J'ai arpenté les allées du marché de Strasbourg, joué des coudes et des gants, pour vous dénicher les pires décorations, jouets, trucs de Noël. Pour certains, Noël ne fait pas de cadeau. Pour d'autres, il serait préférable qu'il n'en fasse pas. La preuve en images.
J'ai marché deux heures dans les allées bondées à la recherche des pires cadeaux de Noël. De ceux qui nous feraient croire que, finalement, le 25 décembre dernier, on ne s'en est pas si mal sorti. Alors, oui, vous me direz, tout cela est subjectif. Tous les goûts sont dans la nature, et cætera. Vous aurez raison.
Sauf que, là, tout de suite, après ce reportage en terrain miné, j'ai mal aux yeux, les tympans crevés et j'ai changé de couleur. Des signes qui ne trompent pas. Non ?
La boule à neige de 3 kilos
Elle trône en majesté sur un étal immense composé de décorations plus ou moins féeriques. On ne voit qu'elle, une boule à neige géante. Trois kilos, renseignements pris.
Difficile de la secouer du coup. Ça tombe bien, c'est concept, c'est une boule à neige sans neige. Un père Noël doré tournoie au sommet d'une montagne de plâtre tandis qu'un petit train en fait, inlassablement, le tour. Le tout sur fond de Jingle Bell. Un must. 160 euros.
Le vendeur me précise que le liquide à l'intérieur est antigel. Au cas où, agacés par la musique lancinante, vous la feriez passer par la fenêtre, en plein hiver.
Conseils. À ce prix, gardez-la plutôt à portée de main (mais pas d'oreille). Elle pourrait s'avérer utile comme arme défensive, en cas, de cambriolage ou d'intrusion.
L'Alsacienne au cou coudé
Il faut savoir ouvrir l'œil et le bon, tellement l'offre est pléthorique. Parfois même les deux, en espérant qu'ils soient encore bons, malgré l'âge et les guirlandes led tous azimuts. Au milieu d'angelots à plumes roses, et de tire-bouchons bretzel, je l'aperçois. Un magnet pour le moins inquiétant.
Une Alsacienne, grand sourire, penche la tête d'une façon fort peu naturelle. Comme si elle ne tenait plus que par une vertèbre cervicale. Le vendeur me la tend, je retiens mon souffle de crainte que sa caboche ne tombe à mes pieds. Crime régionaliste en pleine capitale alsacienne, vous imaginez ?
De près, c'est encore pire. "Monsieur, à quoi ça sert ?", "À faire joli." Bon. "Et vous en vendez beaucoup ?" "Pas plus que ça non." Il m'indique alors ses petits camarades de jeu, situés sur l'autre tableau aimantés. Leur tête est bien droite, mais leurs membres sont de longues ficelles, des spaghettis. Dilemme.
Conseil. À offrir uniquement pour illustrer le flegme alsacien. Calme et sourire en toute situation, y compris quand on perd la tête (ou les bras). 3,90 euros.
La Tarasque
Je comptais vous présenter aujourd'hui le Cagadou, santon traditionnel provençal. Un sujet, tout mignon, de la crèche, qui fait caca derrière l'étable. Hélas, le vendeur m'apprend que cette année, les santonniers ne l'ont pas fabriqué. Tout se perd.
Heureusement, je tombe sur ce truc informe et barbu. Couleur caca d'oie. Des yeux rouges et une mine patibulaire. Il fait légèrement tache entre la lavandière, le berger et Melchior.
"Heu, qu'est-ce que c'est ?" "La Tarasque". Mais encore ? " Un animal du folklore provençal, censé hanter les marécages près de Tarascon." Brrr. "Les gens l'achètent ?", "Non". Le vendeur me confie qu'il l'avait commandé spécialement l'année dernière pour une "vieille dame" qui n'est "jamais repassée." "Du coup, à chaque fois que je le vois, je pense à elle". Sympa.
Conseil. À acheter si vous faites la crèche et que vous avez des enfants en bas âge. Placé devant, il aura un effet dissuasif certain. 31 euros.
Salami ou pizza ?
Nous restons dans le registre de la crèche, façon résine cette fois. C'est moche, mais ça ne casse pas, on ne peut pas tout avoir.
