami cuisinier, Eric Keck, pour des recettes à base de harengs. Ensemble, avec l'association d'aviculture de Gerstheim, ils organisent depuis deux ans une soirée autour de ce poisson en hiver. "Je racontais à mes copains que ma grand-mère en préparait à l'époque. Ils m'ont demandé de leur en faire. Et ils ont tellement aimé qu'on a eu l'idée de cette soirée. Ça rappelle des souvenirs à tout le monde."
Sa fierté, avoir fait goûter le hareng à des jeunes qui n'en avaient jamais entendu parler. Pour la troisième édition, le 15 février 2025, 350 personnes sont attendues. Hubert Spraul veut être un transmetteur. Il rêve de voir ses quatre petites-filles et petits-fils prendre sa relève, dans l'élevage et en cuisine. Pour faire vivre l'héritage de ses parents et grands-parents encore longtemps. Et ainsi rester eux aussi toute leur vie de grands enfants.