Sciences Po : des étudiants témoignent après la fin d'un partenariat avec une université en Israël, "on est instrumentalisé"

Des étudiants ont interrompu le conseil d'administration de Sciences Po Strasbourg, lors duquel était prévu un vote pour rétablir un partenariat avec une université israélienne, suspendu en juin. Face à la polémique France 3 Grand Est est allé à la rencontre des étudiants sur le campus du Cardo.

L'essentiel du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l'info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "L'essentiel du jour : notre sélection exclusive". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

L'ambiance semble détendue lundi 9 décembre, devant la porte d'entrée du campus du Cardo, à Strasbourg. Les étudiants de Sciences Po fument une cigarette entre deux cours ou révisent une dernière fois leurs fiches avant un examen. Mais sous l'apparente tranquillité, une polémique gronde.

"On a reçu des mails avec des communiqués", révèle une étudiante de l'institut d'études politiques (IEP) qui a souhaité rester anonyme. Elle ajoute de suite : "Mais je ne les ai pas lus je vous avoue, je sais juste que ça a suscité des débats entre nous, les étudiants".

À lire : "La direction ne l'a pas forcément souhaité", Sciences Po Strasbourg suspend un partenariat avec une université israélienne

"Ça", correspond à deux actions étudiantes qui ont lieu à quatre mois d'intervalles et qui ont suscité de vives réactions dans les médias. D'abord en juin dernier, lorsqu'un partenariat entre Sciences Po et l'université Reichman, située en Israël, au nord de Tel-Aviv, avait été suspendu lors d'un conseil d'administration. Les prises de position de cette institution privée sur la guerre entre Israël et la Palestine avaient notamment motivé cette décision.

Puis, nouveau rebondissement mardi 3 décembre : une cinquantaine d'étudiants ont mis fin à un autre conseil d'administration en s'y invitant alors que l'établissement débattait de son budget. Selon l'AFP, le groupe a demandé le rejet d'une motion visant à rétablir le partenariat avec l'université sioniste. Une demande à laquelle le directeur, Jean-Philippe Heurtin, n'a pas souhaité accéder.

On n'a pas vraiment d'autres moyens d'agir concrètement, ces actions c'est un moyen de dire qu'on a une voix

Un élève de Sciences Po Strasbourg

"Pour moi c'est une bonne manière de montrer son désaccord, parce qu'on n'a pas forcément d'autres moyens de le faire", réagi l'étudiante en première année de master, un gobelet de café en carton à la main. Un autre élève souhaitant rester anonyme renchérit : "on n'a pas vraiment d'autres moyens d'agir concrètement, ces actions c'est un moyen de dire qu'on a une voix."

Une ambiance parfois tendue

Y aurait-il un consensus à Sciences PO pour s’indigner de ce partenariat ? Si tout le monde s'accorde pour dire que la majorité des quelque 1500 élèves de l'institution soutient cette prise de position, des voix dissidentes se font également entendre. Et entre les étudiants, des débats parfois électriques vont encore bon train en ce début décembre.

"Dans mon groupe d'amis certains sont archi contre la fin du partenariat et d'autres sont d'accord, il y a des débats assez virulents. Mais, en fait, tout revient à dire si on est pro palestinien ou pro israélien, le débat est rapidement catégorisé comme ça en réalité", analyse l'étudiante avant de repartir en cours.

C'est aussi ce que pense un autre élève, prenant une pause devant le bâtiment noir. "Le débat sur le partenariat a été hyperpolarisé, on a l'impression qu'on est énormément instrumentalisé par les différents parties prenantes de ces discussions", regrette-t-il, citant en exemple des réactions politiques “exagérées”.

Moi ce qui me dérange un peu c'est le côté bonne conscience, j'ai l'impression que c'est un peu pour se donner une bonne image

Un étudiant de Sciences Po Strasbourg

"C'est clair que Sciences Po, c'est pas un bastion de la droite ou de l'extrême droite mais dire qu'on est forcément islamo-gauchiste et pro palestinien... c'est un peu énervant", continue-t-il. Le jeune homme veut apporter un peu de nuance aux actions étudiantes organisées ces derniers mois, qu'il ne soutient pas sans réserve : "Moi ce qui me dérange un peu c'est le côté bonne conscience, j'ai l'impression que c'est un peu pour se donner une bonne image".

Lui et son camarade ont pu discuter de ce sujet et du conflit israélo-palestinien en général en cours, avec leurs professeurs, mais ils auraient souhaité que Sciences Po élargisse le débat avec toute l'école. Ils évoquent aussi un dialogue difficile avec l'administration.

"On aurait dû plus échanger"

C’est aussi ce que regrettent Maxime et Martin, tous deux étudiants à l’IPAG, l’institut de préparation à l'administration générale, situé sur le même campus. "On aurait dû plus échanger avec le personnel universitaire et administratif avant la prise de position et faire une enquête interne", avancent-ils.

Les deux étudiants en master expliquent avoir été prévenu dès la rentrée que leur filière ne se préoccupait pas "des sujets polémiques" et que leur fonction demandait de conserver un devoir de réserve. Une posture que regrette tout de même Maxime : "C'est dommage car ce genre de sujets importants, comme la censure du gouvernement Barnier d'ailleurs, ça touche la vie des gens concrètement et de fait, notre travail.”

"Je crois qu'il y a eu une peur de condamner un pays dans sa globalité et des relations diplomatiques qui restent importantes à conserver, aussi avec les étudiants israéliens", explique son camarade Martin.

Si l’actualité nationale avec la motion de censure du gouvernement Barnier a mis un peu de distance avec la polémique, le feu n’est pas complètement éteint. Le débat a dépassé les murs de l'Université puisque quatre élus d’opposition ont porté une question sur le sujet au conseil municipal du lundi 9 décembre au soir.

L'institut d'études politiques quant à lui, doit une nouvelle fois se réunir dans les prochains jours pour décider de l’avenir de ce partenariat. Son directeur, Jean-Philippe Heurtin avait précisé qu'il "n’est pas actif actuellement et qu’aucun étudiant ne sera envoyé en Israël, ni au Liban avant la fin des hostilités".

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information