Notre personnage tient dans ses mains des plats où reposent des coulées rouges, parsemées de taches blanches (mozza ou moisissures ?) On dirait qu'il s'apprête à vous les balancer en pleine poire. Avec le sourire, bien évidemment.
"C'est un personnage traditionnel madame ?" "Heu ben, je ne sais pas, je sais juste que c'est italien." "Ha, il porte des pizzas alors ?" "Moi, je dis à mes clients que ce sont des tranches de saucissons". De Salami alors, à la rigueur. Le mystère demeurera entier. Sauf le prix : 10.90 euros pour ce serial entarteur.
Conseil. Pas de conseil.
Pères Noël sous ecsta
Là, j'avoue, j'ai l'embarras du choix. C'est un chalet entièrement dédié aux Pères Noël à piles, carrément disjonctés. Ça saute, ça braille, ça joue du saxo, ça fait des pirouettes. Mes oreilles saignent. Ça fait mal aussi, oui.
Finalement, je m'arrête sur le Papa Noël hystérique, en embuscade dans un sapin, version bonhomme Cetelem. Il tourne sur lui-même à une vitesse folle. Ça donne franchement le tournis. Sa tête sort du sapin à intervalles réguliers tout en s'allumant et en chantant Jingle Bell Rock. La totale pour 20 euros.
Conseil. Pour les cardiaques, le vendeur propose plutôt d'acheter son homologue qui se contente, lui, de secouer les fesses.
Pinte ou demi ?
Dans les décorations de Noël, vous l'aurez compris, on trouve à boire et à manger. Là, pour le coup, ce sera la première option.
Du toit de ce chalet pendouillent ballons de rouge, coupes de champagnes, tasses de vin chaud et pintes de bière. À accrocher sur le sapin. Quand on secoue, la mousse faite de billes de polystyrène s'agite et le liquide penche. C'est rigolo. Je me demande qui, à moins d'être bien alcoolisé, décore son sapin avec des pintes de bière. "Non, ce n'est pas la bière qui marche le mieux, ce sont les flûtes de Crémant". Plus classe, clairement.
Comptez 19,50 euros la pinte. Pour les petits buveurs, le demi est au même tarif. Happy hours.
Conseil. À acheter éventuellement pour le 1ᵉʳ avril 2025.
Strabisme divergent
D'habitude les peluches, c'est tout mimi, tout doux, tout craquant. D'habitude. Avec ce renne, on joue dans une autre catégorie. Tant, que le pauvre a dû être abandonné par le Père Noël pour défaut de pilotage du traîneau. Comment aurait-il pu réussir le test de vision nocturne en biglant ainsi ?
Ce n'est même pas qu'il bigle ou qu'il a un strabisme. Non, ses yeux sont carrément et diamétralement opposés. "Mais c'est fait exprès, c'est encore plus mignon" me répond la vendeuse. Question de point de vue (sans mauvais jeu de mots). Mon voisin, lui, pense que notre cervidé a bu trop de vin chaud. Comptez 18,50 euros, sans la paire de lunettes.
Conseil. À acheter uniquement pour illustrer la composition de la nouvelle Assemblée nationale et le compromis droite-gauche. Sinon, non, je ne vois pas.
Daisy Tapedur
Pour finir ce tour des cadeaux disons "originaux" en beauté, je vous propose de faire connaissance avec une fée. Attention, pas n'importe laquelle, la fée Daisy, c'est le vendeur qui le dit.
Elle ressemble à une grosse framboise étranglée (par un fil d'or, c'est Noël tout de même). D'ailleurs, la situation n'a pas l'air de trop lui convenir : Daisy boude méchamment. Elle porte, en guise de baguette magique, une sorte de gourdin doré (lui aussi), prêt à jaillir de derrière son épaule. Ça sent le coup fourré dans le sapin.
Daisy vient du Danemark, pays où les framboises sont rares, elle est donc précieuse : 21 euros. "Pour acheter Daisy, il faut vraiment un coup de cœur" précise le commerçant. Ou un coup de gourdin.
Conseil. Éviter de demander à Daisy d'exaucer un vœu. On ne sait jamais.