Pourquoi les Compagnons du devoir attirent toujours autant de jeunes, "c'est un peu ma deuxième famille"

Les siècles passent et le compagnonnage attire toujours autant les jeunes. Au centre de formation des Compagnons du devoir de Strasbourg, plus de 700 apprentis sont inscrits sur l'année scolaire 2024/2025. Du CAP au master, des jeunes dès 15 ans font le choix d'une formation exigeante et de la vie en communauté pour apprendre un métier.

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La plupart ont rejoint les Compagnons à l’âge de 15 ans. Originaires des quatre coins de la France, ils ont quitté leur famille pour s’installer dans leur nouvelle “maison”, le nom des centres d’hébergement des Compagnons. Si aujourd’hui les cours suivent le cahier des charges de l’Enseignement supérieur, les Compagnons du devoir ne se départissent pas de leurs spécificités : vie en communauté, transmission des savoirs par des échanges informels et voyages en France et à l’étranger... 

Et ces formations uniques en leur genre attirent. À Strasbourg, ils étaient 705 à être inscrits pour la rentrée de septembre 2024. Soit en formation initiale post-brevet ou post-bac, soit dans le cadre de leur “Tour de France”, cette période de formation itinérante qui s’étend sur plusieurs années après l’obtention du diplôme.

Les garçons restent majoritaires dans ces formations aux métiers manuels, explique Benoît Angheben, prévôt au centre de formation de Strasbourg. "Au niveau national, il n’y a que 17% de filles. Chez nous, on les voit surtout dans les métiers du goût ou des matériaux souples."

La transmission inter-générationnelle est une des valeurs portées par le compagnonnage. © Les Compagnons du Devoir Grand-Est

À Strasbourg, 80% des effectifs se forment aux métiers du bâtiment, toujours peu féminisés. Les plus populaires : menuiserie ou charpente, mais aussi, de plus en plus, pâtisserie. "Le nombre de charpentiers a explosé depuis l’incendie de Notre-Dame-de-Paris" constate Florian Guehl, prévôt de la maison de Strasbourg. "Et avec les émissions TV, le métier de pâtissier aussi."

Des jeunes motivés par le compagnonnage

Les jeunes qui candidatent en post-brevet auprès des Compagnons du devoir ont souvent un projet professionnel bien précis. "À cet âge-là, on ne peut peut-être pas encore parler de passion, mais ils viennent avec un vrai intérêt pour le métier," précise Benoît Angheben.

Mais dans les candidatures, c’est surtout l’attrait pour le compagnonnage qui ressort chez les jeunes, ajoute le prévôt : "Les jeunes ne candidatent pas par défaut. Ou sinon, ceux qui viennent en voie de garage, on va les réorienter. En général, ils viennent parce qu’ils ont un oncle menuisier ou alors, ils ont fait leur stage de troisième chez un Compagnon. Il y en a très peu qui n’ont aucun lien avec les Compagnons avant de candidater."

Pour Axelle Charles, en avant-dernière année de Tour de France suite à un CAP Pâtisserie, ce sont les valeurs des Compagnons du devoir qui lui plaisent le plus : "Ce qui m’attirait au départ, c’était vraiment l’apprentissage par le voyage, mais en plus, j’ai trouvé un vrai esprit de famille, d’entraide, de partage… On ne trouve pas ça ailleurs. Les Compagnons, c’est un peu ma deuxième famille."

Le compagnonnage implique des temps de partage et d'échange dans les "maisons". © Les Compagnons du Devoir Grand-Est

Car pour ce mouvement, la transmission ne s’arrête pas aux salles de classe. Les soirs après les cours ou les samedis, les jeunes sont encouragés à échanger avec leurs aînés, demander conseil et perfectionner leur métier. La vie en communauté dans les « maisons » facilite ces échanges.

Une formation sur le long cours

Un investissement en temps important qui peut parfois en démotiver certains. "En dix ans, on a doublé le chiffre des effectifs de formation initiale, mais le nombre de jeunes qui deviennent Compagnons est resté le même, voire a baissé," regrette Benoît Angheben. "Les jeunes d’aujourd’hui sont toujours curieux de vivre l’expérience du compagnonnage, mais les garder intéressés sur toutes leurs années de formation, c’est de plus en plus dur, j’ai l’impression."

Les garder intéressés toutes ces années, c'est de plus en plus dur

Benoît Angheben, prévôt du centre de formation de Strasbourg

En cause, des études plus longues que les formations classiques. Aux deux ans pour l’obtention d’un diplôme post-brevet, s’ajoutent trois à cinq ans de voyage dans les ateliers d’autres Compagnons, en France et à l’étranger.

Pour empêcher cette démotivation, les Compagnons du devoir sont obligés de se réinventer. Donner plus de lisibilité aux jeunes sur leur parcours de formation, les laisser choisir leur branche de spécialité et personnaliser les parcours de formation… "Maintenant, à leur arrivée, on leur dit : dans cinq ans, tu seras Compagnon," déclare Benoît Angheben.

Pour découvrir l’apprentissage par le compagnonnage, rendez-vous aux portes ouvertes du centre de formation de Strasbourg les 25 et 26 janvier 2025.

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