En Alsace, l'immense hypermarché situé à Illkirch-Graffenstaden va être raboté en 2025 de près de 5000 m2, soit un tiers de sa surface totale. Celui situé à Hautepierre à Strasbourg perdra aussi 2 815 m2 en 2027 et celui de Schweighouse-sur-Moder perdra 1 970 m2 en 2028. Les syndicats s'inquiètent.
La cure d'amaigrissement est prévue pour 2025. L'hypermarché Auchan Baggersee situé à Illkirch-Graffenstaden, faisant partie des plus grands de France, va perdre un tiers de sa surface non alimentaire, soit 5 472 m2.
Cette transformation intervient dans le cadre d'un plan national de l'enseigne, en difficulté financière, et visant à retrouver de la compétitivité face à ses concurrents, largement en tête des parts de marché. Une réaction de survie qui intervient tardivement selon Yves Soulabail, enseignant-chercheur à l'ISTEC business school de Paris.
"On savait déjà que Casino n'allait pas bien, quand on est dans une conjoncture économique compliquée il faut accepter le risque et s'adapter", analyse-t-il. Parmi les objectifs affichés d'Auchan : réduire la taille de ses hypermarchés dont le modèle s'essouffle. Idéalement, ils ne dépasseront plus les 10 000 m2 de vente.
Mais qui dit réduction de l'espace de vente, dit également suppressions de postes. Au sein d'Auchan Baggersee, huit personnes employées dans les zones non alimentaires sont sûres de perdre leur emploi l'année prochaine.
"On les vire tout simplement"
Le plan d’économie d'Auchan présenté à ses partenaires sociaux début novembre 2024 prévoit en effet la suppression de 2 389 emplois en France, dont 915 postes en magasin.
"Chaque collaborateur concerné sera accompagné pour qu’il trouve une solution d’emploi pérenne en reclassement interne ou externe, à travers le financement de formations de reconversion, l’aide à la création ou à la reprise d'entreprise, ou l’aide à la recherche d’emploi durant un congé de reclassement", assure un communiqué du groupe Elo, dont dépend la marque Auchan.
Contacté, le service presse du groupe Auchan n'a pas encore donné suite à nos sollicitations.
Malgré tout, les syndicats se montrent peu rassurés par les promesses de la direction d'Auchan Retail. "Les salariés seront réintégrés oui, c'est en tout cas ce qu'il y a marqué dans le Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), qui devrait être actif définitivement en avril 2025. Mais il faut mettre des mots correctement sur les choses : on les vire tout simplement", s'agace Frédéric Schwaller, représentant syndical CGT à Auchan Illkirch.
"L'employeur qui payait le mieux"
Que vont devenir les 5 472 m2 perdus ? "On a posé la question mais on nous répond qu'ils ne savent pas et que ce n'est pas eux qui gèrent cette partie", répond le syndicaliste, peu convaincu. Peu importe l'identité des prochains locataires, Frédéric Schwaller assure qu'il se battra pour "tous les gens laissés sur le carreau".
"C'est regrettable parce qu'il fut un temps Auchan était l'employeur qui payait le mieux. Il y a 20 ans, j'avais 1000 euros de prime, maintenant c'est même pas 10 euros sur la fiche de paye", continue-t-il.
Les décisions ne sont pas comprises mais si les seules personnes qu'on considère sont les actionnaires, c'est forcément le bazar
Yves Soulabail
enseignant-chercheur
La perte de ces avantages économiques illustre une dégradation de la relation entre employés et employeur, qu'a analysé l'enseignant-chercheur Yves Soulabail, aussi vice-président de l'Académie des sciences commerciales.
"Il y a une vraie problématique de décalage entre la base et le sommet des enseignes de grande distribution. Les décisions ne sont pas comprises mais si les seules personnes qu'on considère sont les actionnaires, c'est forcément le bazar", déclare-t-il.
"Pour créer de la valeur il faut des valeurs", résume simplement l'enseignant-chercheur, ajoutant que les héritiers des grands groupes commerciaux "doivent leur fortune aux salariés, ils pourraient quand même leur parler."
La situation en Alsace
Les syndicats de leur côté assurent préparer des actions de protestation. Selon un document interne à l'entreprise, l'hypermarché de Baggersee n'est pas le seul à subir des coupes : celui situé à Hautepierre à Strasbourg perdra aussi 2 815 m2 en 2027 et celui de Schweighouse-sur-Moder perdra 1 970 m2 en 2028. Les magasins en Lorraine de Woippy, en Moselle, et de Bar-le-Duc, dans la Meuse sont aussi concernés.
Les supermarchés de moyenne et petite taille ne sont pas en reste, celui situé route de Schirmeck à Montagne verte, un quartier au sud-ouest de Strasbourg, a fermé définitivement depuis le 30 novembre. Par ailleurs, les drives piétons ont disparu de la ville.
Cette stratégie n'est que le sommet de l'iceberg pour le syndicaliste Frédéric Schwaller, qui tente une hypothèse : "Auchan réduit les surfaces de ses hypermarchés pour mieux les revendre ensuite".