Du lierre coupé sur environ "un millier d'arbres" dans une réserve naturelle : pourquoi c'est un carnage

Les gardes de la réserve naturelle de Neuhof-Illkirch, à Strasbourg, ont constaté des coupes de lierre sur un secteur d'environ trente hectares, soit "plusieurs centaines, voire un millier d'arbres". Une "catastrophe" pour la biodiversité. Une enquête a été ouverte.

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Les idées reçues ont la vie dure. Les gardes des réserves naturelles de Strasbourg ont pu en faire le constat ces derniers jours, en ce début d'année 2025. Des coupes de lierre ont eu lieu sur une surface d'environ trente hectares, à la fois le long des sentiers et en cœur de forêt. "Cela représente plusieurs centaines d'arbres touchés, voire un millier, nous le saurons plus précisément avec l'avancée de l'enquête, confie Thibault Deffontaines, garde des réserves naturelles de Strasbourg. C'est une catastrophe pour les arbres et pour la biodiversité de ces zones en général.

D'après les premiers éléments, il s'agirait d'un geste intentionnel, a priori dans le but de protéger les arbres d'un supposé danger. "Il n'y a pas de prélèvement, tout le lierre est resté sur place. Et des morceaux de bois ont été disposés entre les deux parties de lierre divisées, concrètement dans le but de tuer la plante. Je pense donc que la personne imaginait protéger les arbres. Alors que ce n'est pas du tout le cas.

Couper le lierre en étant persuadé du bien-fondé de son geste pour la santé de la forêt, il ne s'agirait pas d'une première. Face à cette habitude bien ancrée chez certains promeneurs, l'Office national des forêts a même publié une vidéo de sensibilisation sur ses réseaux sociaux en novembre dernier. Les commentaires sous la publication reflètent bien à quel point cette conviction est ancrée : "N'importe quoi", "Si, le lierre tue bel et bien les arbres, arrêtez les mensonges", "Du lierre s'est installé sur un arbre dans mon jardin, il est mort quelques mois plus tard !".

Des idées reçues invalidées par la recherche

Dans un article sur le site The Conversation, la biologiste Agnès Schermann Legionnet, maîtresse de conférences à l'Université de Rennes et spécialiste de la reproduction des végétaux, s'attache à vérifier une à une ces convictions populaires sur le lierre. Non, le lierre n'étouffe pas les arbres, il n'est pas un parasite, et il n'est globalement pas en compétition avec les arbres pour l'eau ou la lumière. "Ce sont des idées reçues qui se transmettent de génération en génération, explique Thibault Deffontaines. Il y a 30 ou 40 ans, on apprenait aux sylviculteurs que le lierre devait être coupé. Certains propriétaires de forêt privée coupent systématiquement le lierre sur leurs arbres." 

Au contraire, le lierre est une des seules plantes qui se développe en hiver et constitue un refuge pour un certain nombre d'espèces en forêt, notamment les pollinisateurs. "La petite abeille appelée collette du lierre vient butiner le nectar présent dans les fleurs, ce qui va permettre à la plante de fructifier, et ces fruits vont être consommés par les grives, indique Thibault Deffontaines. C'est un garde-manger, donc sa disparition génère un stress pour les animaux alentour. C'est aussi le HLM de la forêt puisque de nombreux rapaces nocturnes viennent s'y abriter."

3 ans de prison pour des coupes de lierre répétées

Une fois que la coupe est constatée, il n'existe aucun procédé susceptible de "réparer" les dégâts. "Et pour la repousse, notre philosophie est de laisser faire la nature. Pour un lierre âgé de 30 ans, il faudra donc 30 autres années pour arriver au niveau de développement précédant la coupe." Du temps perdu, des vies menacées, et un écosystème bouleversé : les conséquences sont nombreuses pour un acte qui se voulait au départ, probablement, vertueux.

Un écriteau a été installé sur les arbres pour prévenir les promeneurs : la coupe de lierre est un délit. © Thibault Deffontaines

Devant l'ampleur des effets néfastes, les réserves naturelles de Strasbourg annoncent leur intention de poursuivre l'auteur des faits, si l'enquête parvient à l'identifier. "On a installé des pancartes et des écriteaux sur toute la zone pour sensibiliser et prévenir : la coupe d'un seul lierre est passible d'une amende de 135 euros, prévient Thibault Deffontaines. La réitération de la coupe constitue un délit, en l'occurrence une atteinte grave à l'intégrité d'une réserve naturelle." 

Au maximum, l'auteur des faits encourt une peine de trois ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.

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